Algérie - Revue de Presse


Oublier Octobre 1988 est peut-être l'un des plus grands vÅ“uxdes tenants d'un système qui croient encore possible sa pleine restauration.Certains d'entre eux persistent à dire que les émeutes d'Octobre n'avaient paspour but d'exiger la démocratie mais le bien-être, la justice sociale.Une assertion aussi contestable que celle qui prétend queles Algériens ne sont pas « prêts » et n'ont pas la « culture démocratique » nécessaire.C'est pourtant bien un ordre établi qui a été contesté pour son autoritarisme,son rejet du pluralisme et des libertés et son inefficacité économique. Lajustice sociale et le bien-être, qui n'ont pu être réalisés sousl'autoritarisme, ne peuvent être opposables à la démocratie.Deux décennies plus tard, il est difficile de faireaccroire que la justice sociale n'a pas besoin de démocratie. Les syndicatsautonomes qui se battent, dans l'adversité, pour défendre les intérêts de leursadhérents en savent quelque chose. Ils subissent l'autoritarisme d'un systèmequi cherche à se restaurer en effaçant une à une les concessions faites à lasociété après Octobre 1988. Le syndicalisme autonome fait de la résistance, ilest une des dernières survivances de la parenthèse démocratique née d'Octobre1988. Ailleurs, le rouleau compresseur de la « restauration » n'a pratiquementrien laissé. C'est un désert. Les partis politiques sont des réalitésvirtuelles en charge de faire les louanges de l'ordre établi, ils n'ont plusaucune signification sociale. Les contre-pouvoirs sont inexistants et,conséquemment, les citoyens tournent le dos à une offre politique vide de sens.On avait accusé l'affairisme d'avoir fait le lit desévènements d'Octobre 1988; que dire aujourd'hui d'un système où les « affaires» se déclament avec des chiffres astronomiques ? Les Algériens oublieraientallègrement Octobre 1988 et d'autres dates symboles si le système « restauré »montrait des signes d'efficacité. Ce n'est pas le cas. Sa force relative - quiest sa faiblesse fondamentale dans le rapport à l'extérieur - ne tient qu'àl'affaiblissement de la capacité d'influence de la société à travers desstructures autonomes significatives.Le fossé entre l'Algérie officielle et l'Algérie réellecontinue de s'élargir. La restauration du système fonctionne sur lebannissement de la politique, sa négation même. Résultat: les citoyens, endépit de leur manque supposé de « culture politique », en ont suffisamment pourne pas accepter des simulacres. Avant Octobre 1988, ils avaient cessé de prêterattention au simulacre du parti et des organisations de masse; aujourd'hui, ilsn'accordent plus d'attention au simulacre de pluralisme.Et pourtant, le pays fait face à de graves problèmes quel'aisance financière ne masque pas mais révèle. Il a besoin de politique, decontre-pouvoirs, de libertés, de débat, de confrontations libres d'idées.C'était cela l'exigence d'Octobre 1988; elle est toujours d'une actualitépressante.


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