Algérie - Revue de Presse

Plaider pour un artisanat au service du tourisme national



L’événement s’est déroulé, cette année, au lendemain du retour des deux secteurs «tourisme» et «artisanat» dans le giron d’un même portefeuille ministériel. C’est une occasion pour observer une halte et repenser notre politique de développement d’un secteur qui reste l’un des premiers créateurs d’emplois dans le monde. Aujourd’hui, il est presque impossible de parler de tourisme sans évoquer l’artisanat et vice versa. Dans le tourisme de Découvertes où l’Algérie dispose d’un certain avantage comparatif, l’artisanat peut se révéler un des éléments à même de faire la différence. Seulement, en Algérie, à ce jour, cette donne est prise en considération comme une obligation réglementaire et rien d’autre. En effet, les établissements hôteliers, de moyen et haut standing, sont obligés de présenter quelques produits artisanaux en guise de décoration. Ce n’est pas la peine de dire que ce sont les mêmes produits qui sont exposés, depuis l’ouverture de l’établissement, quelque part dans un coin du hall ou du restaurant. Dans la stratégie algérienne, on ne sait toujours pas qui est censé développer l’autre. Le tourisme ou l’artisanat. Même le discours officiel, qui rappelle que l’Algérie dispose d’un patrimoine qui peut favoriser le développement du tourisme, point d’explications sur la manière de procéder. Les exemples français et Espagnol L’importance de l’artisanat dans l’industrie touristique nous pouvons l’illustrer à travers le cas d’école «Espagne-France». Le tourisme français est, de loin, plus développé que celui du pays ibérique. La France est la première destination mondiale bien avant le tourisme espagnol. Le nombre des arrivées et des nuitées réalisées en France est beaucoup plus important que celui enregistré en Espagne. Malgré cela, le touriste en séjour en Espagne dépense beaucoup plus que celui qui se déplace en France. Le même touriste dépense plus s’il est en Espagne que s’il est en France. Ainsi, pour chaque euro investi par chacun des deux pays dans l’industrie touristique, l’économie espagnole engrange des recettes au moins une fois supérieure à celles réalisées par l’économie française. Si, pour les experts espagnols il s’agit d’une satisfaction, pour leurs homologues français il est question d’un manque à gagner qu’il faut éponger le plus vite possible au risque de voir les politiques de développement et de promotion devenir inefficientes. C’est-à-dire que les programmes français arrivent aux mêmes objectifs que les programmes espagnols mais avec des coûts plus élevés. Des différents audits réalisés, il s’est avéré que l’une des causes principales de cette incohérence fut l’incapacité de l’artisanat français à jouer son rôle d’élément de majoration des consommations touristiques. Le raisonnement qui crédite le secteur du tourisme de l’incapacité d’utiliser d’une façon optimale l’artisanat pour booster ses recettes est aussi valable. En fait, c’est cette formulation qui est retenue afin que les initiatives de correction viennent du secteur du tourisme. Et, c’est ce qui manque à la démarche algérienne qui implique, rarement, la notion de responsabilité. L’Algérie, grand souk tunisien En Algérie, l’approche est administrative comme c’est souvent le cas, notamment pour le secteur touristique. Même la présence, de temps à autre, des deux secteurs du tourisme et de l’artisanat dans un même portefeuille ministériel n’a pas réussi à dépasser cette approche archaïque. A l’origine de cela, on retrouve la non-prise en charge de la chose touristique comme une économie nécessitant, aussi bien des diagnostics, que des «programmes-mesures» économiques. Cela se manifeste par la présence des obligations et non des formules de partenariat à même de créer la synergie attendue. Il est fait obligation aux hôtels d’exposer des produits d’artisanat au lieu d’agir pour encourager les hôteliers à proposer, avec les voyagistes, à leurs clients la visite des souks. Il est fait injonction aux agences de tourisme et de voyages de promouvoir le patrimoine culturel sans leur proposer une démarche motivante. Nous avons même constaté que lors des salons dédiés au tourisme, genre SITEV, il est fait obligation aux directions et offices de tourisme d’exposer l’artisanat de leurs régions. Les artisans sont pris en charge gratuitement à l’inverse des agents réceptifs et leurs partenaires émetteurs. C’est comme si les organisateurs se paient une décoration, pas plus ! Aujourd’hui, 20 ans après les discours sur l’obligation de promouvoir l’artisanat et sur la grande richesse de ce patrimoine capable de devenir un facteur de développement touristique, c’est l’échec de toute l’approche qui est étalée sur le terrain, et à ciel ouvert, le long des grands axes routiers du pays. Aux bords des importantes routes, des vendeurs de produits d’artisanat exposent leurs produits, dont plus de 80% proviennent de chez nos voisins tunisiens. Une fois la frontière ouest rouverte, ce sera la même chose avec les produits marocains. Evidemment, les touristes nationaux et étrangers s’arrêtent pour acheter leurs «tadjines» et services à thé, car charmés par la beauté des produits. On y achète même si l’on n’est pas touriste. Selon nos enquêtes, 90% de la demande émanent des ménages algériens. Sauf que les recettes vont à d’autres économies. Pour les voyagistes, s’ils veulent satisfaire leurs clients, il vaut mieux qu’ils les emmènent dans ces coins que de leur faire découvrir les étals des hôtels ou des éternels «artisans des salons». Il y a de la qualité, de bons prix et de la variété. Enfin, tout... sauf l’artisanat algérien. Moralité de la chose, s’occuper de l’artisanat ne doit pas rester une finalité. C’est un choix qui doit répondre à des exigences économiques qu’on doit quantifier. Pour un concept « artisanat» assimilé au cadeau Aujourd’hui, il faut remettre l’artisanat à sa juste place. Au cœur de l’approche : le tourisme et le touriste. Ce dernier doit dépenser le maximum. Pour ce faire, on lui propose les objets de cadeau dont fait partie la poterie et autres burnous.
Il est, économiquement inadmissible, que l’agent touristique national dépense des sommes colossales et  fasse des efforts gigantesques pour faire venir le touriste en Algérie afin de remplir les caisses des artisans des pays voisins sans contrepartie pour les économies locales. Si, ailleurs, les gouvernements s’engagent dans des politiques agressives pour maximiser les dépenses des touristes en objets de cadeaux, les nôtres doivent, au moins, veiller à ce que le peu des dépenses aille dans les économies locales ou, du moins, une partie d’entre elles. Après la morale, l’anecdote. Il est aberrant que l’agent de voyages soit taxé sur la commission qui lui revient du séjour des touristes qu’il ramène au pays et pas l’artisan du pays voisin, écoulant ses produits à ciel ouvert en Algérie, et qui en profite sans rien payer au Trésor. Au moins essayer de faire bénéficier le réceptif algérien des mêmes exonérations, de fait, dont jouit l’artisan du pays voisin ! Ce qui est recherché, c’est de vendre le maximum de cadeaux aux touristes une fois en Algérie, de les pousser à dépenser le plus dans les souks, à visiter autant de sites de curiosité qu’ils le peuvent. Alors, pour ce faire, qu’on commence par adapter notre définition du concept «objets d’artisanat» en le rapprochant de celui «d’objets de cadeau, de souvenir et de plaisir» ramené ou gardé en mémoire à la suite d’un séjour dans le pays. Développer l’artisanat au profit du tourisme, c’est faciliter l’accès des sites aux touristes où il peuvent acheter des cadeaux, prendre un thé à la menthe, manger de la dobbara, déguster des dziriates ou des djouzia, faire une sortie en mer avec les pêcheurs, visiter une zaouia, acheter un ruban couleurs de la tarika (confrérie), faire une virée dans une librairie et acheter un livre d’un auteur algérien... L’artisanat doit être un concept large qui englobe tous ces éléments, faute de quoi il se limitera aux tadjines de Nabeul. Dans ce cas, c’est l’économie nationale qui est perdante. Certains passages de cette plaidoirie ne doivent en aucun cas être assimilés à une attaque contre l’artisanat d’un pays frère qui est à la fois de très bonne qualité et très concurrentiel ; mais comme un appel à une approche pragmatique d’un secteur porteur pour le tourisme national, en général, et les économies locales en particulier. L’offre culturelle algérienne peut très bien inclure l’artisanat tunisien mais dans un esprit gagnant-gagnant, comme le font tous les Etats frères et amis. 


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