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Quand le "parti-Etat" paralyse le gouvernement



Ould Abbes s'érige en sentinelle et son parti, le FLN, fait dans la veille politique... en l'absence du président de la République, malade et n'assumant plus convenablement ses fonctions et charges.Les recadrages successifs du Premier ministre Ahmed Ouyahia, sur le dossier automobile une première fois et des privatisations, une seconde fois, mais surtout la manière dont ils se sont opérés ne peuvent rester sans conséquence sur l'action du gouvernement. Pour sûr, ils l'y impacteraient négativement. Ce qui, d'ailleurs, s'en ressent déjà, avec la décision d'Ouyahia de ne pas présider à l'ouverture des travaux de la conférence sur les énergies renouvelables que le Forum des chefs d'entreprise (FCE) organise aujourd'hui à Alger. Car, quoiqu'on avance comme justificatifs à cette dérobade- qui procède, sans nul doute, d'un acte politique, il reste que c'est une activité du Premier ministre qui est annulée. Une situation qui risque de se répéter, tant est que ce que vit le Premier ministre a tout l'air de s'inscrire dans la durée et que les balises semées devant ses initiatives ne seraient pas que de justes rappels à l'ordre mais sonnent comme une traduction séquentielle de ce qui s'apparente à un compte à rebours engagé. Un compte à rebours qui, d'ici à son terme, non seulement gênera l'action de l'Exécutif, mais pourrait même lui occasionner une paralysie. Ce qui est la pire des choses qui puissent arriver pour un pays dont la situation économique est des plus préoccupantes. Or, à moins de le renvoyer, comme ce fut le cas pour Abdelmadjid Tebboune et son équipe, ce qui n'est pas sans coût politique, le gouvernement Ouyahia est condamné à l'atonie. Forcément d'ailleurs, puisqu'en même temps que les décisions d'Ouyahia sont désormais soumises à quitus, les ministres siégeant dans le gouvernement au titre du Front de libération nationale (FLN) affichent des velléités d'insoumission à l'autorité du Premier ministre. Ils se seraient d'ailleurs plaints de ce qu'Ouyahia interférerait plus qu'il n'en faut dans des dossiers relevant de leurs compétences. Dans pareilles conditions, il serait difficile, voire impossible de gouverner dans la sérénité. Et, plus la situation perdure, plus elle deviendrait intenable. Comment alors dépasser la situation ' Un remaniement ' À l'évidence, il n'y a pas d'autre alternative, à moins que l'on ait fait le choix du pire, à savoir l'entretien du statu quo. Les mauvaises langues n'ont pas, au demeurant, attendu longtemps avant de rivaliser en supputations sur le limogeage qui ne saurait tarder d'Ouyahia. La plus audacieuse d'entre ces dernières est celle qui ose affirmer que le secrétaire général du RND sera dessaisi de l'intendance à laquelle il a été désigné en août 2017 au profit d'un ministre de son gouvernement, en l'occurrence Youcef Yousfi, un homme qui a eu déjà à assurer l'intérim du Premier ministère lorsque le titulaire du poste, Abdelmalek Sellal, a été désigné directeur de campagne du candidat Abdelaziz Bouteflika ? président sortant ? qui postulait, en 2014, au quatrième mandat d'affilé. Indépendant du nom et du profil de l'éventuel successeur à Ahmed Ouyahia, tant est que l'assertion soit vraie, la question qui se pose est celle de savoir si le pouvoir, déjà vacillant, peut s'offrir, sans coup férir, la coquetterie de consommer trois Premiers ministres et, donc, autant de gouvernement en un si court intervalle, en moins d'une année en somme. S'il advient, ce sera ajouter à une instabilité déjà assez marquée au point de susciter des inquiétudes, surtout qu'approche une échéance électorale déterminante, l'élection présidentielle du printemps 2019.
FLN, le retour au parti-Etat
Or, il ne semble pas que le patron du parti majoritaire soit rongé par le souci de la stabilité, encore moins de l'image que le pays offrira de lui à l'étranger. Pour Djamel Ould Abbes, de telles préoccupations sont de second ordre devant, bien entendu, la préparation de la succession de Bouteflika. Une succession qui n'a toujours pas trouvé, il est bien clair, le consensus nécessaire à son déroulement apaisé. Car il ne faut pas être érudit pour réaliser que le secrétaire général du FLN et le Premier ministre ne poussent pas dans la même direction, que le premier cité fait tout pour gêner ce que l'autre entreprend, alors qu'ils sont censés concourir à un même objectif : servir le chef de l'Etat, programme et ambition. Ould Abbes, on le sait, réclame un 5e mandat. Il fait tout pour faire ancrer l'idée dans l'imaginaire national. En témoigne la motion signée avec le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), Ali Haddad, et le secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi-Saïd, lors de la fameuse tripartie organisée au siège du FLN. Djamel Ould Abbes use comme d'un reproche à l'encontre d'Ouyahia s'agissant de la question de la succession à Bouteflika. Il laisse comprendre que le Premier ministre obéit à un autre agenda, à tout le moins il ne plaide pas assez pour la représentation du chef de l'Etat pour un autre mandat. Et jusqu'ici, le patron du FLN parvient plutôt aisément à tempérer les ardeurs d'Ouyahia, voire à rendre caduques ses entreprises. Ould Abbes s'érige en sentinelle et son parti, le FLN, fait dans la veille politique... en l'absence, il faut le dire, du président de la République malade et n'assumant plus convenablement ses fonctions et charges. Ould Abbes fait jouer au FLN le rôle de parti-Etat, un rôle que, dans cette situation de vacance du pouvoir, devait échoir au gouvernement et donc au Premier ministre. C'est ce à quoi n'agrée pas le FLN qui estime que, du fait de ses majorités dans les Assemblées élues, l'APN notamment, c'est à lui qu'il revient d'incarner l'Etat.
Ouyahia et Ould Abbes n'ignorent pas la réalité du pouvoir
Il va sans dire que si le FLN vient à prétendre incarner l'Etat, attribut du chef de l'Etat, c'est que le président Bouteflika n'a véritablement pas l'entière emprise sur la décision politique et, partant, sur la gestion des affaires de l'Etat. Cela, Djamel Ould Abbes, membre du cercle proche du Président, sinon du Président lui-même, ne peut que le savoir. Seulement, il ne peut pas être seul à être dans le secret. Ahmed Ouyahia qui, jusqu'en août dernier, assurait la fonction de directeur de cabinet de la présidence de la République, le sait également certainement. Sa connaissance de la réalité de la présidence de Bouteflika vaut au Premier ministre d'être soupçonné de travailler à son émancipation politique propre. Aussi tout ce qu'il entreprend devient suspect aux yeux du FLN, jusqu'à la réunion de la tripartie dédiée à la signature du Partenariat public-privé (PPP) que Djamel Ould Abbes a vite fait de saborder, car convaincu qu'Ouyahia 'uvrait, au-delà de la motivation économique, à se ménager des amitiés et donc des soutiens parmi les organisations les plus impliquées dans les jeux et enjeux de pouvoir, en l'occurrence le FCE et l'UGTA. On le comprend d'autant plus facilement que les chefs des deux organisations, qui pensaient certainement être dans les bons plans avec le Premier ministre, ont, sans autre forme de justifications, renié leur engagement avec Ouyahia en pactisant avec Ould Abbes. Le secrétaire général du FLN aurait disposé des arguments qui les ont tout de suite convaincus. D'ailleurs, avec l'instruction de la présidence de la République au Premier ministre au sujet des privatisations, il a montré qu'il appartient à la bonne loge. Une loge si forte qu'elle peut paralyser le gouvernement. Il a montré aussi que les équilibres au sommet lui sont favorables. Momentanément ou durablement ' On ne tarderait pas à le savoir.
Sofiane Aït Iflis
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