Regard

Un SDF nommé MCO ! Le club de football emblématique de la ville d’Oran est un SDF. Entendez par là Sans (grosse) Difficulté Financière. A regarder combien il fait bon vivre sous la bannière de ce club à la santé poussive, on ne peut que s’en réjouir. Si un joueur approximatif, qui sait à peu près taper dans le ballon, se fait mal à la cheville en dansant frénétiquement dans quelque boîte de nuit, la presse se hâte à crier au désastre: Flen est blessé, il risque de ne pas être aligné au prochain match! Aussitôt le scoop fait le tour des rédactions et, l’émotion grandissant, arrive aux plus hautes autorités... La fébrilité atteint son comble quand l’information est assortie d’une revendication pécuniaire: ils n’ont pas touché la prime de match, ils se plaignent de retard dans le versement de la prime de signature et bien entendu la prime de prime. Tâtant le pouls socialo-footbalistique, la wilaya se sent alors obligée, par on ne sait quel levier, de se fendre, comme la semaine dernière, de la coquette somme d’un milliard et demi. Soit beaucoup de zéros après les chiffres -il n’y a que la bouche qui peut le dire!- pour arrondir les angles et calmer les joueurs du dimanche qui font cette équipe de SDF. Les dirigeants, le staff technique, les supporteurs (les pôôvres) et bien entendu les joueurs poussent alors un ouf de soulagement dès que le «virement» arrive. La planète Terre est passée à côté d’un désastre majuscule à seulement imaginer que le MCO aurait pu souffrir d’un manque de ressources financières. Pendant ce temps, des hommes et des femmes, fiches de paie en main, se baladent de bureau en bureau, dans les couloirs moroses des administrations, à réclamer des arriérés de salaires (des vrais ceux-là) qui traînent parfois depuis quinze longues années. Ces hordes anonymes, qui ne jouent pas au football, ne provoquent pas de poussées de fièvre hooliganistes dans les rues, ne brûlent pas des voitures, n’insultent pas les policiers et ne leur tapent pas dessus, ramassent tous les matins leurs ballots d’amertume et refont le même circuit pour simplement faire appliquer des décisions de justice. Mais bon, ils n’ont pas eu l’idée de jouer au MCO, sinon les choses auraient été bien différentes.