Algérie

Parution, Si le Souf m’était conté, de Marc Cote, Le paysage change, l’homme aussi



La ville aux mille coupoles d’Isabelle Eberhardt est devenue aujourd’hui la ville aux mille garages où s’estampe le paysage saharien sous l’effet d’une architecture « moderne » et ostentatoire faite en béton.
En l’espace de cinq décades, le légendaire oued Souf a subi des transformations accélérées qui ont brutalisé un équilibre fragile, maintenu des siècles durant, grâce au génie de l’homme soufi. Néanmoins, ces faits nouveaux ne sont pas plus que la conséquence des menaces surgies à chaque fois et qui n’ont d’égales que les formes d’adaptation inventées par les soufis au prix d’une remise en cause du paysage. C’est cette transformation qui fait l’objet d’une étude du géographe Marc Cote, plus que jamais prolifique, qui nous revient avec un ouvrage intitulé Si le Souf m’était conté, paru récemment aux éditions Media-Plus. « Tel paysage, telle société », postule l’auteur, qui déduit que les populations établies dans cet angle mort de l’erg oriental, éloigné des itinéraires caravaniers, ont dû chercher les meilleures solutions aux problèmes de survie qui leur étaient posés, et réussi à façonner un système sociétal et spatial inédit et surtout pratique. Le paysage raconte la société. Quand elle change, il change aussi et prend les formes que lui dictent les choix économiques, sociaux et urbains, eux-mêmes imposés par des contraintes qui ne constituent pas pour autant des déterminismes. Le virage, pris durant les années 1950, a pour cause l’eau. La particularité naturelle du Souf est indiscutablement son abondance en eau. Un don et une malédiction en même temps. Ce matelas providentiel que sont les nappes souterraines a permis l’invention d’un agro-système inédit représenté par le ghout qui est l’unité de base de l’aménagement dans le Souf d’un paysage original. La remontée des eaux fera basculer ce système, créant une véritable crise à laquelle les Soufis vont faire face avec une ingéniosité impressionnante. Marc Cote passe au crible les détails de ce système et défriche les secrets d’une société pionnière en interaction permanente avec son environnement. Le regard qu’il pose sur le nouveau paysage trahit une déception, quoique retenue par l’objectivité scientifique, envers la disparition de la beauté du paysage unique du Souf au profit d’une recomposition motivée par les ambitions grandissantes d’une communauté désormais ouverte sur l’extérieur et plutôt conquérante. Le modèle du paysan soufi aura vécu. Aujourd’hui, ce sont des agriculteurs exportateurs, des industriels et des émigrés réussissant ailleurs qui composent une population multipliée par dix en quelques décennies. Un livre donc réussi, ne serait-ce que par le fait de livrer des réponses aux interrogations sur le phénomène des investisseurs soufis qui peuplent les autres villes algériennes et d’aider à percer le secret de leur monde plutôt fermé.

Si le Souf m’était conté de Marc Cote Editions Saïd Hannachi/ Media plus, 2006.


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