Parasol, serviette et sourire des plagistes

« A Alger où Tipasa, on est systématiquement harcelés par les pseudo-plagistes qui se sont arrogé le droit de faire la loi. Si vous ne vous soumettez pas à leur diktat en payant le prix fort, vous serez obligés de quitter les lieux ou de vous installer loin des vagues » informe une dame d'Alger. Et d'ajouter : « à Tichy, aucune personne ne vient vous imposer où placer votre transat. Je me repose sans crainte d'être tarabustée ou extorquée ». Et pourtant, sur la plage où on a rencontré, l'Etoile pour être précis, des concessions où sont plantés des parasols parsèment le long rivage au sable fin. « C'est contre-productif et malhonnête de harceler les familles en leur imposant un service de force. Ces réflexes de voyou ne font au final que faire fuir la clientèle et ternir la réputation de la plage » confie Karim, un des plagistes des lieux. Ce dernier, qui a été employé plus de 15 ans comme maître-nageur, ne veut absolument pas voir sa plage se transformer en un lieu inhospitalier. D'ailleurs, il fait tout pour gagner la sympathie des hôtes de ce beau site. En effet, alors qu'il partageait une discussion avec un client, il a subitement sursauté de sa chaise pour porter secours à une baigneuse qui, apparemment, souffrait d'une insolation. Ayant déjà suivi des cours de secourisme et de sauvetage, il l'a prise en charge avant qu'elle ne soit remise entre les bonnes mains des surveillants de plage. « C'est un reflexe inné chez moi. Je ne peux pas voir quelqu'un souffrir sans que j'intervienne. Même un autre plagiste en ferait de même ». Selon son ami, un étudiant et un athlète de haut niveau, les plages de Tichy sont parmi les meilleures au monde. « Lors d'un concours mondial de photos organisé il y a de cela 3 ou 4 ans, un cliché pris ici a été classé deuxième, juste derrière un autre immortalisant une séquence de plage au Brésil.C'est vous dire la valeur de la nôtre » argumente-t-il. Vraie information ou juste une rumeur de bonne foi, la réalité ne semble pas contredire l'amour que voue ce jeune étudiant à sa plage. Au large de la plage l'Etoile, un spectacle attire invariablement les estivants de jour comme de nuit. Une dizaine de bateaux commerciaux en rade attendent leur tour pour jeter l'ancre au port de Bejaïa. Durant la nuit, ces navires se transforment en une nuée de lumières scintillantes, donnant ainsi la réplique aux constellations du ciel d'été. A une centaine de mètres de la plage, deux rochers font le bonheur des amateur de plongeons. A tour de rôle, de jeunes garçons et même de jeunes filles se surpassent en exécutant le plus beau saut. « De loin, le rocher paraît petit. Mais une fois sur place, on se rend compte qu'il émerge d'au moins de trois mètres du niveau de l'eau. Pour moi, c'est l'endroit idéal » confie Abderrahmane, un vacancier d'Alger. Ce dernier, bien que souffrant d'une légère blessure au genou, contractée en glissant sur la paroi lisse d'un des rochers, ne veut pas lâcher prise. « Ce n'est pas méchant comme blessure. En rentrant le soir à l'hôtel, je vais la soigner. Il n'est pas question que je quitte mon rocher » s'entête-t-il. Sur le sable, l'ambiance est à la détente.Si certaines familles préfèrent déjeuner face à la mer, d'autres passent des heures entières à jouer aux différents jeux de société. « À la maison, je ne joue jamais au scrabble. En revanche, ici, je ne peux pas m'en passer. On fait des parties en famille, et c'est l'occasion idéale pour apprendre aux enfants comment écrire des mots. C'est à la fois distrayant et instructif » fait savoir un père de famille. Le soir venu, lorsque les baigneurs commencent à déserter la plage, des jeunes, notamment ceux qui travaillent dans les concessions, collectent les ordures laissées sur place par des familles indélicates. C'est un rituel qui ne laisse pas certains vacanciers indifférents, puisque bon nombre d'entre eux se joignent à cette opération de préservation de l'environnement. Avec ses atouts charmeurs et ses insuffisances, Tichy tente tant bien que mal d'être le havre de paix tant recherché par les estivants.