Algérie - Revue de Presse

Prochaines élections : à quoi rêvent les Algériens ?


Quelqu'un a dit, un jour: «je voterais bien pour le meilleur, mais le problème c'est qu'il n'est jamais candidat !». Consternés par ce qui arrive à l'Algérien et à l'Algérie, ceux qui pourront certainement faire quelque chose pour le pays ne risquent pas de se présenter. Répugnés par la bassesse qui peut engloutir les hommes, ils ont eu une très haute idée de El Amana pour oser se jeter entre, d'un côté les exigences brûlantes d'un système établi et, de l'autre, une conscience au feu beaucoup plus ardent encore. Candidat pour quoi faire ? Les gens du marketing disent, à propos du produit, qu'il se doit de répondre aux attentes du consommateur. Ceux du marketing politique disent, à propos du candidat aux élections, qu'il doit répondre aux attentes de l'électeur. Or, pour répondre à des attentes, il faudrait d'abord les connaître. Et peut-on vraiment dire que, chez nous, les candidats savent ce qui préoccupe les Algériens ? Savent-ils ce qu'ils veulent ? Et peuvent-ils savoir ce à quoi ils rêvent ? Les Algériens de 2007 diffèrent, sur tous les plans, de ceux des lendemains de l'indépendance. Ils n'ont rien à voir, non plus, avec ceux des années 80 qui étaient allés chercher, du fond des tripes, les derniers restes d'un espoir incertain pour les miser sur le pluralisme et la démocratie, avant de déchanter comme tant de fois, comme chaque fois. Aujourd'hui, affranchis de toute sorte de gêne, les jeunes s'expriment de la manière la plus brutale et la plus violente qui soit: le risque au péril de leur propre vie, dans une barque perdante au départ, et jamais certaine de voir à l'autre rive. Entassés dans des classes trop bruyantes, les élèves de lycées et du primaire n'entendent plus parler l'enseignant qui n'attend plus que la sonnerie pour souffler avant d'aller donner des cours de soutien dans des... garages trop mal aménagés ou dans des pièces trop exiguës. L'enseignement est devenu plus une loterie qu'autre chose. Cela dépend de l'enseignant, de l'établissement, de l'élève et... des capacités financières des parents pour payer les cours de soutien avec un «Ya Settar» en prime !  Les cafés regorgent de jeunes qui fuient leur présent sans trop chercher de quoi sera fait demain, ni même s'il y a un lendemain, tellement le temps est monotone et ennuyeux. Les trottoirs, et parfois même les rues, sont envahis par des jeunes enfants, du plus bas âge à celui où l'on devient dangereux, qui vendent tout et n'importe quoi ou, pour être plus franc, qui se mentent en voulant croire qu'ils meublent honnêtement leur temps infini et lourd à mourir. Mais à quoi rêvent tous ces enfants, qui ne vont même plus à l'école, lorsqu'ils crient à longueur de journée pour tenter de vendre une ampoule à vingt dinars ?  A l'université, seule la forme y est. Les structures sont là, mais sans plus car la pensée, le moral, l'esprit sont ailleurs. A quoi rêve-t-on donc quand on est étudiant ? A la bourse qui est toujours en retard ? A la restauration qui demeure toujours insuffisante ? A la cité qui se fait de plus en plus étroite et débordée ? Et à quoi rêvent les enseignants algériens ? A un statut qui ne vient pas ? A un redressement des valeurs qui fuit avec l'horizon ? A un respect qu'ils n'ont pas su arracher jusqu'à présent ?  Au souk, on regarde bien passer les vertus, tête basse devant l'ignominie des sans-pudeur, des sans-gêne, des sans-retenue, bref... des sans rien qui, à chaque aube, érigent la stèle de l'audace et le monument de l'insolence ! Les pauvres, n'osant plus tendre la main de peur de s'entendre reprocher leur pauvreté, avalent leurs mots et gardent leurs mains derrière le dos. Les misérables balancent leur misère dans leur couffin rapiécé de peur de se voir rire au nez et les autres... oui, les autres, n'hésitent pas à étaler sur la voie publique leur culture récente du fromage au quintal et leurs manières puantes d'exhiber des portables auxquels ils répondent même lorsqu'ils ne sonnent pas, comme c'est le cas très souvent.  Mais à quoi rêve donc un déchiré repu, gavé au faux et à l'inconvenable, lorsqu'il répond dans un portable qui ne sonne pas ? Au dixième milliard peut-être ?  Les jeunes filles immobiles à côté de leurs mères assoupies par tant d'ennuis, se gavent, soit au mousselsel oriental sans contenu réel, soit aux émissions religieuses qui ont pris cette fâcheuse manie de traiter du hidjab, de la barbe, des indispositions féminines, de l'héritage ou de l'histoire falsifiée des anciens, c'est-à-dire qui traitent finalement de tout sauf de la religion. Mais à quoi peut donc rêver une jeune fille, collée à l'écran sept jours sur sept, douze mois sur douze, vingt ans sur vingt ? Les vieillards endurcis mais dégoûtés se retrouvent le soir autour d'un domino qui ne se termine pas ou d'un jeu de dames qu'ils ennuient, tellement ils l'ont joué et rejoué depuis cinquante ans, depuis un siècle ! A quoi peut donc rêver un vieillard qui joue aux dames depuis trois siècles et qui ne dit rien ? Au jour où ses enfants, las d'attendre la mort pourtant certaine, se dépêcheront de le jeter dans un asile pour personnes âgées ou l'obligeront à leur signer le testament ? Ceux qui se portent candidats aux élections ne se sont certainement jamais posé ces questions et quand bien même se les seraient-ils posées, que proposent-ils et, plus important encore, que pourront-ils faire ? Pourront-ils redonner espoir à ces jeunes candidats à l'exil ? Des jeunes qui ne demandent pourtant qu'à être Algérien à part entière, sans essuyer le mépris du bureaucrate repoussant, sans avoir à subir la hogra du puissant du moment, sans tomber dans l'omission sournoise de la part de ceux qui ne s'en rappellent que la veille d'élections. Ces gens qui se bousculent devant les sièges de partis pour faire admettre leur candidature, sauront-ils redonner à l'Algérie l'école qu'elle mérite ? Une école qui passe avant les trottoirs faits et refaits des dizaines de fois sans trop de conséquences, une école qui, comme jadis, cultivait correctement les bonnes valeurs et dispensait la bonne connaissance. Une école dont on ne peut sortir que fier et drapé, comme l'aurait dit le poète, «de cet immense orgueil d'être si jeune et vivant». Les candidats à l'élection, sauront-ils redonner aux enfants éjectés de l'école d'autres raisons de vivre et d'autres moyens de survivre que de descendre dans la rue vendre les lampes et les gaufrettes invendues de certains grossistes sans scrupules ? Sauront-ils en faire des enfants comme dans les pays où les gens se respectent ? Et que pourront-ils faire de l'Université ? Ou plutôt que pourront-ils lui faire pour lui redonner cette verve d'antan lorsqu'il faisait bon de dire, ailleurs, dans d'autres capitales et d'autres pays, qu'on vient de l'université algérienne ! Sauront-ils réinstaurer le débat intellectuel, rehausser la valeur de l'universitaire en le préservant, surtout, des «faux» et des «pseudo» qui, après avoir envahi l'université sans bac et après avoir repris, à leur compte et en leur nom, les travaux d'autrui, puisés dans les archives des bibliothèques locales, se sont déclarés qui ethnologue, qui sociologue, qui poète du Ahagar, qui musicologue, qui conseiller des rois... et qui ont tellement taché l'image de l'universitaire algérien en jouant à la mode incompréhensible d'un soufisme qui les dépasse et qui dépasse même leurs références trop indigentes ? Ceux-là mêmes qui, munis de diplômes douteux, passent des mauvaises lettres à la mauvaise comptabilité sans trop jamais laisser voir leur spécialité car ils n'en ont pas !  Ces candidats qui prétendent aux élections prochaines, pourront-ils faire quelque chose pour stopper l'invasion honteuse, déshonorante et abjecte de la société par les détestables valeurs de non moins méprisables corrompus qui ont souillé jusqu'à notre quotidien ? Ceux-là mêmes qui veulent faire de leur comportement inadmissible la norme et le standard qui régirait la société dans tous ses aspects ! Et que pourront-ils donner aux pères abandonnés et aux mères oubliées par des enfants rendus indignes par des conditions humiliantes d'une vie des plus avilissantes ? Au lieu d'applaudir sans cesse, à des textes qui ne servent pourtant pas toujours l'intérêt du citoyen, sauront-ils au moins se rappeler qu'ils seront les représentants de ces citoyens qu'ils ont hâte d'oublier juste après les élections ?  Sauront-ils redonner un sens à notre culture dégarnie et ruinée ? Une culture où l'on ne sait plus ce qui vient de nous de ce qui vient des autres, tellement nous bougeons les hanches au rythme des autres sans regarder chez nous. Sauront-ils remettre les hommes de culture à leur place et ceux de l'inculture à leur place ? Auront-ils assez de courage pour reconnaître le tort causé à nos femmes, à nos soeurs, à nos filles de les avoir poussées, pieds et poings liés, dans un monde fictif d'un cinéma dont même les pays producteurs ne veulent pas ? Et auront-ils assez de cran pour convenir que la société n'a pas su reconnaître la valeur de ses savants et qu'elle n'a jamais pensé encourager le peu qui y vit encore ? Sauront-ils dire à tout ce monde que notre religion est tolérance, qu'elle est d'abord sincérité, qu'elle est d'abord respect de l'autre, qu'elle est bonté, générosité dans l'effort et dans l'idée, qu'elle est le chemin le plus doux et le plus parfumé et qu'elle ne peut être réduite au hidjab, à la barbe ou au kamis ? Que l'essentiel est ailleurs, dans le coeur des hommes et des femmes, dans leur comportement lorsqu'il est sincère et dans l'exemple que chacun d'entre nous pourrait donner en cessant d'agresser, par une fortune injustifiable, par un statut non mérité, par une «science» inadmissible du b'khour et de l'encens qui fait dire à certains qu'ils sont pour la politisation de l'université et, à d'autres, qu'ils... mais à quoi bon ?!  Etre candidat à des élections en Algérie en 2007, c'est, d'abord, accepter de ne plus rejeter la leçon des faits. C'est aussi prendre conscience qu'il ne s'agit plus de se laisser enivrer par les illusions du miroir politique déformé. C'est, aussi, s'accrocher à ses principes, les défendre contre les vices destructeurs d'une sorte de monstres qui ravagent tout sur leur passage et ne pas oublier que les élections ne sont pas une fin en soi. Ne jamais perdre de vue que la représentation des citoyens est une tâche confiée par les citoyens et qu'il convient donc de veiller à leurs intérêts, sans manoeuvres discrétionnaires, sans triche, sans mensonge, sans détournement de la chose publique.  Etre candidat à des élections, c'est accepter que les citoyens demandent des comptes sur le degré de conformité des actions à leurs attentes, c'est-à-dire répondre de l'obligation de résultats mais, plus grave encore, c'est accepter de répondre devant le Seigneur du degré de mobilisation des intentions et des capacités nécessaires, c'est-à-dire répondre de l'obligation des moyens...  Comme l'autre, je voterais bien pour le meilleur sauf que celui-ci n'est jamais candidat, tellement il a peur d'assumer devant les hommes et tellement il a peur d'assumer devant Dieu !


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)