Algérie - 07- Occupation Française

Planète (Europe/France) - «Boucher», «Criminel», «avenue des Enfumades»… Quand SOS Racisme remet Bugeaud à sa place


Planète (Europe/France) - «Boucher», «Criminel», «avenue des Enfumades»… Quand SOS Racisme remet Bugeaud à sa place


Vendredi dernier, tôt le matin, un groupe de militants de l’association française SOS Racisme a accompli une action d’éclat en investissant l’avenue Bugeaud, dans le 16e arrondissement de Paris, avant de détourner les plaques portant le nom de ce bourreau de la «Conquête», le sinistre Thomas Robert Bugeaud.

Dans un geste à la fois symbolique et audacieux, ils ont apposé des plaques sur lesquelles on peut lire: «Avenue du boucher Bugeaud», «Avenue du criminel Bugeaud», ou encore «Avenue des Enfumades».

Les plaques de SOS Racisme ne manquaient pas de rappeler, parodiant en cela les indications biographiques accompagnant habituellement les plaques de rue, les atrocités commises par le maréchal sanguinaire. Sur l’une d’elles, il est précisé: «Criminel de guerre, bourreau de la conquête de l’Algérie». Sur une autre, cette mention: «Bourreau de milliers de civils emmurés et asphyxiés.Algérie, 1844-1845».

Il n’aura pas échappé à nos lecteurs et lectrices que cette «opération coup-de-poing», selon la formule de SOS Racisme, a été exécutée un 19 mars, une date qui fait penser forcément au 19 mars 1962, jour du cessez-le-feu entre l’Algérie et la France en application des Accords d’Evian, signés le 18 mars 1962.

«Ce matin à l’aube (le vendredi 19 mars, ndlr), des militantes et militants de SOS Racisme ont détourné les plaques de rue glorifiant le maréchal Thomas Robert Bugeaud», a indiqué SOS Racisme via sa page Facebook, avant de préciser «Il ne s’agit pas de venir vandaliser ou rebaptiser selon notre propre goût une avenue qui porte le nom de Bugeaud, mais de venir préciser qui était ce personnage qui n’était rien d’autre qu’un criminel de guerre.» – Dans un message électronique adressé à des journalistes d’El Watan, SOS Racisme souligne que cette opération visait à «révéler la vérité historique derrière ce nom glorifié en plein cœur de la capitale».

Rappelant qui était Bugeaud, l’association convoque quelques faits glaçants qui en disent long sur le personnage et sa politique de la «terre brûlée»: «Envoyé dès 1836 pour ‘‘pacifier’’ le pays, Bugeaud élabora et commanda les ‘‘enfumades’’ des Shebas et du Dahra, respectivement en 1844 et 1845. Son plan meurtrier consistait à asphyxier par la fumée des civils, femmes, hommes et enfants, en allumant un feu à l’unique entrée d’une grotte où ces personnes étaient réfugiées ou enfermées. Il emmura et tua dans ces grottes des milliers d’Algériennes et d’Algériens. Sa politique était comme il l’écrivit à ses lieutenants: ‘‘Exterminez-les jusqu’au dernier’’».

Dans une déclaration publiée sur sa page Facebook, Dominique Sopo, président de SOS Racisme, fera remarquer de son côté que «Bugeaud est un cas caricatural de ce qui n’est pas possible dans l’espace public. En effet, par cette rue qui prit son nom sous le Second Empire, il est honoré pour une guerre d’agression qui déboucha sur une conquête obtenue par des crimes épouvantables. Des crimes qui, à son époque, provoquèrent, jusqu’à la Chambre des députés, un scandale également exprimé sous la plume de Victor Hugo».

Dominique Sopo poursuit: «Alors, en ce 19 mars, ‘‘Journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc’’, nous avons voulu interroger cette aberration. Non pas en vandalisant puisqu’il suffit ici d’apposer la simple mention des crimes de Bugeaud. Non pas en donnant un autre nom à cette rue puisque, s’il s’agit certes de renommer à terme, il ne s’agit pas d’imposer. Car, au-delà de ce que sera le nom futur de cette rue, l’important est que nous soyons capables de réfléchir collectivement qui nous voulons honorer dans la République. Et, partant, à ce qu’est notre rapport à notre passé algérien, qu’il faut regarder en face et dans le temps long, pour comprendre ce qu’il a légué et ce qu’il nous faut extirper de nos cœurs et de nos représentations.»

Et M. Sopo de lancer cet appel: «J’espère maintenant que les élus parisiens s’empareront pleinement de ce sujet. Car, décidément, en 2021, une ville ne peut pas honorer un homme dont les ‘‘faits de gloire’’ se pèsent en civils massacrés en Algérie et en quelques ouvriers abattus quelques années plus tôt dans cette même ville qui l’honore.»



Photo: D. R. - Plaque de rue détournée par SOS Racisme pour rappeler les crimes du sanguinaire Bugeaud

Mustapha Benfodil


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