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Pesticides
Souvent décriés, mais ô combien indispensables à la production agricole, les pesticides, connus également sous l'appellation de produits phytosanitaires, ont connu un grand succès dès la fin de la seconde guerre mondiale.En Algérie, l'utilisation de ces produits à usage agricole a crû en rapport avec l'augmentation des surfaces cultivées. Selon une enquête sur «les conditions d'utilisation des pesticides en agriculture dans la région centre de l'Algérois et la perception des agriculteurs des risques associés à leur utilisation», réalisée par Louchahi Mohamed Rabie (mémoire de magister à l'Ecole nationale supérieur d'agronomie), «près de 400 substances actives de pesticides sont commercialisées annuellement et constituent des outils nécessaires, voire indispensables pour les agriculteurs, puisqu'il assurent la rentabilité de la majorité de leurs productions», regrettant dès l'entame du travail scientifique le manque de contrôle de résidus des pesticides se révélant par la présence de ces résidus dans les produits commercialisés. «La moitié des fruits et légumes vendus sur les étalages contiendraient ces substances chimiques.Pire encore, on constate que des pesticides interdits de commercialisation et d'usage dans l'Union européenne depuis les années 70' existent toujours en Algérie», déplore le chercheur. Au-delà de cet aspect de contrôle, Louchahi Mohamed Rabie dénonce le manque de respect des bonnes pratiques en matière d'utilisation de ces pesticides. «En effet, les doses et la fréquence de l'emploi des pesticides ne sont pas toujours maîtrisées par les producteurs dont la plupart sont analphabètes. Ainsi, le surdosage et l'utilisation répétée de certains pesticides persistants sont enregistrés.Ceci peut entraîner la formation de zones d'accumulation au niveau du sol. Les pesticides peuvent même s'infiltrer dans le sol et contaminer les nappes phréatiques», précise le chercheur. Ce constat ainsi mis en avant, l'auteur du travail a mené une enquête auprès des agriculteurs au niveau de trois régions agricoles, à savoir Alger, Tipasa et Blida. L'étude en question s'articule autour de deux axes : d'abord le comportement des agriculteurs confrontés à un choix de traitement phytosanitaire «en mettant en évidence les éléments qui interviennent dans leur prise de décision», et ensuite la prise de conscience des agriculteurs par rapport aux risques ou aux effets néfastes des pesticides sur la santé humaine et sur l'environnement.Définissant d'abord le champ de l'étude, le chercheur établit la répartition des types d'exploitation dans les trois régions. Ainsi, il en ressort que plus de 18,33% au niveau d'Alger sont constitués d'EAC (Exploitations agricoles collectives) contre 23,33% à Blida et 16% à Tipasa. Les EAI (Exploitations agricoles individuelles) représentent 9% dans la wilaya de Blida et 7,5% à Tipasa. Enfin, les EAP (Exploitations agricoles privées) représentent respectivement 5%, 6% à Blida et Tipasa.Etudiant les profils des agriculteurs des régions concernées, l'étude révèle que près de la moitié des chefs d'exploitation avaient un niveau d'études primaires avec un taux de 46,7%. En outre, 20,8% avaient un niveau d'études secondaires, et 23,3% n'avaient aucun niveau d'instruction. Toutefois, note l'enquêteur, seuls 9,2% des agriculteurs avaient un diplôme de l'enseignement supérieur. «On peut conclure d'après ces résultats que le faible niveau d'instruction demeure important. Ce niveau bas n'aide pas ces agriculteurs à suivre les renseignements en rapport avec la bonne utilisation des pesticides et les risques liés à leur santé», écrit-il. Il est également révélé que seulement 5 ingénieurs agronomes et 6 techniciens supérieurs intègrent l'agriculture comme métier, «ce qui dénote de l'absence d'une masse critique de professionnels formés au niveau du secteur de la production», développe-t-il.Types de pesticidesDans la partie réservée à la comptabilisation et au répertoire des pesticides, le chercheur indique dans l'étude que la totalité (100%) des producteurs interrogés dans les trois régions enquêtées ont affirmé avoir recours à l'utilisation des produits phytosanitaires. Par ailleurs, si les agriculteurs ont déclaré avoir utilisé les pesticides, ces derniers se plaignent du prix exorbitant de certains produits, ainsi que de leur manque d'efficacité constaté, ce que les oblige à faire plusieurs pulvérisations de différents produits et donc à dépenser plus. Cependant, «on sait a priori que l'inefficacité des pesticides peut être liée à plusieurs paramètres, notamment l'apparition du phénomène de résistance suite à des applications répétées par le même pesticide et sur la même parcelle.Les conditions d'application et surtout l'époque du traitement sont aussi incriminées», indique l'auteur de l'étude. S'agissant des types de pesticides utilisés par les agriculteurs de trois régions, l'étude a permis d'identifier et ainsi répertorier 82 noms commerciaux des produits phytosanitaires, dont 47 matières actives différentes.Il est donc indiqué que les carbamates sont les pesticides les plus utilisés (26%) du total des types de pesticides enquêtés, les pesticides organochlorés, quant à eux, sont les moins utilisés parmi les autres classes chimiques avec un taux de 2%. Les pyréthtrinoïdes, organophosphorés et triazoles représentent respectivement 17%, 15% et 18%. Quant aux dérivés (mixage de plusieurs pesticides) et les pesticides divers qui regroupent plusieurs classes chimiques, ils occupent un rang non négligeable dans l'utilisation des pesticides dans les trois régions étudiées.DangersEn conclusion, les résultats de cette enquête ont montré que les agriculteurs approchés «sont généralement très peu informés sur la législation actuelle et sur les risques liés à l'utilisation des pesticides. Les agriculteurs semblent être préoccupés principalement par la garantie d'une récolte de qualité et en quantité», constate M. Louchahi. Pour ce dernier, l'impact des pesticides sur la santé des agriculteurs eux-mêmes lors des traitements, sur l'environnement et sur le consommateur présentait moins d'intérêts à leurs yeux. «En d'autres termes, l'aspect socio-économique est plus important que l'aspect environnemental», tranche-t-il.S'agissant des dangers liés à l'utilisation des pesticides, l'étude démontre qu'ils sont d'autant plus importants que les agriculteurs ont «des comportements à haut risque compte tenu de leur faible niveau d'information : absence d'équipements de protection lors des pulvérisations des cultures, non-respect des doses et des consignes de traitement, non-respect des délais avant récolte». Ces comportements, explique l'auteur de l'étude, vont toucher toute la population depuis les agriculteurs applicateurs jusqu'aux consommateurs qui sont exposés aux résidus de pesticides dans les fruits et légumes.Allant plus dans le détail concernant les conséquences sur la santé des utilisateurs de pesticides, il est indiqué que les principaux malaises ressentis par les agriculteurs suite à l'application des produits phytosanitaires sont : la fatigue, des maux de tête, des maux de gorge, des maux d'estomac (allant des simples crampes jusqu'aux vomissements), des brûlures cutanées, des diarrhées, des fièvres, des irritations des yeux et de la peau, des nausées. «La fatigue et les brûlures cutanées ont été notées dans presque 50% des cas», constate le chercheur. Pour ce qui est de l'impact sur l'environnement, les résultats de l'enquête montrent que les agriculteurs ne semblent pas accorder une grande importance aux risques encourus.«La pulvérisation utilisée comme moyen d'épandage des pesticides contribue à la dissémination des produits dans l'atmosphère, qui peuvent être transportés par le vent ou les précipitations vers d'autres régions. L'épandage de pesticides est également à l'origine de la pollution du sol et de la nappe phréatique. Une mauvaise gestion des emballages vides a été aussi constatée, qui sont pour la plupart soit abandonnés sur les bordures des champs (50%) ou carrément jetés dans les décharges ou les oueds (25%). Tous cela justifie une pollution environnementale qui a sûrement des répercussions sur la biodiversité (ex : mort des abeilles) et la santé des populations», développe l'étude qui incite les pouvoirs publics à se préoccuper impérativement de la commercialisation et de l'utilisation des produits phytosanitaires.



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