Algerie - Biodiversité

Planète (Amérique du Nord) - L’effrayante disparition des papillons aux États-Unis


Planète (Amérique du Nord) - L’effrayante disparition des papillons aux États-Unis
En 20 ans, la population de papillons a chuté de 22 %, selon une nouvelle étude. Une crise écologique qui souligne l’urgence de protéger ces insectes essentiels à la biodiversité.

Plus d'un cinquième de la population de papillons a disparu aux États-Unis entre 2000 et 2020. Ce déclin généralisé, révélé dans une nouvelle étude publiée par la revue britannique Science, est d'autant plus préoccupant que ces insectes jouent un rôle crucial dans de nombreux processus écologiques.

«Les papillons sont un maillon essentiel de la chaîne alimentaire: ils se nourrissent de plantes et constituent une source de nourriture pour de nombreux animaux, en particulier les oiseaux, souligne Collin Edwards, docteur en écologie et en biologie évolutive à l'université d'État de Washington, auteur principal de l'étude. Ils jouent aussi un rôle important dans nos réseaux alimentaires en tant que pollinisateurs.»

- Un cas isolé?

Et ce qui inquiète d'autant plus les chercheurs est que ce constat alarmant pourrait bien toucher de nombreuses autres espèces. En effet, les papillons fascinent tellement que bénévoles et experts ont permis aux scientifiques de collecter et d'agréger les données de 12,6 millions d'observations individuelles de ces insectes provenant de plus de 76.000 enquêtes menées en 20 ans, «ce qui n'est pas le cas pour les mouches et les coléoptères», ironise le chercheur américain.

«Les papillons sont le seul groupe d'insectes pour lequel nous disposons de suffisamment de données pour mener une étude de cette ampleur, donc ils sont souvent considérés comme un indicateur de l'état général des insectes, précise Collin Edwards. Mais les mêmes problèmes qui sont à l'origine de leur déclin – le changement climatique, l'utilisation de pesticides et la perte d'habitat – affectent d'autres espèces et nous avons toutes les raisons de penser que d'autres insectes que nous ne pouvons pas étudier aussi facilement sont également en déclin».

Les chercheurs ont constaté un déclin annuel de 1,3 % sur l'ensemble des 554 espèces de papillons enregistrées, mais les pertes sont disparates. En effet, 33 % des espèces ont affiché des déclins significatifs et seulement 3 % sont en nette augmentation. Plus de 100 espèces ont diminué de plus de 50 %, dont 22 ont subi des pertes supérieures à 90 %.

«Cela dépend du contexte de chaque espèce: comment se portent leurs habitats spécifiques, comment leur cycle biologique est affecté par le changement climatique et les pesticides, etc., détaille le biologiste. Nous espérions pouvoir identifier des tendances générales: peut-être que les grands papillons ou ceux d'une famille spécifique se porteraient mieux? Ou des papillons qui préfèrent les habitats modifiés par l'homme? Mais il n'y avait pas d'explication aussi convaincante: les papillons sont en déclin, quelles que soient leurs caractéristiques et leur famille».

- Une forte capacité de régénération

Géographiquement aussi, les pertes ne sont pas les mêmes. «Le sud-ouest – Arizona, Nouveau-Mexique, Oklahoma et Texas – a connu les pires déclins, ajoute-t-il. De très bonnes études ont révélé que les papillons déclinent le plus rapidement dans les régions particulièrement chaudes et sèches».

Mais une note positive vient éclairer ce sombre tableau. «Les papillons ont au moins une génération par an, souvent même deux ou trois, et un papillon peut pondre des centaines, voire des milliers d'œufs au cours de sa vie. Si nous pouvons donc améliorer les conditions de vie d'une espèce de papillon, elle a le potentiel de se rétablir très rapidement, lance, optimiste, le scientifique.»

Par exemple, on pensait le bleu de Fender, un petit papillon qui vit sur une espèce spécifique de lupin dans une partie de l'État de l'Oregon, éteint depuis les années 1930. Des décennies plus tard, il a été redécouvert, mais il n'en restait qu'un tout petit nombre vivant à l'état sauvage. Et, après vingt ans de gestion de l'habitat, les papillons se portent désormais suffisamment bien pour que le gouvernement américain les reclasse comme «menacés» et non plus «en voie de disparition».

D'où l'importance, selon les auteurs de l'étude, de mettre en place urgemment des stratégies de conservation efficaces pour protéger ces populations. «Deux des principales causes du déclin des populations – les pesticides et le changement climatique – nécessiteront des efforts nationaux et internationaux pour y remédier. Ce n'est malheureusement pas quelque chose que vous ou moi pouvons résoudre seuls, conclut-il. Mais la perte d'habitat est un problème que nous pouvons chacun contribuer à résoudre. Les papillons et autres insectes réagissent à la gestion locale de l'habitat, et quelque chose d'aussi simple que de rendre votre jardin ou votre quartier plus convivial pour les papillons et autres insectes peut être d'une grande aide!»

Pour donner quelques exemples, Collin Edwards aime à reprendre les conseils d'un de ses confrères, Atticus Murphy, docteur en écologie à l'université de Californie: planter un ensemble diversifié de plantes à fleurs, privilégier les espèces végétales indigènes, ne pas trop tondre la pelouse, ajouter des structures végétales à sa cour, éviter l'usage d'herbicides et de pesticides… Bref, de petits gestes pour espérer pouvoir continuer, comme Georges Brassens aimait à le chanter, d'aller à la chasse aux papillons.

Photo: Plus d’un cinquième de la population de papillons a disparu aux États-Unis entre 2000 et 2020. © Uschi Dugulin, Pixabay

Par Héloïse Pons
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