Algérie

Oran, Aïn El-Turck cherche la bonne recette




«Les clichés sont comme l’écorce des palmiers: ils ont la peau dure.» Non ! Aïn El-Turck n’est pas qu’un repaire de discothèques.

Certes, il y a du soleil et donc des vacanciers, mais, soyez-en sûr, il existe encore des endroits qui valent le détour.

Qu’Aïn El-Turck, la perle de la baie du Cap Falcon, brasse des affaires, à vrai dire, cela ne surprend personne à Oran: la proximité de Paradis Plage ou de Claire Fontaine, et les luxueuses villas de la côte rendent les choses si faciles...

Mais l’ampleur de l’offensive immobilière, conduite par un urbanisme d’une ampleur sans précédent, dépasse tout ce que l’on pouvait imaginer. A Aïn El-Turck comme ailleurs, le négoce immobilier fonctionne comme une grande lessiveuse. «115% de hausse sur la corniche oranaise, 145% pour Aïn El-Turck.

Depuis quarte ans, le prix du mètre carré a augmenté de façon spectaculaire tout au long de la baie du Cap Falcon. Cet été, le coup d’accélérateur n’épargne pas les locations de vacances, puisque les prix ont encore pulvérisé tous les records, avec une hausse de 15%», constate un agent immobilier exerçant à Trouville depuis dix ans. Pourtant, malgré ses petites maisons et son temps ensoleillé, l’endroit n’a rien d’un bourg tranquille et prospère. Peu dotée en entreprises, donc en taxe professionnelle, la ville aux 1000 pavillons est financièrement dans le rouge. Elle compte donc beaucoup sur la rente touristique, sur ses complexes existants ou ceux en construction, pour se refaire une santé budgétaire. La commune n’a que le tourisme pour vivre. Seulement voilà: la fréquentation estivale a sérieusement piqué du nez ces dernières années. «Avec un seul hôtel classé et 21 autres en voie de l’être, l’offre est encore en deçà des attentes», constate un patron d’un modeste hôtel. Résultat: cet été encore, en dépit d’une prestation souvent jugée «à la traîne», la location a encore flambé. A en juger par les prix: «3000 dinars la nuitée pour une chambre single», annonce d’un ton désintéressé un gérant d’un petit hôtel. Précision de taille: «Ici, il n’y a pas d’eau chaude.» «Pour le haut standing, enchaîne notre interlocuteur, les prix n’ont aucune limite mais il faut compter 20 millions de centimes, on va dire.» Autrefois sites de renom, Paradis Plage ou Claire Fontaine semblent, de nos jours, peiner à accueillir les flux d’estivants d’antan. Quelle en est donc la raison ? «La propreté des plages s’est nettement améliorée cette année mais ces dernières demeurent encore polluées», répond Nasro qui vient d’avoir en concession une parcelle sur la plage. Le bonhomme propose comme ses concurrents un parasol et quarte chaises à 400 dinars.

Ces plages magnifiques font, en effet, face au problème du rejet des eaux usées dans la mer. Ici, 15% des maisons ne sont pas encore raccordées au réseau d’assainissement. «La ville attend depuis au moins une dizaine d’années la mise en service de sa station de traitement et d’épuration qui tarde à venir», reproche Amine, propriétaire d’un restaurant connu du public. Pour l’heure, la seule solution provisoire mise en place est «l’aménagement de neuf bassins de relevage», explique le chef de service assainissement à la Direction de l’hydraulique. Une solution qui a, certes, beaucoup amélioré la situation mais qui demeure encore, toutefois, pas utile pour les maisons construites sur la contre-pente. Ces dernières n’ont pas d’autres choix que de continuer à déverser leurs eaux usées dans la grande bleue. Pourtant, le directeur local du tourisme s’en défend: «Aucune plage n’accueille les égouts.»

 

Déconnectée 9 mois sur 12

 

En attendant, et malgré des taux de fiscalité écrasants, cette ville qui compte pourtant pas moins de 1721 commerces, frôle régulièrement la mise sous tutelle wilayale et ressemble paradoxalement à une cité endormie neuf mois sur douze. Certes, l’estivant aura à perdre ici quelques rides. Depuis plusieurs années, les jeunes couples avec enfants remplacent les anciens. Depuis l’époque coloniale, la zone pavillonnaire a été conservée. «Une maison, un bout de jardin», c’est toujours le rêve des habitants. Et, ici, «40% des habitants sont propriétaires», note un rapport domanial. En quarante ans, ce petit bourg d’à peine 300 habitants se transforme en un immense ensemble urbain de 28.700 habitants. L’urbanisation effrénée atteint le taux vertigineux de 100%. Le tout béton qui range, de nos jours, Aïn El-Turck, tout au long de la baie du Cap Falcon, met en lumière un phénomène qui touche tout le littoral oranais et gagne l’arrière-pays: sur fond de «tension démographique» à large échelle, des programmes immobiliers surgissent partout. Aux affaires depuis quatre ans, l’actuel maire enchaîne les autorisations de construire. Mais cette nouvelle urbanisation n’a pas entraîné une augmentation sensible de l’offre touristique. Même inertie pour le commerce, qui souffre le martyre durant de pénibles neuf mois. Quant au centre-ville, un peu décrépit, il est enfin en cours de réhabilitation.

Autre casse-tête des Turqois: les bouchons d’enfer. Avec son lot coutumier en accidents, la belle mais étroite route qui mène d’Oran à la corniche est un véritable cauchemar pour les automobilistes. Ainsi, le plus grand projet qu’attend Aïn El-Turck reste incontestablement la modernisation de la corniche supérieure. L’étude étant déjà achevée, le lancement des travaux est prévu en 2007. Aussi, Aïn El-Turck attend impatiemment la requalification en une route nationale, durant la même année, de son chemin de wilaya (long de 26,72 km).

Côté logements sociaux (15% de l’habitat), le bilan n’est guère plus brillant. Seuls 6450 logements ont été construits depuis six ans. Même si le taux d’occupation de logement est de 4,4, de nombreux ménages issus des classes modestes peinent à se payer un toit. Le plus gros lot bâti reste les lotissements privés érigés durant la dernière décennie. Mais le cadre urbain laisse à désirer. Seuls 90% des foyers sont raccordés au réseau d’AEP et, entre les maisons, les pistes attendent toujours d’être bitumées. Pourtant, près de 50 millions de dinars ont été consacrés par le PCD pour la voirie urbaine. «Un budget consommé à 80% (dont notamment 5 millions de dinars) dans les petites opérations de réhabilitation», précise une source à la Direction des travaux publics.

Et ce n’est pas tout.

Etant à vocation agricole, les 1433 ha que compte le foncier d’Aïn El-Turck ont fait les frais de nombreux détournements. Pas moins de 140 affaires ont été déférées devant le tribunal.

 

Se réapproprier sa puissance touristique
 

«Les familles stables déménagent peu à peu», affirme un vieux du quartier. «Pour inverser la tendance, nous misons sur de nouvelles formes d’habitat. Plus précisément sur de nouveaux chantiers mêlant programmes d’accession à la propriété et logements sociaux. La construction d’immeubles de standing est elle aussi envisagée. Un bon moyen de redorer un peu l’image d’Aïn El-Turck», explique un cadre à la Direction de l’urbanisme. Avec cinq zones sensibles, Aïn El-Turck cumule les handicaps: 850 appartements vétustes, et une jeunesse fragile. «Ici dans le quartier (Trouville 2), seuls deux jeunes sur dix travaillent», témoigne Ahmed, chômeur. Arif, 47 ans, lui, est personnellement ravi de son petit immeuble calme entouré de pavillons. «Mais, si j’étais jeune, je serais dégoûté», confie-t-il. «Après 20 heures, il n’y a rien. Si ce n’est le défilé des estivants noctambules qui attendent l’ouverture des discothèques».

Effectivement, Aïn El-Turck est à la fois l’une des villes les plus jeunes et l’une des moins animées de la wilaya. Et ce, même si elle peut se targuer d’être une ville bondée et de quelques équipements de choix (complexes). «L’animation culturelle est nulle», regrette Ahmed. En attendant l’inauguration prévue pour septembre d’une salle omnisports de 1200 places, Aïn El-Turck se contente de son seul stade communal, de ses trois centres culturels, d’une seule piscine couverte, d’un camp de jeunes, de six centres de vacances pour enfants (colonies) et d’une seule salle de cinéma. «Le problème est moins le déficit de structures que le manque de volonté politique pour les faire vivre», diagnostique Amine, désabusé et qui dit ne rien attendre, si ce n’est «l’accession de son équipe de football en deuxième division».

 


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