Regard

Un avant-goût peu vendeur ! Le jour où un blindé américain pointa son canon sur l’hôtel Palestine de Baghdad, là où étaient rassemblés la plupart des médias internationaux durant les débuts de la seconde guerre d’Irak, le monde arabe retint son souffle… Les dépêches tombaient, toutes de colère et de dépit: une chaîne, et quelle chaîne! Al Djazira, le fleuron de l’expression arabe plurielle, a été visé. La première à faire vraiment son métier, la seule à laisser libre cours aux débats, et ils ne manquent pas, qui traversent ce monde arabe sans voix, sans possibilité de réplique aux multiples questionnements qu’il pose et que le monde lui pose. Or, que voit-on se profiler aujourd’hui? Une sorte de rideau d’indifférence face aux agressions… palestiniennes contre une autre chaîne arabe celle-ci encore, en plein Ghaza. Al Arabia a été dynamitée ce lundi et les dégâts y sont considérables. Encore heureux qu’il n’y ait pas de victime puisque les poseurs de bombes ont pris la précaution d’agir une fois les locaux désertés par les personnels. Mais le geste est là qui ne trompe personne. Que cette chaîne soit suspectée par une partie de l’opinion d’être à la solde du Fatah contre le Hamas, justifie-t-il un plasticage? Franchement, l’argument est un peu court. L’agression en elle-même est indéfendable. Ce que les Sionistes n’ont pas fait, les Palestiniens les en débarrassent. L’armée israélienne n’a plus besoin de cibler l’expression médiatique arabe, les Arabes eux-mêmes s’en chargent, avec le zèle et la manière. Bien que cette chaîne soit domiciliée à Qatar, exactement dans le même émirat que sa concurrente Al Djazira, Al Arabia n’a pas échappé au «censeur anonyme» qui veut la réduire au silence. Le porte-parole du Hamas a condamné l’attentat autant d’ailleurs que son homologue du Fatah, mais cela va-t-il réellement lever un coin du voile? Le précédent est suffisamment grave pour être évoqué non sans une pointe de consternation. En matière de négoce démocratique, il n’est pas vendeur pour un sou.