Algerie - Patrimoine Culturel

Raïna Raï et l’origine de « Ya Zina Diri Latay » : une perspective culturelle et juridique


Raïna Raï et l’origine de « Ya Zina Diri Latay » : une perspective culturelle et juridique

Introduction

Raïna Raï, groupe emblématique de la musique raï algérienne, formé en 1980 à Paris, est connu pour son style « raï électrique », mêlant raï traditionnel, rock et influences diwane. Originaire de Sidi Bel-Abbès, le groupe a marqué l’histoire de la musique algérienne avec des titres comme « Ya Zina Diri Latay », « Hagda » ou « Til Taila ». Cependant, des débats ont émergé autour de l’origine de leur célèbre chanson « Ya Zina Diri Latay », notamment en lien avec des accusations impliquant l’artiste contemporain Soolking et le compositeur original, Kadri Dziri.

L’importance culturelle de Raïna Raï

Raïna Raï a joué un rôle clé dans la modernisation du raï, en intégrant des instruments électriques comme la guitare et le synthétiseur. Fondé par Tarik Naïmi Chikhi, Kaddour Bouchentouf, Lotfi Attar et Hachemi Djellouli, le groupe s’inscrit dans la lignée de formations antérieures comme Les Aigles Noirs et Les Basiles. Leur premier album, Ya Zina Diri Latay (1982), a propulsé le raï sur la scène internationale, avec des concerts en Europe, aux États-Unis et au Canada. En abordant des thèmes comme l’identité, l’amour et les enjeux sociaux, Raïna Raï est devenu un symbole de la culture algérienne.

Si le groupe a créé des compositions originales, il a aussi repris des chansons du patrimoine algérien, comme « Hmama » de Blaoui Houari ou « Ya Zina Diri Latay » de Kadri Dziri. Cette pratique de réinterprétation est courante dans le raï, un genre qui repose sur la réinvention de mélodies traditionnelles. Toutefois, toutes leurs chansons ne sont pas des reprises, car Raïna Raï a également produit des œuvres originales dans leur style distinctif.

Les origines de « Ya Zina Diri Latay »

« Ya Zina Diri Latay », l’un des plus grands succès de Raïna Raï, est une reprise d’une œuvre composée en 1958 par Kadri Dziri, musicien de Sidi Bel-Abbès. Cette chanson avait déjà été réinterprétée en 1975 par Boussouar El Maghnaoui, un artiste de Maghnia, avant que Raïna Raï ne la popularise en 1982. Enregistrée sous le label Sadi Disques, leur version, arrangée par Lotfi Attar, est devenue un phénomène culturel, apparaissant dans des films comme Tchao Pantin (1983), Mektoub, My Love : Canto Uno (2017), Taxi 5 (2018), Omar la Fraise (2023) et Nouveaux Riches (2023).

La composition originale de Kadri Dziri est considérée comme appartenant au domaine public algérien, car elle s’inscrit dans la tradition orale du raï et précède les cadres modernes du droit d’auteur en Algérie. L’arrangement de Raïna Raï, modernisé avec des instruments électriques, a valu à Lotfi Attar des droits d’arrangeur, comme reconnu par l’Office National des Droits d’Auteur et Droits Voisins (ONDA). Cependant, l’origine de la chanson soulève des questions sur la propriété intellectuelle, notamment l’idée que la famille de Kadri Dziri pourrait poursuivre Raïna Raï pour leur enregistrement.

Soolking et les accusations de reprise

Soolking, artiste algérien contemporain mêlant raï, rap et pop, a été accusé d’avoir repris des œuvres de Raïna Raï, notamment « Ya Zina Diri Latay ». Cependant, aucune preuve concrète n’indique que Soolking a directement samplé l’enregistrement de Raïna Raï de 1982. Étant donné que « Ya Zina Diri Latay » est une reprise d’une composition de Kadri Dziri, ancrée dans le patrimoine culturel algérien, tout artiste, y compris Soolking, peut légalement la réinterpréter sans enfreindre les droits de Raïna Raï, à condition de ne pas utiliser leur arrangement spécifique. Les droits de Raïna Raï se limitent à leur arrangement, et non à la mélodie ou aux paroles originales, attribuées à Dziri et considérées comme relevant du domaine public.

La musique de Soolking s’inspire souvent du raï traditionnel, mais il l’adapte avec des genres modernes comme le trap et le hip-hop, distincts du style rock de Raïna Raï. Sans preuve de sampling direct, les accusations contre Soolking manquent de fondement. La pratique de s’inspirer du répertoire raï traditionnel est au cœur du genre, et Raïna Raï eux-mêmes en ont bénéficié.

Considérations juridiques : la famille de Kadri Dziri peut-elle poursuivre Raïna Raï ?

L’idée que la famille de Kadri Dziri pourrait engager des poursuites contre Raïna Raï repose sur le droit d’auteur et le statut de « Ya Zina Diri Latay » en 1982. En Algérie, les protections des droits d’auteur étaient peu formalisées au milieu du XXe siècle, et de nombreuses chansons raï, y compris celle de Dziri, relevaient de la tradition orale, souvent considérée comme domaine public. L’enregistrement de Raïna Raï en 1982, bien que commercialement réussi, est une réinterprétation d’une œuvre préexistante. Lotfi Attar, en tant qu’arrangeur, a obtenu des droits pour cet arrangement spécifique, comme l’indique l’ONDA, mais la composition originale reste attribuée à Dziri.

Pour que la famille de Dziri puisse poursuivre Raïna Raï, elle devrait prouver que Dziri détenait un droit d’auteur valide en 1958 et que Raïna Raï a violé ce droit. Compte tenu du statut folklorique de la chanson et de l’absence de copyright documenté à l’époque, une telle démarche serait complexe. De plus, le temps écoulé – plus de six décennies depuis la création de la chanson – complique davantage une action en justice, car les droits d’auteur en Algérie expirent généralement 50 ans après le décès de l’auteur.

Conclusion

Raïna Raï a joué un rôle majeur dans la diffusion mondiale du raï, en alliant tradition et innovation. Leur version de « Ya Zina Diri Latay » a transformé une composition de Kadri Dziri de 1958 en un classique moderne, mais elle n’est pas leur création originale. Les accusations selon lesquelles Soolking aurait repris leur production manquent de preuves, car la chanson, ancrée dans le domaine public, peut être librement réinterprétée. De même, bien que la famille de Kadri Dziri puisse envisager une action juridique contre Raïna Raï, le statut folklorique de la chanson et les limites du droit d’auteur historique rendent une telle démarche peu probable. En fin de compte, « Ya Zina Diri Latay » illustre la nature collaborative et évolutive du raï, un genre nourri par un patrimoine culturel partagé.


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