Algérie - Revue de Presse

Ô Pharaon ! Kamel Daoud, journaliste et chroniqueur, vient de publier aux éditions Dar El Gharb Ô Pharaon, un récit, le moins que l?on puisse dire, époustouflant à plus d?un titre. Comme à son habitude, après La Fable du nain, publié chez le même éditeur, Kamel Daoud récidive et transgresse, une seconde fois, l?ordre établi et bouscule l?imaginaire collectif. Ô Pharaon, c?est l?histoire « réelle inspirée de faits imaginaires », que le génie populaire, bien de chez nous, qualifierait tout simplement, par dépit mais souvent par désinvolture, de l?histoire d?un Feraoun, qui sévissait dans El M?dina, là aussi le parallèle peut être fait, à la lecture de l?ouvrage de Kamel Daoud, avec la ville de Relizane mais aussi avec tant d?autres villes du pays. El M?dina où Feraoun, non seulement, régnait en maître incontesté et incontestable, mais à l?instar de tous les Feraoun, s?adonnait, dans une impunité totale, du moins durant de longues années, à des plaisirs libidineux malsains et bestiaux. El M?dina, est aussi un lieu où « l?histoire du Pharaon fut d?abord celle d?une sorte de fantôme » qui suggérait à chaque Médinois « que sa nationalité la plus profonde était d?abord celle du passant qui venait de bien se laver les mains de ce qui ne le concernait pas ». Tout au long de son récit, l?auteur expose sous les feux de la rampe les clivages et les luttes tribales entre Ouled Cherr et Ouled Kheir, la mainmise de Feraoun du pouvoir local par le recours aux descentes punitives et aux liquidations physiques. En fait Kamel Daoud caricature, et ce n?est pas péjoratif, avec beaucoup d?agilité les dérapages survenus suite à la défaillance de l?Etat et des institutions de la République durant les années 1990. Il opère une sorte d?introspection dans l?imaginaire collectif pour s?attaquer, avec un style parfois acerbe mais souvent réaliste, à la question « des disparus, des exécutions sommaires, des charniers collectifs, du racket et des Pharaons autoproclamés qui ont semé la terreur à travers le pays » durant ce qui est communément appelé « la décennie noire ou rouge », c?est selon. Cela étant dit, l?auteur prend le soin d?avertir ses lecteurs dès l?avant-propos par : « Ce récit n?est pas un récit politique. » Pourtant, à la lecture de Ô Pharaon, tel un exorciste, il extirpe de l?oubli, du refoulement volontaire des hommes, tout un pan de l?histoire des charniers, des escadrons de la mort, mais aussi celle de l?éclipse de la raison durant la tragédie des années 1990. Il s?agit certainement aussi pour Kamel Daoud d?aider à comprendre un mode de fonctionnement qui tolère encore la coexistence de ces antinomies que sont l?homéostasie et le changement, l?individuation et l?appartenance tribale, la vie et la mort... et ce dans la mesure où il met en évidence l?articulation que le cadre des systèmes humains est nécessairement paradoxal.
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