où est la vérité'

«Il y a loin de la vérité apprise à la vérité vécue.» Yûssof MurâdUn évènement surmédiatisé est toujours sujet à suspicion pour un public qui a dans le passé avalé tant de couleuvres. L'excès d'information tue l'information et provoque chez le lecteur ou le téléspectateur maintes questions sur les tenants et les aboutissants de l'événement lui-même et sur les buts recherchés quant à sa surmédiatisation. Les partisans du complot s'empressent de rechercher anguille sous roche et clament à leur tour leurs quatre vérités en présentant comme arguments les mensonges éprouvés dans le passé.La vérité est dure à cerner dans un monde où chacun détient une part de vérité qu'il présente comme la sienne. La vérité est toujours représentée dans l'imaginaire occidental comme une très belle femme nue sortant d'un puits. C'est surtout pour illustrer la pureté de la notion, la profondeur de ses origines et surtout sa rareté. L'absence de vêtements est là surtout pour montrer que la vérité ne doit pas être travestie, déguisée pour qu'elle éclaire de toute sa lumière les ténèbres dans lesquelles le chercheur de vérité s'est aventuré.Et depuis, des hommes n'ont pas cessé de chercher cette vérité que d'autres hommes ne cessent de travestir.Que la quête ait un but scientifique ou qu'elle soit d'origine philosophique ou religieuse, certains s'en sont fait une idée fixe, un Graal à atteindre à tout prix. Pourtant, de nombreux obstacles sont sur le chemin de cette quête. Soit le but à atteindre est trop loin, alors des hommes se passent le relais à travers le temps et l'espace, les derniers bénéficiant des expériences des premiers, soit les instruments de la quête sont trop rudimentaires pour parvenir à un résultat probant. Mais le plus grand obstacle qui se pose à l'homme est posé par l'homme.Celui qui détient le pouvoir tient à tout prix à le conserver par la force, la tromperie ou par d'autres subterfuges. Pour que son règne dure, à quelque niveau que ce soit, il exerce une censure impitoyable afin que sa seule voix, son seul point de vue passe.C'est pour cette raison que depuis que le monde est monde, «le premier qui dit la vérité» est persécuté ou exécuté. Dans les sociétés les plus conservatrices, le chercheur de vérité est obligé d'emprunter le comportement d'un fou afin qu'il puisse crier au grand jour, à la face du ciel sa manière de voir ou d'expliquer les choses.D'autres préfèrent s'exiler afin de crier de loin ce que leurs concitoyens ne peuvent entendre. Mais l'Histoire leur donne raison, un jour ou l'autre...C'est pour cette raison que de temps à autre, l'actualité remet sur le tapis des mystères qu'on croyait enterrés depuis longtemps. La presse regorge de sombres affaires non élucidées et se plaît, à un moment donné, à les remettre au goût du jour. Ce n'est pas toujours désintéressé.A la veille de la célébration d'un centenaire de la naissance ou de la mort d'un auteur célèbre, la maison d'édition concernée exhume sa biographie et y sème des interrogations qui jusque-là n'ont pas trouvé attache. A-t-il vraiment existé' N'est-ce pas un pseudonyme commun à plusieurs auteurs qui ne voulaient pas «se mouiller»' A-t-il utilisé des nègres pour accomplir une oeuvre aussi prolifique' N'a-t-il pas volé à un autre son premier manuscrit qui a connu un grand succès' Aurait-il commis un meurtre pour arriver à ses fins' Evidemment, le lecteur alléché s'empressera de fouiller l'oeuvre du défunt jusqu'à l'indigestion, espérant trouver quelques indices nouveaux.Pour les hommes politiques, c'est différent. Quand ils ont une vie privée opaque sans relents de scandale et qu'ils succombent à une maladie mystérieuse, on s'empresse toujours de chercher quelque part un complot «ourdi par l'imperialisme» avec le concours de ceux qui sont pressés de prendre sa succession...