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Parole de femme unique!


Parole de femme unique!
Maïssa Bey aux côtés des auteurs du filmUn film de qualité assez médiocre dans la forme, si ce n'est le sujet qui sauve de loin la mise et lui donne toute son épaisseur...L'Institut français d'Alger a projeté mercredi dernier un documentaire signé par Philip et Nancy Barwell. Un film de qualité assez médiocre dans la forme, si ce n'est le sujet qui sauve de loin la mise et lui donne toute son épaisseur. Animé par la passion de la transmission et la mémoire mais aussi du désir de rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée, soit entre la France et l'Algérie, nos deux auteurs faisant partie de l'association Barakat, ont décidé de brosser le portait d'une écrivaine algérienne bien singulière dont la plupart des membres masculins de sa famille ont été tôt décimés par l'armée coloniale.Maïssa Bey que l'on connaît aujourd'hui grâce à ses moult romans, textes, dont beaucoup ont été adaptés sur planches, est née dans les Hauts-Plateaux au sud d'Alger, dans le petit village de Ksar El Boukhari marqué par le souvenir d'André Gide. Son père, instituteur, militant du FLN, meurt sous la torture lorsqu'elle a 6 ans. Il lui a néanmoins transmis l'amour de la langue française.Passionnée de lecture, elle fait de brillantes études à Alger, d'abord au Lycée Fromentin puis à la faculté des lettres. Elle s'installe ensuite à Sidi Bel Abbès où elle enseigne le français. Sa venue à l'écriture est assez tardive suscitée dit-elle par le désir de ne plus être «le témoin passif d'une histoire dont le déroulement violent interpelle toutes les consciences».Romans, pièces de théâtre, recueil de nouvelles constituent son oeuvre; traduite en plusieurs langues et couronnée de nombreux prix aussi bien en France qu'en Algérie. Parmi les ouvrages les plus récents: Bleu blanc vert, Pierre sang papier ou cendres, Puisque mon coeur est mort.Dans ce film, Maïssa Bey est désarmante de simplicité. Son témoignage personnel croise celui de l'histoire de son pays. En effet, elle a 12 ans au moment de l'Indépendance. Dans son discours, elle est loin d'être manichéenne ou brute mais dit les choses avec subtilité et honnêteté. Aussi, se rappelle t-elle de l'humanisme des Français et de ses voisins juifs qui, un jour, lui sauveront la vie en la cachant chez eux par peur de représailles de l'armée française. Mais soulignera aussi le racisme dont elle a fait l'objet à l'école.Puis c'est le départ à Alger pour faire des études dans le grand enthousiasme de cette époque. C'est durant la décennie noire où le peuple se mit à se recroqueviller sur lui -même qu'elle se mettra à écrire d'abord et surtout pour elle-même et à se confier à ses personnages. Puis vint le jour où une amie française universitaire lui propose de publier son manuscrit en France.Hasard du destin, c'est grâce aux femmes que son premier roman Entendez-vous dans les montagnes est édité en France. Suivront d'autres dans la même veine ou ligne introspectice où l'auteur se plaît à raconter l'Algérie entre force, tabou et frugalité, notamment Pierre sang, papier ou cendre qui a trait à l'ambiguïté de la Réconciliation nationale.Abordant la montée de l'islamisme lors du débat qui a suivi la projection, Maïssa Bey souligne avec un regard franc «ce n'est pas qu'on n'a rien vu mais on a refusé de voir». Aujourd'hui encore elle dénonce ce silence fait autour de cette violence du passé que l'on ne veut pas aborder même dans les colloques et autres tables rondes. Pour ce faire, à Sidi Bel Abbès, Maïssa a fondé aujourd'hui une bibliothèque et a animé pendant plus de dix ans une association culturelle de femmes: «Paroles et écritures.»Le film documentaire Rencontre avec Maïssa Bey a été réalisé chez elle à Sidi Bel Abbès, dans sa maison en 2012. Une heure et demie de rush pour «fabriquer ce film qui ne brille cependant pas trop par ses qualités techniques, loin de là, fort heureusement la parole sensible et pleine de sens de Maïssa Bey vient atténuer quelque peu ce vide et combler la défaillance du débutant. Il s'agit en fait du premier film du duo Barwell.D'autres documentaires suivront, nous a-t-on assuré, tous consacrés à des voix d'écrivains célèbres dont le prochain portera sur le controversé Boualem Sansal. Ça va barder dans les chaumières quand le film sera diffusé, sommes-nous presque tentés de dire....En attendant, la parole de Maïssa Bey n'a pu laisser le public de l'IFA insensible. Ce dernier lui posera un tas de questions, y compris quelle vision a-t-elle quant à l'avenir de l'Algérie. Celle-ci rétorquera aux propos assez pessimistes d'un monsieur: «J' ai de l'espoir pour ce pays et en sa jeunesse surtout dans le domaine culturel...»Notons que le film documentaire Rencontre avec Maïssa Bey sera sous-titré en arabe algérien. «J'aime mon métier d'enseignante et j'essaye de transmettre cet amour à mes élèves» dit-elle. Des élèves qui ont grandement de la chance...




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