Algérie - Revue de Presse

Présentation de l'ouvrage «En Attendant Omar Gatlato Sauvegarde» «Le cinéma de Merzak Allouache est parfois méchant....»



Présentation de l'ouvrage «En Attendant Omar Gatlato Sauvegarde» «Le cinéma de Merzak Allouache est parfois méchant....»
Publié le 02.12.2023 dans le Quotidien l’Expression

«Le titre du livre est là pour dire que le film de Merzak Allouache a joué un très grand rôle dans mon intérêt pour le cinéma comme oeuvre politique et artistique...», dira Wassyla Tamzali.

Sur initiative de l'Institut français d'Algérie, à Alger, le 16 novembre dernier, l'auteure Wassyla Tamzali accueillait aux «Les Ateliers Sauvages», Jean Michel Frodon, critique français, historien du cinéma et professeur associé à Sciences-Po et Professorial Fellow à l'université de St. Andrews en Écosse- pour la présentation, suivie d'un débat avec le public algérois, de son dernier ouvrage «En Attendant Omar Gatlato Sauvegarde», coédité par talitha, Éditions motifs et Archives Bouanani. Paru en 1979, «En attendant Omar Gatlato» réunit documentation, critiques et entretiens autour des premiers films algériens et tunisiens vus dans la salle mythique de la cinémathèque à Alger par Wassyla Tamzali. Cette dernière avait su y saisir le tournant dans le cinéma et la société algérienne que représentait le film «Omar Gatlato» de Merzak Allouache, sorti en 1976. La réédition de cet ouvrage est accompagnée aujourd'hui de «Sauvegarde, La Cinémathèque algérienne: Laboratoire de la culture post-coloniale», un essai composé par l'écrivaine en 2023. Wassyla Tamzali s'est alors replongée dans l'histoire de ce premier livre au destin singulier, entre oubli et réapparitions. Un nouveau texte qui raconte à cette époque entre 1967 et 1979 où le cinéma du monde entier venait à la cinémathèque d'Alger et où l'autrice accompagnait les films algériens de Berlin Est et Ouest à Cracovie, Prague, Tunis, Pesaro, Cannes, Ouagadougou. C'est aussi un texte qui parle de l'Algérie d'aujourd'hui et des nouveaux cinéastes algériens, ce qui confère une profondeur autrement plus actuelle même si atemporelle pour le cinéma indémodable notamment de Merzak Alloauche. La rencontre s'est traduite en un riche échange entre ce binôme, deux intervenants qui nous ont apporté chacun dans leurs spécialités respectives, son point de vue et témoignage quant au cinéma algérien entre passé et présent et partant, de la situation culturelle et politique de l'Algérie entre désir d'élévation, émancipation et désenchantement.
Allouache ou la passion pour le cinéma
Jean Michel Frodon, lui s'est surtout employé à analyser cet ouvrage, en décortiquant et analysant son contenu «dynamique», tout en invoquant le rapport affectif qu'entretient l'auteure Wassyla Tamzali, avec ce cinéma, celui de ce cinéaste, Allouache et ce passé laborieux, où, tous les rêves étaient permis, non sans, souligner la rigueur et la richesse des informations apportées dans cet ouvrage, bien que personnel, car basé sur du vécu, mais assez bien fort didactique en général et singulier à la fois, par ces renseignements intellectuels d'ordre informatif. Un premier ouvrage déjà riche par ses notes, chroniques, images et documents d'époque, qui interpellent notre pensée, tout en faisant réfléchir sur comment faire du cinéma aujourd’hui, d'où l'importance des archives, telle souligné aussi par Wassyla Tamzali. «Le titre du livre est là pour dire que le film de Merzak Allouache a joué un très grand rôle dans mon intérêt pour le cinéma comme oeuvre politique et artistique, par ce qu'on peut voir des films par distraction aussi. Mais mon intérêt pour ce film, et c'est ce que j'explique dans ce livre, va beaucoup plus loin que le simple divertissement» dira d'emblée Wassyla Tamzali qui fera savoir que Merzak Alloauche vient de tourner un nouveau film arguant qu'il est le cinéaste algérien le plus prolifique, celui qui n'a cesse de tourner, en étant passionné pour le tournage». Et de poursuivre: «Merzak ne vit qu'à travers le tournage de ses films. Il constitue une vraie oeuvre à travers tous ses films dont certains sont formidables d'autres un peu moins, mais toujours en apportant un regard intéressant sur notre société. Un regard pertinent, sarcastique, voire parfois méchant, mais toujours pour éveiller en nous le désir de se comprendre et comprendre notre société algérienne» Et de faire remarquer que le mot «sauvegarde» fait référence au dossier qu'elle contenait dans son ordinateur, lequel, finirai par être le texte qui ouvre son nouvel ouvrage... Pour sa part, Jean Michel Frodon, dira que ce livre est en vérité un troisième travail, reliant l'ancien livre aux infos sauvegardées. Et d'indiquer; «Le cinéma de Merzak Alloauche évoque une certaine jeunesse notamment dans l'art cinématographique algérien dans les années 1970. Omar Gatlato s'inscrit aussi dans la nébuleuse des nouvelles vagues mondiales qui immergent un peu partout dans le monde et qui feront échos entre eux. Aujourd'hui, nous avons un objet d'une épaisseur temporelle. (...) parfois le cinéma est en avance et permet de créer une rupture avec ce qui se faisait avant. Dans le cas de l'Algérie, le basculement fut l'indépendance de l'Algérie. Ceci se cristallise par quelques films et par un lieu qui est la cinémathèque.

Le rôle de la cinémathèque algérienne
Et de citer «Tahia ya dido» de Mohamed Zinet, «Omar gatlato», Assia Djebar et «Nahla» de Farouk Belloufa qui sont les repères majeurs, traduisant le fait que le cinéma est en réactivité forte, en déplaçant ainsi les choses par rapport à ce qui se passe en Algérie. «C'est grâce à ces films que le cinéma algérien se met à avoir une existence dans le monde, tout en gagnant en visibilité et en reconnaissance en tant que tel... sans préjuger, bien sûr, sur ce qui est advenu de la formidable carrière de Merzak Allouache, qui est incontestablement, désormais, la figure d'auteur du cinéma en Algérie qui traverse les décennies et qui continue à faire des films.»Jean Michel Frodon poursuit: «Merzak allouache est important pour l'époque et pour aujourd’hui. Je le montre à mes étudiants et on en parle, notamment sur le plan des gestes, des angles et du son...Comme «A bout de souffle», par exemple, ce sont des films de leur temps mais qui valent au- delà de leur temps, parce que le film garde ce potentiel cinématographique.» Affirmant que cela remonte à plus loin, Wassyla Tamzali tiendra à rendre hommage à Mohamed Sadek Moussaoui qui, dit-elle «avait compris l'importance des images.. Un homme dont il faudrait rendre hommage. Il était le collecteur d'images. Il a tôt saisi l'importance de l'image sur l'imaginaire. C'est lui qui va fonder en 1964 la cinémathèque algérienne, qu'il appellera le musée de l'image». Wassyla Tamzali qui déclinera pleins d'anecdotes, dont certaines sont présentes dans son livre, se remémorera les questionnements à l'ordre du jour qui étaient abordés en ces temps- là, sur la nécessité du cinéma arguant «Est-ce qu'un film peut aider un peuple?».

Des aspirations entre rêve et désenchantement
Et de relever: «En écrivant ce texte, je me suis rendu compte que, d'un côté, il y avait ceux pour qui l'image était puissante, véhiculant notamment des images d'égalité et de liberté et de l'autre côté, très vite s'est mise en place, dés 1967, une institution qui véhiculait des images du pouvoir.» Et de constater: «Les décideurs avaient eux aussi conscience de l'importance des images, mais ils avaient un point de vue tout à fait différent. Nous, nous avions d'autres visions pour approcher la question de l'image et de l'imaginaire. Sans doute que nous étions un peu plus libertaires, mais c'était dû à la rencontre des mouvements de libération de l'Afrique. C'était la période. Il y avait cette croyance que l'image pouvait porter tous ces espoirs. On a rêvé d'une Algérie moderne et libre qui chantait, des femmes et des hommes ensemble. C'était ça que l'on aspirait à travers l'indépendance et à travers le cinéma. Ce dernier était le seul média qui avait aussi sa place dans la société. Les écrivains n'écrivaient plus. Assia Djebar, d'ailleurs revient au cinéma pour des raisons qu'elle explique en affirmant, quand elle est reçue à l'Académie française, que le cinéma c'est sa langue arabe. Le cinéma pouvait capter le réel car nous étions très embarrassé par la langue et il a fallu attendre longtemps pour pouvoir trouver la juste langue pour raconter les histoires en Algérie.
À l'époque c'était très compliqué. (....) nous rêvions mais la réalité nous a dépassés, c'est ce qui ressort de ce livre.» Répondant à une question d'un intervenant, au milieu du public, wassyla Tamzali soulignera la singularité du personnage d'Omar dans le film Omar gatlato. «C'est un personnage qui nous regarde tout le temps. Il rompt avec le stéréotype des personnages tels véhiculés à l'époque dans le cinéma algérien. Ce n'est plus le militant ou le paysan, le pauvre ou le riche. C'est quelqu'un qui a des sentiments, il va surtout poser un problème important qui n'est pas encore résolu jusqu’à aujourd’hui en Algérie, c'est celui de la difficulté qu'ont les hommes de sortir de ce rôle viriliste, de la «rejla» et de rejoindre cette jeune femme qui l'attend de l'autre côté de la rue. Elle ne sait pas qui il est, mais lui, sait qui elle est. Il a peur. Il est repris par ses copains..
Omar Gatlato est une histoire d'amour. C'est ça le poids du film. C'est une aventure que nous propose Merzak Allouache, c'est la réalité sur les sentiments, sur l'amour».
O. HIND

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