Algérie

Reculez ! Reculez ! Hmida va à la plage !



Reculez ! Reculez ! Hmida va à la plage !
C'est l'été. La canicule affole et le ramadhan pointe du nez. La plage nous appartient. Défoulement, en avant toute et tous ! Sur 1200 kilomètres de mer ô combien enviée outre-mer, le souk reste kif-kif. L'Algérie entière y est dans cette faune bigarrée qui se presse sur un bout de sable souvent mal entretenu. Les différences sociales y sont mises à nu. La plage s'offre en un large éventail d'un microcosme où les différences sont dénudées, même vêtues. Alors qu'elle est censée réduire les inégalités quotidiennes, enfants de 50 ans de nivellement par le bas d'une société qui tourne en rond, les journées de baignade donnent l'occasion à certains élus sociaux d'afficher ostentatoirement des signes de leur richesse spontanée et mal acquise. Au casting, et au bas de l'échelle démographique des estivants, la Hilux bâchée mais sans bâche, sinon la Mazda avec sa cargaison d'envoyés spéciaux, qui s'agrippent au cerceau avec le reste des pastèques ou des melons invendus au souk ellil proche. Ils descendent des douars avoisinants et sont, sans peine, remarqués et remarquables par le reste de la population estivale. Ils sont au moins une douzaine à descendre, avec le père, le grand frère, l'oncle, le cousin et quelques voisins. Ils ne se mêlent généralement pas aux autres, et préfèrent s'isoler en montant leur tente à l'écart. Ils sont chauds, vifs et vivaces, courent dans tous les sens et la mer leur appartient. Bronzés de naissance et de soleil dans les champs, ils sont en famille à la mer comme s'ils étaient à la maison. Au déjeuner en différé, croissants de pastèque et une tomate entière par bouchée accompagnent la galette-maison ou la baguette de pain acheté sur le chemin. La bouffe bouffée, ses restes volent derrière la tente. A côté, les transports en commun, des bus et fourgons loués par cotisation à la journée. Leurs habitants sont des jeunes, neuf garçons pour une fille, alors que nos statistiques nationales nous partagent moitié moitié. Egalement bronzés par le soleil des autres jours de l'année, ils viennent se défouler en groupe, découvrir des amitiés et pourquoi ne pas, repartir avec le numéro du portable d'une voisine. Bruyants, ils font peur aux familles se disant citadines qui, d'une moue répulsive, regardent ces envahisseurs leur rappelant leurs enfants et la vie à la maison. Plus loin, le couple sans enfants, amoureux, ils viennent profiter du prétexte d'aller à la plage pour s'aimer en tête à tête. Jeunes, ils sont pleins d'optimisme qui leur avale la promiscuité avec leurs voisins habitants des bus. Main dans la main, ils marchent ensemble dans la mer jusqu'à ce que l'adonis reçoive un ballon en pleine figure. Il y a aussi les frimeurs H 24, parfois le berger allemand derrière, heureux de gonfler les faux muscles de la piqure qu'ils exhibent, devant des yeux indifférents, dans un va-et-vient de paon infantile. Ils ne se baignent pas. Ils marchent en se regardant, étonnés d'eux-mêmes. En sus de nos traditionnels chauffards de la route en route vers la plage, voilà qu'il y a également les chauffards de la mer. Aussi dangereux et meurtriers, ce sont les jet-skieurs. Ces fous motorisés au guidon des bolides hydroglisseurs, devenus l'accessoire de mode sur les plages, qu'on lance impunément sur la tête des baigneurs. Ils s'approprient le large comme les autres le rivage. Au bout du souk infernal, nos frères de là-bas chez nous les émigrés, les maillots en hidjab ou en niqab, complètent le décor d'une pièce théâtrale mouillée.
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