Algérie - Parc et sites naturels, zone humides

Planète - France: Ils ont acquis 115 hectares sur Le Bon Coin et créé une réserve naturelle



Planète - France: Ils ont acquis 115 hectares sur Le Bon Coin et créé une réserve naturelle


Interdit aux chasseurs et dédié à la vie sauvage, le domaine de Bagarry (Var) est l’une des plus vastes réserves privées de France.

«La défense de l’environnement ne doit pas dépendre que de l’État», affirment les maîtres du lieu, Grégori Lurot et Carole Charpentier. Interview.

Rencontre avec un couple de Varois amoureux de la nature : Grégori Lurot, exploitant agricole et Carole Charpentier, professeur des écoles. Grégori nous raconte l’aventure dans laquelle ils se sont lancés en 2014 : transformer une propriété abandonnée, à 900 mètres d’altitude, en réserve naturelle.


- Comment le projet est-il né?

Grégori Lurot: Carole et moi vivions depuis une douzaine d’années à Brignoles (Var), dans une jolie bastide avec 5 hectares de terrain. Un beau cadre, avec des terres très bonnes pour les cultures, mais situé à proximité du centre de Brignoles et surtout à 30 mètres de l’autoroute A8! À un moment donné on s’est demandé s’il ne valait pas mieux, pour développer un projet nature avec des cultures saines, chercher un endroit plus éloigné des sources de pollution. On s’est alors mis en quête de quelque chose de plus authentique, de moins travaillé par la civilisation moderne.

- Comment avez-vous dégoté le domaine de Bagarry?

On cherchait dans le sud de la France une grosse unité foncière qui soit à même d’apporter suffisamment de terre, suffisamment d’eau, suffisamment d’arbres pour pouvoir fonctionner, recevoir du monde, partager des choses avec les gens. Il fallait quand même une certaine surface. On s’était fixé un objectif d’au moins 100 ha. C’était assez ambitieux et on ne trouvait pas, c’était toujours beaucoup trop cher… Et puis Carole est tombée sur une annonce du Bon Coin [rires…], on est allés voir au cas où… Les 115 ha étaient à l’abandon depuis quatre ans (le propriétaire était décédé), il n’y avait pas beaucoup d’oiseaux, il y avait un silence très impressionnant… Quand on est arrivés à la croisée des chemins, au centre de la propriété, et qu’on a vu le corps de ferme, le panorama, et qu’on a commencé à imaginer ce qu’on pouvait faire ici, on a eu les larmes aux yeux et on s’est dit: «C’est ici, et on va se battre.»

- Et vous en avez fait une «réserve naturelle privée»?

Oui, tout à fait. En France il y en a trop peu. La préservation de l’environnement, ce n’est pas quelque chose qui doit ne dépendre que de l’État, cela peut aussi relever de l’initiative personnelle. Quand on a la chance de posséder une terre, je pense qu’on peut, au même titre que certains organisent leur territoire en chasse privée, faire le choix de l’organiser en réserve naturelle privée. L’idée est de constituer une zone de repos, de régénération pour la nature.

- Vous avez interdit la chasse sur le domaine, comment a évolué la population sauvage depuis?

La propriété au départ était quasi vide, on voyait très peu de lapins, de lièvres, de chevreuils, de chamois. Au fil des années on en voit de plus en plus, il y a une amélioration. Le domaine constitue un petit espace de repos pour les animaux, qui leur permet de se régénérer, ils ont un endroit pour souffler, d’autant plus que la chasse est très pressante dans la région: elle est autorisée sur la totalité du territoire de la commune (4.400 ha).

- Chez vous on voit aussi beaucoup d’autres animaux en liberté, des chevaux, des moutons, des poules, des chiens…

Oui, mais nous rentrons les moutons le soir pour éviter les attaques de loups la nuit, car le domaine n’est pas clôturé. On a eu deux attaques en deux ans, et à chaque fois une bête a été mangée. C’est triste pour la bête et pour nous, mais on peut dire que globalement la perte n’est pas énorme et qu’on arrive à faire avec.

- Quelles sont vos différentes activités à la ferme?

L’activité principale du domaine c’est la culture et la cueillette de plantes aromatiques et médicinales, et principalement, pour l’instant, de lavande. Notre huile essentielle se vend bien. A l’avenir, nous souhaitons diversifier notre production. L’idée, c’est de revenir à une ferme à l’ancienne, naturelle, avec du bon sens: le fumier des animaux utilisé comme engrais pour le potager, les cultures et les arbres, aucun emploi de pesticides ni de produits chimiques.

- Tout est bio, donc?

Non, on n’a pas du tout demandé l’appellation, parce que le bio, pour nous, même si c’est un progrès, permet encore beaucoup trop l’utilisation de produits très proches de ceux utilisés en agriculture conventionnelle. J’ai le sentiment que le bio, même si c’est très bien représenté en France par des gens sérieux, reste une bannière commerciale qui peut être détournée, des gens peuvent tricher. Nous on ne met rien du tout comme produit. C’est un engagement radical, au risque de perdre certaines cultures ou certains légumes ou fruits, mais au moins on a l’assurance à 100 % qu’il n’y a rien de toxique. Cette propriété n’a pas été cultivée depuis 1940, les sols ont été préservés de tout produit chimique et de toute pollution. On cherche à revenir à la petite ferme autonome qui peut être en mesure de nourrir bon nombre de familles dans sa périphérie rapprochée.

- Comment vous y prenez-vous, concrètement?

On essaye de faire les choses en douceur, sans brusquer la nature avec des engins. Ce qu’on fait en général en permaculture c’est qu’on commence par observer le terrain: l’ensoleillement l’hiver, le climat, les micro-climats qu’il peut y avoir sur la propriété. Petit à petit on s’imprègne du lieu pour imaginer ce que l’on va y implanter et où, pour que ça ait une cohérence, que les arbres ne meurent pas si on ne les a pas mis au bon endroit, etc. On cherche aussi à retrouver les chemins ancestraux effacés, grâce à des photographies aériennes en noir et blanc de 1934, auxquelles on a accès, facilement maintenant, sur la page «remonter le temps» de l’IGN (Institut géographique national). C’est là qu’on a pu s’apercevoir qu’il y avait énormément de chemins disparus. En se questionnant (quels points étaient reliés par ces chemins?), on a découvert des sources, des carrières de pierres, des endroits où très probablement on allait chercher du bois, où on produisait du charbon…

- En quoi consistent les stages de survie que vous organisez?

C’est une grande balade de deux jours tout au long de laquelle moi et deux autres formateurs distillons des modules. Les gens apprennent à faire du feu avec différentes techniques, à prélever de l’eau ou à s’en procurer quand il n’y en n’a pas ou quand elle n’est pas potable ; à repérer les plantes qui soignent, les plantes comestibles ; à lire les traces d’animaux (renards, chevreuils, chamois, loups, lynx). On apprend aussi à lire des cartes IGN et à se repérer uniquement avec le soleil. Cela se passe dans partie de la propriété vraiment très sauvage, environ 90 ha, Les stages ont lieu le week-end, avec un bivouac le samedi soir. On peut aussi faire le stage condensé en une journée.

- Quel genre de public avez-vous pour ces stages?

C’est très hétérogène: hommes, femmes, jeunes et moins jeunes, de toutes couches sociales: coiffeurs, patrons de supermarchés, journalistes. Il n’y a pas de profil type. Certains sont très proches de la nature et veulent se perfectionner, d’autres ont des emplois de bureau, à la ville. On s’est assez vite rendu compte qu’il y avait chez les gens un manque de connaissance de la nature qu’ils ont envie de combler. Ils passent un bon moment dans le calme, sans aucune nuisance.

- Et sinon, quels autres publics accueillez-vous dans la réserve?

L’été, nous accueillons quelques campeurs, et sinon des woofers, c’est à dire des gens qui proposent leurs bras, leur intelligence en échange du gîte et du couvert. On leur fait découvrir notre belle région, les gorges du Verdon, on passe des soirées mémorables, avec de la guitare… Parmi les gens qui viennent on a une surreprésentation d’artistes et de musiciens.

- Normal, ils viennent chercher le silence!

Oui, c’est très important pour nous que ce lieu soit un espace de partage, un lieu de rencontres et d’échange d’idées, pour essayer à notre tout petit niveau de maintenir ou de rebâtir un monde qui ne devrait pas, à mon sens, cesser d’exister.


Voir l'article dans son intégralité avec plus de photos: https://lejournalminimal.fr/ils-ont-acquis-115-hectares-sur-le-bon-coin-et-cree-une-reserve-naturelle/

CATHERINE SIMONET
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