Algérie

Oran, Le réalisateur Yazid Khodja présente son produit


Personne n’a un sujet arrêté dès le départ et une série de hasards est souvent un fil conducteur, et pour mon cas, c’est d’abord le fait que, quand j’étais au lycée El Mokrani, j’avais comme professeur Mouloud Mammeri qui m’a fait découvrir et intéresser au personnage de si Mohand U Mhand. »

Ces propos sont de Yazid Khodja venu jeudi à la cinémathèque d’Oran, en compagnie de l’interprète principal Dahmane Aidrous et Hadjira Oulbachir (rôle de la mère) pour présenter le film Si Mohand U Mhand, l’insoumis qu’il a coréalisé avec Rachid Ben Allal, retraçant la vie du poète d’expression amazighe. Ce troubadour qui a vécu durant la moitié du 19e siècle (il est mort en 1906) a eu droit à un film que ces auteurs ont voulu modeste mais important, une reconnaissance pour sa contribution à l’enrichissement de la culture nationale mais aussi pour avoir témoigné du vécu d’Algériens de son époque, particulièrement tumultueuse. Le projet de Yazid Khodja remonte à l’année 1994 lorsque, dit-il, il a acquis les droits du texte, un scénario, de Rachid Soufi. Si le film a mis 10 ans pour voir le jour, c’est parce que le milieu des années 90 correspond, hormis la situation sécuritaire, à la dissolution (en 1996 et 1997) du CAIC (le Centre algérien de cinématographie), de l’UNPA (production audiovisuelle) mais aussi de l’ANAF (actualités filmées) et la fermeture de ce laboratoire a été suivie immédiatement par la mise sous scellés d’un matériel d’une valeur inestimable. Pour le réalisateur qui a fait appel à la grande comédienne de théâtre Sonia pour la direction artistique, entre autres celle de l’interprète principal, « en 2000, à l’époque de Chérif Rahmani, on a décidé de subventionner 7 longs métrages pour redynamiser le secteur du cinéma qui, juste auparavant, du jour au lendemain, a vu 5000 employés jetés au chômage ». Un devis moyen par film a été arrêté à 50 millions de dinars sous forme d’achat de 20 000 m de pellicule et d’une enveloppe de 1 million de dinars pour couvrir les frais de tournage. Entre-temps, un accord avec le centre cinématographique marocain a permis de prendre en charge la partie post-production (laboratoire). « En contrepartie, on a dû céder les droits d’exploitation pour le Maroc mais aussi pour six autres pays africains, et c’est ainsi que dès le mois de mai, le film est sorti dans les salles marocaines, dans un pays qui tente aussi un effort de réhabilitation du substrat amazigh », commente Yazid Khodja. Il a ensuite déploré l’attitude de Raouraoua à la tête de la commission chargée de préparer l’Année de l’Algérie en France d’avoir remis en cause et refusé l’exécution d’un accord d’aide à ce film au même titre qu’un autre de Sid Ali Mazif. « Nous comptions sur cette enveloppe de 7 millions de dinars qui finalement ne nous a pas été accordée et cela s’est ressenti sur la scène de bataille (l’insurrection de 1871 avec El Mokrani mais surtout Cheikh Ahaddad qui a réuni des tribus à Sadok) qui n’a pas pu être filmée, sur la rémunération des interprètes, etc. » Le réalisateur avoue lui-même certaines difficultés rencontrées, comme par exemple l’impossibilité de tourner dans la région natale du poète (Larbaâ Nath Irathen, ex-Fort National), le manque de décors, la difficulté de reconstituer les caractéristiques architecturales de l’époque, les décors, les costumes, les scènes de vies authentiques. Il y a aussi le souci de tourner dans un parler de Kabylie dénudé des emprunts du 20e siècle. « Fixer un minimum de choses pour l’histoire », suggère-t-il. « On sait également que le vécu d’un poète et son œuvre ne sont pas toujours en adéquation, ce qui ne facilite pas la tâche et c’est ainsi que certains poèmes sont filmés et d’autres juste déclamés », explique-t-il, avant de revenir sur ses sources, dont Boulifa, à qui on doit la publication du premier recueil en 1904 et qui a connu personnellement le poète deux ans avant sa mort. Une mort survenue après une errance et vie tumultueuse. Ses poèmes sont osés et il ne s’encombre pas de préjugés pour parler de ses relations amoureuses, son rapport à la drogue (le kif) à l’absinthe, etc. « Il a mené la vie par tous les bouts possibles », dit de lui le réalisateur, qui a découvert « un personnage attachant aussi par son insoumission à l’injustice, à la colonisation et sa crédibilité a été d’autant plus renforcée car il était aussi dur avec les siens ». Si Mohand U Mhand, qui était aussi un lettré (école coranique tenue par son oncle), a été formé dans la voie philosophique car il a vécu des tragédies. D’abord, sa famille s’est réfugiée à Larbâa Nath Irathen pour fuir une vendetta. A l’âge de 10 ans, il assiste à la destruction du village devenu Fort l’empereur puis Fort national. Les représailles contre les insurgés de 1871 vont lui être fatales car il voit son père fusillé, son oncle déporté en Nouvelle-Calédonie, son oncle maternel exilé à Annaba, un autre à Tunis, destination que va prendre un peu plus tard sa mère. « Il ne lui reste plus rien et c’est là que commence l’errance », commente le réalisateur qui parle d’exil intérieur qui rappelle les hordes d’Algériens rencontrés sur la route à la recherche du travail et soumis à l’injustice et à l’exploitation des colons. Une histoire qui aurait pu donner naissance à une épopée, mais l’auteur a préféré être didactique, il le dit lui-même, notamment au début du film pour mieux situer son personnage dans l’Histoire du pays. Yazid Khodja espère que le film soit diffusé à la télévision algérienne (qui a participé à la production) avec une version sous-titrée en arabe, ce qui exigera une traduction des poèmes. Entre-temps, il envisage de lancer l’idée d’une commercialisation du DVD (50 DA) en collaboration avec un ou deux quotidiens nationaux, une idée inspirée d’une action menée par le quotidien français Le Monde, mais concernant les classiques du cinéma. Le centenaire de la mort de Si Mohand a déjà fait l’objet d’une commémoration à la Sorbonne les 4 et 5 janvier dernier.




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