Algérie

Ouyahia de retour au gouvernement




L’heure des grandes décisions Le changement à la tête du gouvernement intervient à moins d’un an de la présidentielle de 2009. Difficile de soutenir qu’il n’y a aucun rapport entre les deux événements, bien que cela n’explique pas tout sur les raisons qui sont derrière le retour d’Ahmed Ouyahia... Belkhadem, «simple coordinateur», remplacé par Ahmed Ouyahia, le commis de l’Etat à la poigne de fer, pour beaucoup d’observateurs, n’est en rien un événement, tant il reste question de toute manière de la mise en œuvre du programme du président de la République, avec les mêmes objectifs, les mêmes orientations et les mêmes ministres ou presque. Ouyahia, puis Belkhadem, puis Ouyahia avec le maintien de Belkhadem dans le gouvernement, tout cela ressemble bien à un jeu de chaises musicales. Mais les choses pourraient ne pas être aussi simples que cela. D’abord, parce qu’on ne change pas de chef de gouvernement pour le plaisir de le faire. Ensuite, parce qu’entre Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia, ce sont deux styles qui se font face, tout à fait différents. Enfin, parce qu’entre le SG du FLN et celui du RND, il y a deux tendances différentes, même si c’est au sein de la même famille dite nationaliste. Il est vrai, toutefois, que le changement intervenu, accompagné au passage par le départ de certains ministres dans des secteurs qui ne sont, à proprement parler, que purement techniques, n’a pas été un changement de gouvernement. Les postes clés et de souveraineté (Affaires étrangères, Finances, Intérieur, ministère délégué à la Défense, Energie et Investissements) demeurent occupés par les mêmes titulaires. Mais la chefferie du gouvernement demeure un poste politique, bien différent du restant des ministères, au regard de la Constitution en vigueur. Aujourd’hui, l’opinion la plus répandue autour de la venue de Ouyahia serait donc la recherche d’un souffle nouveau pour le gouvernement, après que son prédécesseur a échoué dans l’accélération des réformes libérales et dans l’instauration de la paix sociale. Cette opinion peut être vraie avec le constat du rythme des émeutes localisées, la multiplication des conflits sociaux et le report de plusieurs grands projets liés à la libéralisation, dans le secteur financier notamment, qui ont marqué le mandat de Belkhadem. Mais ce point de vue est aussi contredit par le cheminement qu’a connu le très significatif dossier des salaires. On ne peut pas dire, en effet, que sur cette question Abdelaziz Belkhadem aura été impopulaire, puisqu’il était pour la hausse des revenus et qu’il a concrétisé celle-ci, malgré ses insuffisances. Ouyahia, lui, a toujours été farouchement contre, tant que la croissance n’était pas au rendez-vous. Cela, d’autant plus que le gouvernement Belkhadem, en renvoyant son plan contre le chômage, a lancé deux dispositifs qui ne sont rien d’autre que de l’argent donné gracieusement aux chômeurs afin de les faire patienter. Des mesures populaires qui n’ont pas sauvé leur initiateur. Des mesures qualifiées d’ailleurs de populistes par le SG du RND qui partage plus qu’il ne diverge en positions avec son homologue du FLN. S’agissant des émeutiers comme des grévistes, à aucun moment l’on a vu Ouyahia se désolidariser du gouvernement, surtout pas avec ses attaques verbales contre les uns et les autres, qu’il a accusés de jouer aux pyromanes et de verser dans la totale illégalité. Quant au peu de fructification des avoirs financiers issus du boom pétrolier, on ne peut dire qu’il explique à lui seul le départ de Belkhadem. Le premier plan de relance (2001-2004) doté de 7 milliards de dollars n’a jamais été consommé totalement. Le second, avec ses 150 milliards de dollars, ne saurait aller plus vite. Et, en tout état de cause, on relèvera qu’en 2006, Ouyahia était parti sans présenter son bilan à l’APN. Belkhadem aussi pour cette fois. Ces éléments laissent donc déduire que les «dossiers» économiques et sociaux ne sont pas ceux qui ont présidé au retour de Ouyahia (comment pourra-t-il révolutionner l’Algérie en moins d’un an?), mais bel et bien les considérations purement politiques. C’est ce qui s’est passé, n’est-ce pas, en 2003, quand il était question de préparer l’élection présidentielle de 2004, et en 2005, quand il fallait organiser le référendum sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. A moins d’un an de la présidentielle de 2009, la nomination de Ouyahia ressemble plutôt à un moment de grandes décisions. Des décisions déjà prises et à la mise en œuvre desquelles nous sommes déjà en train d’assister. Lesquelles? Difficile à dire, mais pas impossible de savoir avec quoi elles ont un lien. Pour ainsi dire, tout est dans la mission dévolue à Ahmed Ouyahia dans le cadre de la fameuse révision constitutionnelle. Ce fameux projet qui, une fois exécuté, une fois l’article 74 et son aliéna 2 sur la limitation des mandats amendés, permettra à Abdelaziz Bouteflika de se présenter pour un troisième mandat. Or, le chef de l’Etat ne s’est pas encore prononcé. Il n’a ni promis, ni démenti, ni ne s’est permis de tomber dans le piège des interviews quand il se contentait de se concentrer sur son second mandat. Pourtant, on ne peut s’empêcher, si tout le monde s’accorde à dire que la révision de la Constitution est un fait acquis qui n’attend que sa formalisation, de penser que l’homme le mieux indiqué pour défendre ce projet aurait été Abdelaziz Belkhadem. Et non pas Ahmed Ouyahia qui a pris tout son temps et ses demi-mots pour finir par soutenir la révision constitutionnelle. Quant au fait que M. Belkhadem soit toujours dans le gouvernement et représentant personnel du président, il faut attendre pour savoir si cela l’amènera à s’occuper de la campagne pour la révision constitutionnelle ou qu’il est surtout question d’éviter de relancer les divisions dans la maison FLN. Ce qui est certain, c’est qu’en rappelant Ouyahia aux affaires, Abdelaziz Bouteflika doit être le seul à savoir son rôle exact par rapport aux ultimes étapes qui nous séparent de la présidentielle de 2009. Mais, comme tout cela ressemble à un ensemble bien ordonné, il n’y aura rien d’autre que le discours du Président, ce 5 juillet, pour nous offrir toute sa puissance d’éclairage. Amine B.
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