Algérie

Oran et l’OAS : devoir de mémoire et décrispation...



Je ne puis que me réjouir en tant que lecteur du Quotidien d’Oran que notre journal participe au débat mémoriel qui n’en finit pas sur les séquelles de la guerre d’Algérie des deux côtés de la Méditerranée. L’opinion publique reste un paramètre incontournable et il y a lieu de lui donner des tribunes et forums dans tous les pays démocratiques qui se respectent. Elle en est arrivée à faire et défaire des systèmes politiques et gouvernements qui se prenaient pour invulnérables.

Il serait de bonne guerre - le terme est-il adapté ? - que les révélations, témoignages, regrets et confessions d’acteurs vieillissants ayant participé à cette guerre impitoyable et ses exactions/dérapages ne soient pas l’apanage des éléments d’un seul belligérant, l’armée française...

Le cas des événements d’Oran en juillet 1962 reste l’exemple même d’une Histoire à plusieurs lectures où les historiens furent marginalisés par les officiels en quête de légitimité et qui furent pour beaucoup dans le retard du processus démocratique en Algérie, de par leur excès de zèle à être plus patriotes que les véritables libérateurs de l’ALN; ce n’est pas pour rien qu’ils furent affublés par ces derniers de... «marsiens» ou combattants de la dernière heure... à l’origine de dérapages et exactions contre des Européens qui payèrent de leur vie les crimes de l’OAS dont les éléments réussirent à prendre avion ou bateau bien avant eux avec armes, bagages et argent...

Le massacre d’Oran, plus précisément la boucherie de la Sebkha du côté de Petit Lac reste une page noire de l’histoire de cette ville qui en a connu d’autres sous le règne des Espagnols où des milliers de juifs furent exterminés en une seule journée du côté du quartier de Sid El Houari (Place des Quinconces, grand bassin, place près de l’ancienne sous-préfecture/tribunal actuellement). En 1940, plus d’un millier de marins français furent surpris par la Navy britannique dans la rade de Mers El Kébir. Quant aux autochtones algériens, il n’est pas un jour où des travaux de construction ne révèlent restes et ossements dans cette terre nourricière qui est la leur... Loin de nous de faire une comptabilité morbide, de justifier un massacre par un autre massacre... post mortem. Laissons les martyrs dormir en paix de leur repos éternel et pensons ensemble aux jeunes générations qui ont déjà oublié -n’en déplaise à certains «commerçants et usurpateurs de mémoire».

Mon article interpelle les historiens algériens à participer par les médias à ce devoir de mémoire et débat avec les outils qu’ils ont acquis après une longue période de latence. Les historiens français ne peuvent monopoliser à eux seuls ce grand déballage; il y a risque de déviation de l’histoire factuelle puisqu’ils ne détiennent pas toutes les archives et témoignages locaux.

La mémoire orale a aussi ses «trous», ses affabulations, ses éléments de sublimation qui se subjectivisent avec les années pour devenir presque de la mythologie où il y a osmose entre rêve et une réalité qui s’estompe avec les décennies...

Comme rapporté par Le Quotidien d’Oran du 20 septembre 2006: «Selon le journal L’Express, un rapport commandé par le ministère français des Affaires étrangères et qui doit être remis au chef du gouvernement français, Dominique de Villepin, donne le chiffre de 365 victimes dans l’Oranais. L’étude, explique le journal, s’appuie sur les dossiers des pieds-noirs disparus et a été menée par deux historiens, Maurice Faivre et Jean Monneret... On est loin du génocide dénoncé par les associations jusqu’au-boutistes ! note le journal.»

Un exemple de cette participation à l’écriture de notre Histoire commune reste le livre «La guerre d’Algérie/la fin de l’amnésie/1954-2004» sous la direction de Mohammed Harbi et Benjamin Stora paru chez Robert Laffont.*1

Concernant ces même événements d’Oran, à la page 471 du livre sus-cité: «...A Oran où les quartiers israélites (Derb) sont constamment en butte à des attaques venues des quartiers musulmans, un des commandos de secteur dits «commandos collines», composé d’une majorité de jeunes juifs renforcés de quelques goys, outrepassera largement le cadre de l’autodéfense en portant la responsabilité de graves attentats: assassinats du lieutenant-colonel Rançon chef du deuxième bureau, puis de son successeur le commandant Maurin, du directeur des PTT, M. Demar, de plusieurs élus locaux; attaque de l’hôpital puis de la prison de la ville avec tentative d’incendie; participation au bombardement meurtrier du quartier des Planteurs.»

A la page 473, nous pouvons lire: «Susini, seul maître à bord du navire activiste (OAS) depuis le départ de Pérez, le 14 juin 1962, souffle le chaud et le froid. Il n’en continue pas moins les négociations avec un représentant du FLN, le docteur Mostefaï. Plus discrètement encore, le futur ministre des Affaires étrangères Mohamed Khemisti aurait joué un rôle capital dans ces tractations qui, le 17 juin, débouchent sur un accord immédiatement annoncé à la radio.»

«Algériens d’origine européenne, au nom de tous vos frères algériens, je vous dis que, si vous le voulez, les portes de l’avenir s’ouvrent à vous comme à nous», déclare le docteur Mostefaï sur les ondes officielles. « Annonce confirmée dans la soirée par le Comité supérieur de l’OAS au cours d’une émission pirate et le 19 juin par Susini en personne qui, évoquant explicitement l’accord que nous avons conclu avec le FLN, rend hommage à Mostefaï et à Farès pour leur ardent patriotisme algérien et leur sens politique tout en appelant les Européens à la vigilance et à la discipline pour que la paix l’emporte.» (1)

Cette lecture d’historiens nous amène à poser certaines questions sans chercher à nous substituer aux analystes, tout cela dans le seul intérêt des jeunes générations concernées par une réconciliation que se doivent de leur assurer les protagonistes de ce conflit de la décolonisation; réconciliation entre deux peuples qui ne se sont jamais haïs comme le jurait notre poète le regretté Bachir Hadj Ali. Le FLN historique et l’Etat français signèrent le 19 mars 1962 les accords d’Evian dont un article prévoit prendre en charge les séquelles de ce conflit meurtrier.

- Doit-on imputer le massacre d’Algériens dans les rues d’Oran à la veille de l’indépendance à l’Etat français et à son armée ?

- Doit-on responsabiliser la France d’aujourd’hui pour les milliers d’assassinats et meurtres au faciès commis par des sympathisants armés de la nébuleuse OAS, souvent d’origine juive, espagnole, maltaise, italienne et allemande... ?

- Doit-on accuser l’ALN, structurée et organisée comme elle l’était à cette époque, d’un génocide à Oran/Petit Lac alors qu’elle y était absente et bien plus loin que les unités françaises qui se trouvaient à seulement quelques centaines de mètres de la boucherie sous le commandement du général Katz... ?

- Peut-on identifier tous les civils, de part et d’autre, aveuglés par la haine et l’instinct de vendetta pour avoir vu tuer sous leurs yeux des membres de leur famille, assister au viol de leurs soeurs et la torture des leurs... ?

- Doit-on omettre de signaler que des centaines de Français - certains catalogués comme disparus - sont restés chez eux en Algérie sans jamais être inquiétés, la plupart en âge avancé, sous la protection de leurs voisins algériens qui les assistèrent jusqu’à leur mort, ayant rompu toute relation avec la France ou l’Espagne républicaine ? D’autres terminèrent leur aventure en asile psychiatrique... algérien.

La guerre reste une pathologie du genre humain même si Gandhi apôtre de la non-violence déclarait «avoir le courage de mourir tué que d’exercer une violence sur quiconque ! Mais qui n’a pas ce courage doit se défendre et mourir tué car la lâcheté est une violence morale ! »

En espérant que cette modeste contribution puisse décrisper l’atmosphère de ressentiment qui existe encore chez les acteurs de cette confrontation et renforcer le réseau associatif algéro-français «Nouvelles Générations» dans les échanges culturels (tourisme, jeunesse et sports, éducation, santé et solidarité). 

1 - Source : Troisième partie : Rémi Kauffer : «La guerre franco-française d’Algérie», page 451.


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