Algérie

Portrait d?un fermier solitaire




La sentinelle de Rebaïa Toumi Benzeid a 44 ans. Eleveur de son état, il est père de cinq enfants. Hormis sa petite smala et un voisin, Toumi vit seul, coupé du monde, dans son haouch situé dans un hameau perché sur une colline. Constitué de quelques maisons et une guérite de gardes communaux, le hameau est situé tout près de la commune de Rebaïa, à 17 km de Aïn Boucif. La guérite est déserte. Comme la majorité des habitations des haouchs de la région, celle de Toumi est construite en pisé. Sur une bâche sont étalés des grains de blé qui sèchent au soleil. Un enclos à bestiaux abrite quelques têtes de moutons tandis que trois vaches se prélassent dans une étable. « C?est mon gagne-pain », dit Toumi. « Il y avait quatre familles qui vivaient dans ce bourg. Deux sont parties et il ne reste plus que mon voisin et moi », confie notre hôte. « Même les gardes communaux nous ont abandonnés. Ils sont partis il y a moins d?une année », ajoute-t-il. « Le voisin qui habitait là est parti le premier vers 1993. Sa maison a été soufflée par une bombe comme vous pouvez le constater », dit-il. De fait, la maison en question arbore encore les séquelles de l?attentat. « La mienne aussi a été touchée », poursuit Toumi avant de nous inviter à constater par nous-mêmes les dégâts. Dans l?une des pièces principales du haouch, le plafond est fêlé de part en part. « Quand il pleut, l?eau s?infiltre de partout », se plaint Toumi. Il avoue toutefois n?avoir pas sollicité une quelconque subvention pour restaurer sa maison. « Je n?ai pas de papiers. On a toujours vécu sans papiers, de père en fils. Or, pour bénéficier de l?aide de l?Etat, il faut prouver que le terrain nous appartient », explique-t-il. Toumi a dû quitter le haouch avec armes et bagages en 1997. « Nous sommes tous partis. La vie devenait insoutenable. Je me suis réfugié chez mon frère qui habitait à Berrouaghia. J?y suis resté deux ans. Pour travailler, j?ai fait du transport collectif sur la ligne Berrouaghia-Zoubiria puis Berrouaghia-Aïn Boucif. Mais ça n?a pas marché. Alors, au bout de deux ans, je suis revenu. Je n?avais pas le choix. Où veux-tu partir ? » Toumi affirme qu?il n?a pas peur. « Je suis armé et les voisins aussi », dit-il. Le gros souci de Toumi, désormais, ce n?est pas la sécurité mais l?eau. « Nous sommes obligés d?acheter l?eau. Je la paie à 500 DA la citerne », dit-il. Pourtant, au loin apparaît une nappe d?eau. On dirait un barrage. « C?est le barrage de Rebaïa. Mais nous ne recevons pas d?eau. Le château d?eau que vous voyez est à l?arrêt », assure Toumi. Notre fermier solitaire confie que la vie est de plus en plus dure dans la région. Il se plie en quatre pour que ses enfants changent de vie : « Je n?ai pas envie que mes enfants restent ici. J?ai envie qu?ils partent. Je fais tout pour qu?ils étudient. J?ai envie qu?ils partent ! »

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