Algérie - A la une


Une histoire d'huile
Il y avait foule dans cette supérette où un important arrivage d'huile avait drainé un monde fou.
Khadidja, qui, en ce mois de sacré de Ramadhan, occupait ses journées à courir d'une grande surface à une autre, a vite fait de repérer le produit. De l'huile ! Ah mon Dieu, et si près de chez elle? ! Vite, elle s'emmitoufla dans son haïk et vérifia le contenu de son porte-monnaie. Oui. Il y a une bonne somme, elle pourra s'offrir deux bidons d'huile? Ou trois. Ou même plus. Tiens? Pourquoi pas ' Elle pourra les écouler à l'approche de l'Aïd aux voisines et elle en tirera un bon profit?
Elle se dirigea d'un pas alerte vers la supérette de son quartier, où on se bousculait pour obtenir un bidon d'huile. "On dirait que toute la ville s'est donné rendez-vous ici", se dit Khadidja tout en remarquant la disponibilité de plusieurs produits, qui vers la fin du mois de jeûne, déserteront les étals : beurre, farine, sucre, maïzena, levure, vanille, etc.
Elle notait et enregistrait les prix, puis se mettait à faire des projets quant aux éventuels bénéfices qu'elle en tirerait, si elle arrivait à en acquérir une bonne quantité et à la revendre avec une bonne marge supplémentaire ! Pourquoi pas ' Le business et l'informel étant de mise, autant donc en profiter.
Addition, soustraction, multiplication, division?l'arithmétique prendra possession de son esprit :
"Bon voyons, se dit-elle, si j'ajoutais 10 DA par plaquette de beurre sur une centaine, cela me fera 1000 dinars, sur la farine aussi? Sur le sucre, les dattes. etc."
La foule compacte avançait et Khadidja continuait ses calculs. "Avec 10 000 dinars de bénéfices, je pourrais m'acheter une machine à coudre. Je la revendrais et j'en achèterais deux autres, que je revendrais pour acheter une machine à laver... Que je revendrais? pour?
Prise dans un engrenage financier fictif, elle échafaudera des projets plus grandioses :
"Quand j'obtiendrais un bon capital, je pourrais me permettre un véhicule tout neuf, que je louerais, et qui me rapportera à chaque fin de mois une petite fortune? Je penserais alors à investir dans l'immobilier et je deviendrais la propriétaire comblée d'un bel immeuble. J'irais alors à La Mecque, et me ferais appeler "hadja" avec tous les honneurs qui me seront dus?"
Obsédée par cette folie de s'enrichir en un tour de main, Khadidja ne se rendra pas compte qu'elle était arrivée tout près des cartons d'huile. Un agent attira son attention, et elle émergea de ses rêves pour demander ses quatre bidons.
-Voilà Madame. Cela vous fait 1700 DA.
- Oui? Attendez? je?
Khadidja se met à chercher son porte-monnaie dans son sac à main, puis dans son corsage, puis dans ses poches? Elle commence à s'affoler et déversa le contenu de son sac à main sur le sol. En vain. La bonne femme se rendit à l'évidence : son porte-monnaie lui a été bel et bien subtilisé. Elle n'aura d'autre choix alors que celui de quitter la grande surface sans rien acheter. La tête basse et le c?ur en peine, elle arrive chez elle et donne libre cours à ses sanglots et à sa déception. Avec la disparition de son porte-monnaie, c'étaient tous ses projets qui s'envolaient. Et dire que pendant qu'elle les échafaudait, un voleur concrétisait les siens. À ses dépens bien sûr.

Y. H.
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