Algérie - Ecologie

Planète - Peut-on encore parler d'écologie sans en venir aux mains?



Planète - Peut-on encore parler d'écologie sans en venir aux mains?




Ils s’opposent à un barrage, un aéroport, une ligne de TGV ou une ferme-usine. Souvent avec pacifisme, parfois avec virulence. Face à eux, des forces de l’ordre soucieuses de faire respecter des intérêts légaux mais pas toujours légitimes à leurs yeux, ceux des propriétaires de terrains, d’entreprises ou de donneurs d’ordres.

Des affrontements sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes aux heurts qui ont engendré le décès de Rémi Fraisse samedi à Sivens, militants écologistes et autorités en viennent de plus en plus souvent aux mains: l’environnement deviendrait-il un sujet dont on ne peut plus parler sereinement?

«Peu importe la cause, pourvu qu’elle soit contre l’Etat et la mondialisation»

Pour Daniel Boy, directeur de recherche à Sciences-Po spécialisé en écologie politique, la violence et la lutte écologiste n’ont pas grand-chose en commun: «Il faut bien distinguer les environnementalistes plutôt tranquilles et les gens plus radicaux qui se mobilisent à Sivens contre le barrage mais pourraient aussi bien se mobiliser contre autre chose. Ils sont plus proches des opposants qu’on voyait aux sommets du G7.» Anarchistes, «alter», anticapitalistes se mêlent aux écologistes traditionnels et deviennent des «zadistes» occasionnels ou permanents qui cherchent un mode de vie alternatif en s’ancrant dans la contestation du système.

«On assiste à une convergence des luttes car l’écologie est devenue la question politique centrale, estime Hervé Kempf, rédacteur en chef de Reporterre. Soit nous nous organisons pour faire face à la crise écologique et transformer l’économie, soit on continue avec les vieux mots d’ordre de productivité et de croissance».

Alors que leurs parents pouvaient se rallier à des mouvements marxistes ou trotskistes, les jeunes trouvent aujourd’hui dans la contestation écolo un moyen de défier le système, estime Daniel Boy, qui rappelle que «Le mouvement politique écologiste est sur une position certes libertaire mais non violente.»

Manque de débat en amont, tensions en aval

Reste que les débats, qui pourraient éviter à des conflits comme Notre-Dame-des-Landes ou Sivens de s’enliser, sont insuffisants en France, note Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement.

«La France a un énorme problème de dialogue environnemental et cela génère beaucoup de frustration», estime-t-il.

Alors que la loi prévoit des réunions publiques, les associations ont toujours «le sentiment qu’on les consulte alors que tout est joué», déplore Arnaud Gossement.

«Ceux qui luttent honnêtement finissent par être démunis, renchérit Hervé Kempf. Ils font face à la volonté de pousser des projets dont des experts ont démontré l’inutilité ou qui vont à l’encontre des discours de préservation de la nature. La violence vient du mépris des pouvoirs publics et de leur refus du débat.»

L’organisation d’un vrai dialogue environnemental est toutefois très compliqué à mettre en œuvre, estime Arnaud Gossement: «Il faudra notamment se poser la question de la représentativité des associations de défense de l’environnement».

L’écologie, mais pas dans un parti

Quant à représenter politiquement ces luttes, Daniel Boy estime que les militants les plus radicaux ne se retrouvent pas dans un vote écologiste: «Les Verts essayent d’avoir une attitude revendicative sur le terrain mais sont essentiellement dirigés vers le compromis politique. Ils font parfois le grand écart, comme lorsque Cécile Duflot apportait son soutien aux opposants à Notre-Dame-des-Landes alors qu’elle était ministre. Une meilleure représentation des Verts au pouvoir ne supprimerait pas ces oppositions radicales au système.»

La mort de Rémi Fraisse a révélé l’existence de ces contestataires qui, sans chef de file et sans doctrine, rêvent d’une société où les renoncules à feuille d'ophioglosse ne se feraient pas écraser par des bulldozers.

* Photo: Manifestation à Albi en hommage à Rémi Fraisse, le 27 octobre 2014. - FRED SCHEIBER/SIPA

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