Algérie

Quand le psychique prend le pas sur le physique


«Comment peut-on être enceinte et ne pas s'en rendre compte ' C'est impossible !» Voici le genre de questions auxquelles ont eu droit les femmes ayant été atteintes de déni de grossesse. Soirmagazine s'est penché sur ce sujet en vous proposant cet éclairage qui répond aux principales questions portant sur comment fonctionne physiologiquement le déni de grossesse ' Comment une grossesse peut-elle passer inaperçue ' Comment ne pas se rendre compte que l'on est enceinte ' Peut-on prévenir le déni de grossesse ' Y a-t-il des conséquences sur l'enfant 'Comprendre le déni de grossesse
«Le déni de grossesse est un mécanisme de défense psychique. Il vise la protection du sujet, c'est-à-dire qu'en ignorant la réalité, il protège la personne d'une souffrance inélaborable, qui ne peut pas trouver de sens», résume Sophie Marinopoulos, psychanalyste et auteure d'Elles accouchent et ne sont pas enceintes : le déni de grossesse.
L'Association française pour la reconnaissance du déni de grossesse le définit comme le fait d'être enceinte sans avoir conscience de l'être au-delà du troisième mois de grossesse. Cette association a pu établir des statistiques contrairement à l'Algérie où ni étude ni chiffres n'ont été recensés. D'après cette association, il y aurait de 600 à 1 800 femmes concernées tous les ans en France, qui pour plus de 300 d'entre elles ne se rendent compte de leur état qu'au moment de l'accouchement. Elles n'ont aucun symptôme de leur grossesse, et tout ce qui pourrait être considéré comme un symptôme est attribué à d'autres causes. Une prise de poids peut ainsi être attribuée à une fluctuation normale, un retard de règles, des menstruations habituellement irrégulières, ou des douleurs abdominales à des troubles digestifs. Les médecins non plus ne s'en aperçoivent pas toujours : 38% de ces femmes ont consulté un médecin qui n'a pas fait le diagnostic de grossesse, selon un rapport de 2010 du Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF).
Comment cela se produit '
Président du CNGOF et coauteur, avec la psychothérapeute Sophie Marinopoulos, du livre Elles accouchent et ne sont pas enceintes, il explique que «physiologiquement, l'utérus, au lieu de se pencher vers l'avant, s'appuie vers l'arrière et vers le haut, repoussant le diaphragme, les intestins et les poumons. Ce sont donc les muscles posturaux tels que les abdominaux, contrôlés inconsciemment par le cerveau, qui contraignent l'utérus à s'allonger le long de la colonne vertébrale. Bien que les organes soient compressés, la femme peut ne ressentir aucun symptôme, et ce remaniement peut rester invisible même chez une femme maigre».
Le Pr Nisand précise que la moitié des femmes concernées ont déjà un ou plusieurs enfants, et ont donc déjà expérimenté la grossesse consciente, dont elles ne reconnaissent évidemment pas les signes.
Pertes de sang ou règles menstruelles '
Hélène Romano, docteur en psychopathologie qui s'est penchée sur ce sujet, explique que dans un déni de grossesse, il y a bien une grossesse physique même si le corps fait en sorte de la dissimuler.
Elle assure qu'«une femme qui fait un déni de grossesse perçoit les changements de son corps mais pas comme des signes de grossesse. Des saignements peuvent ainsi passer pour des règles, un mal de ventre pour une gastro? Il n'y a par ailleurs pas ou peu de signes physiques révélant une éventuelle grossesse».
D'après le CNGOF et selon les études, 57% à 74% des femmes ayant vécu un déni de grossesse rapportent avoir eu leurs règles pendant plusieurs mois alors qu'elles étaient enceintes, et parfois, plus rarement, jusqu'au terme. Or, chez les femmes enceintes ne faisant pas de déni, elles sont seulement 1% à observer des saignements réguliers semblables aux règles ! «Faute d'examen clinique ou biologique chez les femmes ayant un déni de grossesse, il est difficile de dire si ces saignements existent, s'ils sont réellement comparables à des règles en volume et rythme, ou s'il s'agit de saignements qui proviennent du col utérin qui saigne facilement pendant la grossesse», commente le CNGOF dans son rapport.
Le rôle du psychique
«L'inconscient est d'une puissance énorme», analyse le Pr Nisand, pour qui le déni de grossesse est un mécanisme de défense contre une situation que l'on ne peut pas gérer. «Toutes les femmes qui font un déni de grossesse sont en énorme souffrance psychique, pas toujours reconnue par elles-mêmes», explique-t-il.
Une souffrance qui les empêche de gérer la réalité de leur grossesse et entraîne leur corps à en dissimuler les signes. De ce fait, les femmes de tous âges, de tous les milieux sociaux, de tous les profils conjugaux, etc., peuvent être concernées.
«Cela peut aussi toucher des femmes qui se croient stériles ou ménopausées, qui pensent faire attention grâce à l'utilisation de contraceptifs ou d'un stérilet, etc.», précise Hélène Romano. Cette dernière affirme toutefois que «toutes les femmes peuvent faire un déni de grossesse. Ce sont des personnes en intense souffrance psychique et isolées psychiquement à un moment donné. La femme est en fait blessée dans sa capacité à être mère».
Qu'en est-il de la relation mère/enfant '
Dans son étude, Bonnet C, Accompagner le déni de grossesse : de la grossesse impensable au projet de vie pour le bébé, perspectives psychiatriques, note que la révélation de la grossesse est un véritable cataclysme psychique pour la mère qui, en un temps éclair, doit construire sa grossesse. Lors de la découverte de sa grossesse après un déni partiel, la femme peut persévérer dans le déni, refuser cette grossesse et demander son interruption ou l'abandon de l'enfant, ou au contraire développer un processus de maternalité.
En cas de déni de grossesse total, ce temps de la grossesse est encore plus court et la découverte de la grossesse encore plus brutale. Si le déni est massif, il peut y avoir persistance d'un clivage si puissant que le bébé ne représente plus un être fragile, mais une chose encombrante dont il s'agit de se débarrasser au plus vite.
L'infanticide est alors l'issue la plus dramatique du déni de grossesse total. Il demeure cependant rare. Un accompagnement psychologique de la maman est essentiel pour une compréhension psychopathologique du déni de grossesse. Une prise en charge mère/enfant peut être nécessaire pour aider la mère à tisser un lien affectif avec son bébé, car en l'absence du temps de maturation psychologique de la grossesse, ce lien peut être difficile à mettre en place. En réaction au sentiment de culpabilisation de n'avoir rien vu de leur grossesse ou d'avoir eu des comportements à risque durant celle-ci, certaines mères peuvent au contraire être dans l'excès avec leur enfant pour compenser. Là aussi, un accompagnement mère/enfant contribuera à rétablir un lien sain.
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