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"Performance à Rocher Noir", premier roman du poète M'hamed Hassani


Le premier roman de M'hamed Hassani, Performance à Rocher Noir (éditions Boussekine) ? initialement paru aux éditions Maïa en France ? n'est pas dépourvu d'intérêt, bien au contraire. Il décrit l'Algérie de la fin des années 1990, tout en fixant les yeux sur le rétroviseur de la mémoire collective : la fin de la colonisation et les débuts laborieux de la république naissante.M'hamed Hassani en a profité, en effet, pour évoquer, de façon implicite, Rocher Noir, actuel Boumerdès, qui avait été le siège de l'Exécutif provisoire présidé depuis le 19 mars 1962 par Abderrahmane Farès. L'autre clin d'?il était destiné à Rachid Mimouni, l'auteur du Fleuve détourné, qui y a vécu avant son exil forcé au Maroc.
L'auteur, qui a, à son actif, plusieurs recueils de poésie ? écrits selon son inspiration poétique du moment soit en français, soit en tamazight ?, est un ancien cadre de la formation professionnelle à Béjaïa et un militant associatif. D'ailleurs, la trame de son roman se déroule dans le cadre des "échanges officiels et culturels entre deux villes", en l'occurrence Béjaïa et Boumerdès.
Lorsque la délégation de Béjaïa s'est mélangée avec les autres exposants, l'on a assisté à l'arrivée de la télévision d'Etat. L'équipe, écrit l'auteur, "glanait ses séquences au gré du déplacement du groupe d'officiels". C'est le ton choisi par M'hamed Hassani, tout au long des 253 pages, que compte le roman.
Tout en déplorant en filigrane les budgets faramineux dépensés dans le cadre de ces échanges culturels, de ces festivals, qui n'ont aucun impact sur la vie culturelle, l'auteur n'a pas manqué de s'en prendre à cette clientèle de pseudo-artistes, de poètes officiels, qui sont là à glorifier le chef, à travers la personne du wali, du ministre, etc.
Dans une discussion, le personnage principal, Si Lho Sine, s'est aventuré, un peu par provocation, "à médire de la poésie, qui ne nourrissait pas son homme". L'un des présents, un poète habitué à ce genre de rencontres, "un poète officiel, lui lança, en ouvrant ses bras dans un mouvement théâtral : - Mais si ! La preuve ' Nous sommes là, pris totalement en charge durant une semaine".
Le roman est aussi entrecoupé de longs monologues, laissant le soin au lecteur de reprendre son souffle et surtout de méditer les discours écrits sous forme de synthèse des réflexions, des discours que Lho Sine a engagés, seul ou en interaction avec les autres personnages, tout aussi intéressant, que le singulier fonctionnaire, mis au placard. "La nuit du Rocher Noir grondait et Lho Sine s'empêtrait dans les méandres de son presque demi-siècle d'errance administrative et poétique.
Les deux ne vont pas dans le même train, plutôt dans deux trains, qui se suivent. Dès qu'elles se rencontraient dans une gare, la collision était assurée. L'enjeu était à qui survivra à l'atroce confrontation de la nécessité sociale et de l'insurrection morale." Telle est la question.
Bien que le Festival national de poésie ? les fameuses Poésiades de Béjaïa ? ait été un espace où le poète, qu'il est, a pu s'exprimer librement au contact des défunts Tahar Djaout, Youcef Sebti, Djamel Amrani et Ahmed Azegagh, l'auteur n'y a fait malheureusement qu'allusion à ce lieu de rencontres, devenu incontournable aux grands noms de la poésie et de la littérature algériennes, mais aussi des artistes peintres, des cinéastes, etc.

M. OUYOUGOUTE
Performance à Rocher Noir de M'hamed Hassani,
éditions Boussekine 2020, 253 pages.


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