Algérie - Hommage

Planète - France: L’architecte André Ravéreau est mort


Planète - France: L’architecte André Ravéreau est mort


Le spécialiste de l’architecture traditionnelle algérienne s’est éteint le 12 octobre à l’âge de 98 ans.

André Révéreau, qui est mort le 12 octobre à Aubenas, à l’âge de 98 ans, était l’un des architectes français les plus importants de la deuxième moitié du XXe siècle, et l’un des premiers annonciateurs des désordres à venir de la terre et des villes. La dernière fois que nous l’avions rencontré, c’était en 2013, à l’occasion d’une nouvelle présentation, sous le titre «Modernités Plurielles», des collections du Centre Pompidou. A le voir, on se doutait bien qu’il arrivait de son Ardèche d’adoption et de son fief la ferme Raphanel, à Lentillères: tignasse et barbe blanches, visage fripé comme une pomme bio, regard vif et interrogateur souligné par des poches sous les yeux, surchargées d’humanité.

Ravéreau était né le 27 juillet 1919, à Limoges. Entré après la guerre aux Beaux-Arts à Paris, dans l’atelier de Perret, un «poète, qui parle et pense en construction», il part avant même son diplôme en Algérie découvrir Ghardaïa et la vallée du M’Zab qui lui dévoile la cohérence d’une architecture adaptée aux contraintes d’un milieu. Ce premier voyage est aussi pour lui une véritable initiation: «Comme tout le monde, j’ai reçu la séduction de Ghardaïa avant d’en faire l’analyse. On a l’intuition que les choses possèdent un équilibre que l’on appelle esthétique, et cela avant de savoir comment c’est, un équilibre.»

Le M’Zab est un territoire plutôt modeste, vingt-cinq kilomètres zigzaguant dans un chapelet d’oasis. Ghardaïa est la plus grande de cinq villes collectivement affublées du nom de Pentapole, fondées comme refuges fortifiés par les Ibadites, une minorité persécutée de l’Islam entre 1012 et 1350. La vallée est devenue l’un des sites fétiches des architectes, notamment ceux du mouvement moderne qui, à des degrés divers, vont s’y arrimer comme Le Corbusier ou en chanter les vertus (Bernard Rudofsky, auteur d’Architecture sans architectes, 1964), s’en inspirer (Roland Simounet), ou bien s’en éloigner (Fernand Pouillon) .

Le terme écologie n’est pas encore en usage, ni celui d’ensemble urbain, ni l’usage de l’architecture de terre... Ravéreau rassemble intuitivement ces notions et ces techniques. Lorsqu’il revient au M’zab en 1959, pendant la guerre d’Algérie, ce sera pour s’y fixer durablement et créer à Ghardaïa ce qu’on appellera l’Atelier du désert. Cela n’effraie pas les élèves et architectes, qui se joignent à lui et contribueront à la fondation de l’association Cra-terre à Grenoble.

Une pensée généreuse

En 1965, Ravéreau est nommé architecte en chef des monuments historiques en Algérie. Il obtient le classement de la vallée du M’Zab en 1970, conséquence – logique ? paradoxale ? – d’un projet d’hôtel de Fernand Pouillon sur les hauteurs de Ghardaïa, rappelle l’historien Antoine Picon. Il explique alors aux autorités: «Il est impensable que des touristes puissent avoir une vue directe sur les terrasses des habitations où l’usage veut que se retrouvent les femmes».

«Ravéreau, dit l’historien Antoine Picon, n’aimait pas Pouillon, Pouillon ignora Ravéreau.»

Sa pensée est généreuse à Ghardaïa, elle ne s’y limite pas, qu’il restaure, construise, analyse ou dessine. En 1981, il publie ainsi un ouvrage qui rassemble un ensemble de textes majeurs pour les architectes des générations suivantes, avec des photographies de sa compagne Manuelle Roche: Le M’Zab, une leçon d’architecture. Il est préfacé par Hassen Fathy, son alter ego égyptien (1900–1989). Les deux hommes seront d’ailleurs récompensés la même année, en 1980, par le prestigieux Prix de l’Aga Khan.

En 1982, la vallée du M’Zab est inscrite, largement grâce à Ravéreau et ses proches, sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Globalement oublié par la France, qui ne comprend pas la force pionnière de sa pensée, il revient en 2006, à 86 ans, sur les lieux qui ont enflammé sa pensée. Mais l’environnement s’est à ce point dégradé qu’il devient difficile de bâtir encore à partir des solutions locales et séculaires.

«Si j’ai un conseil à donner aux jeunes architectes, c’est de s’attaquer à la pollution et à tout ce qui détruit notre mode de vie. J’ai cru satisfaire un milieu physique par mon architecture mais ce dernier disparaît. Cette nature à qui j’ai tout dédié, il faut la préserver, c’est la leçon de ma vie.»


Photo: L’architecte André Ravéreau est mort le 12 octobre à Aubenas, à l’âge de 98 ans. ALADAR / Manon Bublot

Frédéric Edelmann



André Ravéreau en quelques dates

27 juillet 1919 : Naissance à Limoges

1959 : Crée à Gardhaïa l’Atelier du désert

1965 : Nommé architecte en chef des monuments historiques en Algérie

1981 : Publie « Le M’zab, une leçon d’architecture »

12 octobre 2017 : Mort à Aubenas (Ardèche)
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