Algérie

Prise d'otages, prise d'images


Uneprise d'otages de touristes étrangers pardes affidés d'El-Qaïda reste une «info» de choix pourles médias nationaux ou occidentaux. On y retrouve le jeu de rôles typiques del'époque : des Occidentaux tentés par l'esthétique de la barbarie, kidnappéspar des illuminés qui en veulent à l'Occident, qu'il soit américain ouautrichien, sans distinction. «L'info» ne prend cependant vie que lors del'échange habituelle des vidéos et des enregistrements : d'abord celle de larevendication montrant les victimes abattues, se sentant presque coupables, pousséesà débiter un discours d'habillage pour accélérer le paiement de la rançon etqui s'adressent à leurs pays et proches comme de l'au-delà, puis celui desproches parents éplorés des otages, appelant à l'humanité là où elle n'existepas, attendant d'émouvoir les preneurs d'otages en les prenant par lessentiments de leur humanité tarie depuis longtemps.C'estaujourd'hui le cas pour les deux touristes autrichiens kidnappés en Tunisie, transportésau Mali en passant par le Sahara algérien selon toute vraisemblance. Là aussi l'échange des vidéos a été rapide : les parents des otagesont très vite fait de solliciter le canal d'El Jazeerapour communiquer directement avec les preneurs d'otages. Leur enregistrementétait émouvant, poignant et donnait à voir une énorme souffrance. Pourtant, c'estleur propos qui peut retenir une attention que l'on pourrait juger de déplacée,impolie et franchement inopportune. Il faut pourtant s'y attarder pour cause despectacle de malentendus dramatiques entre l'Occident et nous. Entre ce qu'ilspensent comprendre et ce que nous, nous vivons de «l'intérieur». Les parents del'un des otages ne sont certes pas des dépositaires de discours d'élite, despolitiques ou des politologues, ni des analystes ou des vendeurs d'opinions. Leurfaçon d'en appeler à l'humanité des preneurs d'otages est l'expression crued'une vision populaire, simpliste et caricaturale du drame du monde arabe vupar un Occident situé au centre du monde. Ils ne sont pas porteurs de l'idée laplus juste, mais, tragiquement de l'idée la plus répandue. «Nous ne dormonsplus. Nous souffrons énormément. S'il vous plaît, libéreznos enfants» déclarera dans cette vidéo la mère de Mme Kloiber,Christine Lenz. «Tout ce que nous pouvons faire est de rester assis à la maisonet de penser à Andrea et à Wolfgang. Notre souffrance est inimaginable. C'esthorrible» ajoute cette femme. «S'il vous plaît, laissez-les partir. Ce sont desamis de la nation arabe. Wolfgang nous a montré des photos de cette superberégion» dira son mari, Reinhard Lenz, 67 ans. «Wolfganga toujours eu de bonnes relations avec les musulmans et a forgé des amitiésavec eux» ajoutera-t-il avant de conclure : «Tous les deux voulaient établirdes liens culturels». Tout y est dit en vrac : la croyance qu'être amis avec lesArabes peut émouvoir des preneurs d'otages arabes qui ne sont amis avecpersonne justement et qui s'en prennent aux «leurs» comme aux Occidentaux de lamême manière parfois; avoir de bonnes relations avec les musulmans peut voussauver la vie puisqu'à la base on ne fait pas de différence entre musulmans, arabesou islamistes et djihadistes en armes et terroristesen quête d'argent; aimer une région pour sa beauté, avoir des liens culturelset des amis peut vous sauver la vie et prouver que vous n'y êtes pas venu enespion ou en guerrier mais en simple touriste. La conclusion ? On ne peut pasvivre «de l'intérieur», de ce côté-ci de ce drame, la souffrance des parents deces otages autrichiens, mais ces victimes-là ne peuvent pas non plus vivre «del'intérieur» notre douleur à nous : être totalement invisibles, aux yeux desOccidentaux, entre des islamistes en armes et la caricature qui nous prend, nousarabes et musulmans, en otage dans le casting du siècle. La confusion esttotale : chaque touriste est un employé du Pentagone, chaque terroriste estarabe et musulman avant d'être islamiste et terroriste. Ces derniers prennenten otage deux touristes avec la croyance qu'ils représentent l'Occident etvalent l'argent de ses coffres, et les parents des otages s'adressent à euxcomme s'ils représentaient cette arabité et cette Islamité dont le vasteterritoire est réduit à un maquis saharien, deux palmiers, un sabre et desmoeurs de haine et de colère. Avec beaucoup d'espoir et de prières, les deuxotages peuvent être libérés. Il faudra encore peut-être quelques siècles pourque nous, otages, à la fois de nos islamistes en armes et des Occidentaux quinous y confondent, soyons libérés, vus, distingués et acceptés.


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