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Quand la mémoire de la ville laisse son empreinte Exposition de l'artiste Farid Amrar à l'hôtel Hilton d'Alger



Quand la mémoire de la ville laisse son empreinte                                    Exposition de l'artiste Farid Amrar à l'hôtel Hilton d'Alger
Photo : S. Zoheir
Par Hassan Gherab
L'hôtel Hilton d'Alger s'est colorié. Son lobby s'est ouvert pour une exposition d'art contemporain. L'artiste peintre Farid Amrar y expose une douzaine de ses toiles. La porte tambour de l'entrée franchie, on tourne à gauche. Dans le passage menant à la terrasse, les chevalets s'alignent.La première 'uvre, un diptyque, accroche notre regard tant par son titre, «Craquelure de la mémoire», que par sa composition. L'arrondi de la butte de la casbah d'Alger et de l'arc d'un imposant portail défie le jaillissement du minaret en tons gris, qui l'écrase. Le gris des bâtiments déborde le rouge vermeil qui l'encadre. Le mouvement est saccadé et la perspective s'estompe pour mieux faire ressortir le contraste. Construction et déconstruction sautent aux yeux. Dans le triptyque «Fluage de la mémoire» (le fluage est le phénomène physique qui provoque la déformation d'un matériau soumis à une contrainte constante, Ndlr), on retrouve les effets des mouvements et des lignes croisés. Le cadre est éclaté. La limite est posée ou levée par les tons. Le gris des portiques et des colonnades est encadré par le camaïeu de bleu. Les aplats forment un cadre dans le cadre. Mais le diable est dans le détail. Il faut se rapprocher pour percevoir les minuscules personnages perdus dans le dédale d'une venelle de la Casbah, le champ de ruines de Timgad derrière une des portes de la ville romaine, les numéros à peine lisibles du lotissement sur cet imposant portail (ILO 65 OIST 037) ou la majestueuse basilique de Notre Dame d'Afrique surplombant la Casbah dans «Craquelure de la mémoire».Les repères mnésiques se retrouvent dans le tableau «Crépuscule sur un lieu». L'antique portail, massif et monumental, est là. Mais il est écrasé par un petit panneau de signalisation routière tout ce qu'il y a «d'actuel», et un immeuble «moderne». Le gris dominant accentue l'ambiance crépusculaire. Les personnages insignifiants sont phagocytés, vampirisés par le béton grisâtre. Les touches de tons chauds et le rouge couleur sang séché qui font ressortir la grisaille envahissant le lieu, à moins que ce ne soit les lieux, hier et aujourd'hui, ne sont qu'éphémères, que des crépuscules qui se succèdent, et des aubes qui se précèdent.Les mêmes sensations se dégagent de «Mémoire d'un mausolée». Le Tombeau de la chrétienne avec ses vielles pierres et ces personnes perdues entre la tiédeur des gris et la froideur du bleu suggèrent tantôt l'amnésie tantôt le sursaut de lucidité. «Pierres qui se souviennent», «Fluages», «Persistance sur un lieu» évoquent tout autant cette «mémoire» qu'un lieu, une porte, une vieille ville portent en leur sein et que , de par leur unique présence ,ils perpétuent. Cette mémoire est là, mais on n'a conscience de son existence ni de sa valeur qu'une fois disparue, ou menacée de l'être, en même temps que l'objet qui la porte. Il en est ainsi de la Casbah d'Alger et de toutes les casbahs ou sites patrimoniaux qui, s'ils ne sont pas détruits, abandonnés ou délaissés, se retrouvent noyés par l'urbanisation rampante et phagocytés par le cancer de la «bétonisation» à tout va. Les 'uvres de Farid Amrar sont autant d'appels de ces pierres pour que les mémoires des villes ne soient pas précipitées dans les limbes de l'oubli.





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