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Numérisation des archives du cinéma algérien



Numérisation des archives du cinéma algérien
Dossier de Salim AGGAR*: Le cinéma algérien est considéré comme l’un des plus anciens cinémas en Afrique et dans le monde arabe. Crée en plein révolution algérienne par le Gouvernement Provisoire de la révolution algérienne (GPRA). La première cellule a été créé en Tunisie en 1957, par Djamal Chanderli, aidé par de jeunes réalisateurs à l’époque Mohamed Lakhdar Hamina et Ahmed Rachedi. « L’Algérie en flammes », produit par un ami de la révolution et enseignant de Rachedi, René Vautier en 1958, est le premier film à cette époque, suivra Les fusils de la liberté (1961), La voix du peuple (1961) et Notre Algérie (1961). Beaucoup de reportages sur la révolution ont été filmés dans le maquis par Vautier et un jeune caméramen yougoslave Stefan Labodovitch. Après l’indépendance, ces archives devaient être rapatrié par un homme, Mohamed Sadek Moussaoui, dit Mahiedine.


Les archives de la cinémathèque algérienne sont les plus importantes en Afrique et dans le monde arabe
Après la création du GPRA, Mahieddine Moussaoui a été confirmé dans ses fonctions de « coordinateur de la collecte des images » au sein du ministère de l’Information, sous la direction de M’hamed Yazid. Lui vint d’abord l’idée de regrouper tous les films faits pendant la guerre d’Algérie, le cinéma de maquis et les reportages. Mahiedine comptait créer une espèce d’INA ainsi qu’une école de cinéma. Jean Michel Arnold, ami du fondateur de la Cinémathèque française Henri Langlois, lui suggère alors de créer une cinémathèque. C’est aussi ce même Mahiedine qui a voulu et permis le Festival panafricain d’Alger. A l’Indépendance, c’est à lui qu’échut l’honneur de réaliser le premier long métrage algérien « Une si jeune paix », produit par le CNC.

Convaincu de l’importance des Archives, Mahieddine Moussaoui s’était entouré d’une équipe qu’il destinait à un grand projet de centre audiovisuel. Dès qu’il fut installé à la tête du nouveau Centre national du cinéma (CNC) en 1964, regroupant l’ensemble des activités cinématographiques, il demanda à Valentin Pelosse de travailler à la création d’une cinémathèque qui, au départ, n’était pas conçue comme un lieu de projection, mais comme un service d’archivage et de conservation. La priorité de Mahieddine Moussaoui était la création d’un centre pour regrouper en un seul endroit les archives photos et audiovisuelles rapatriées de Tunis. Son credo : « Un peuple sans histoire n’est pas un peuple, un pays sans archives n’est pas un pays ». Partant de ce principe, il a organisé à Tunis le départ des archives du ministère de l’Information du GPRA, dans les jours suivant la déclaration d’Indépendance.

Après la création de la cinémathèque le 24 janvier 1965, la mission des archives a été confiée à Ahmed Hocine, premier directeur de la cinémathèque algérienne. En 1967, le président Boumedienne créa par décret présidentiel le Centre Algérien de la cinématographie (CAC) qui avait pour mission de gérer les différentes salles affiliées aux cinémathèques algériennes et surtout gérer les archives déjà stockés dans différents endroits en Algérie.

Pour se faire, la cinémathèque algérienne a dût adhérer à la Fédération internationale des archives du film (FIAF). Fondée à Paris en 1938, regroupe les institutions les plus importantes en matière d’héritage cinématographique. Ces affiliés sont les ardents défenseurs de cet art du xxe siècle. Ils consacrent leurs activités à la sauvegarde, à la collection, à la préservation et à la projection des films, considérés tant comme des œuvres d’art que comme des documents historiques. Lors de sa formation en 1938, la FIAF comptait 4 membres. Aujourd’hui, plus de 150 institutions situées dans plus de 77 pays récupèrent, restaurent et montrent des films et des documents relatifs à l’histoire du cinéma, de ses débuts jusqu’à nos jours.

La cinémathèque Algérienne qui a été créée en 1965, est devenue la plus ancienne des cinémathèques en Afrique et dans le monde Arabe. Elle possède le plus grand stock films en Afrique et dans le monde arabe : plus de 60 000 boites de films et stockés dans 5 lieux différents :

Local Bab el Oued, 2850 boites (long métrages)

La bibliothèque nationale : plus de 24 000 boites 35mm et 16mm

La salle de Blida : 6000 à 7000 boites essentiellement en 35 mm court métrage et documentaires

Salle de Bejaia : 4000 boites (35mm, boite de 300m) films soviétiques.

Local de la wilaya d’Alger : 15000 boites films 35mm et 16mm.

La cinémathèque Algérienne possède un centre de documentation au Debussy avec une importante de collection iconographiques (Photographiques, Affiches et articles de presse). Cette importante collection s’est constituée essentiellement grâce aux dons et aux dépôts de réalisateurs, de producteurs ou de collectionneurs.


Après plus de 50 ans de stockage dans des conditions inappropriées, la numérisation devient urgente
La situation catastrophique des archives du cinéma algérien

La situation catastrophique actuelle des archives de la Cinémathèque algérienne est le résultat de la mauvaise gestion de la conservation et l’absence d’une politique des archives durant plus de 40 ans. Ces archives, sont le plus important stock pour une cinémathèque en Afrique et dans le monde arabe. Cet énorme héritage d’archives est la conséquence d’une importante récupération de bobines de films issus des nombreuses maisons de distribution étrangères comme MGM, la Paramount, la FOX et les distributeurs arabes et algériens qui existaient avant l’indépendance. Aucune opération de sauvegarde, de restauration ou de numérisation n’a été lancé depuis plus de 40 ans.

Cette accumulation des archives filmiques dans des locaux inadaptés totalement aux principes de conservation va connaitre des complications internes de plus en plus irréparables. Les causes sont connues et dues à l’émergence, à la dangerosité́ et à la détérioration du nitrate, puis du syndrome du vinaigre. Les films de la Cinémathèque sont à classer en 3 catégories :

Les films nitratés (films à incinérer selon l’état de contamination et à isoler en urgence du reste des films)
Les films vinaigrés (films à isoler et à surveiller)
Les films sains (films à mettre en urgence dans des conditions optimales de conservation)
Première opération de transfert des films

Le Centre Algérien de la Cinématographie a bénéficié en 2008, sur décision de la ministre de la Culture Khalida Toumi portant le n° de 748 d’un espace de 500m2 et deux bureaux de 15 M 2 à la Bibliothèque nationale avec des tables de visionnages qui ont été offert par l’UE dans le cadre d’un programme d’appui pour la sauvegarde du patrimoine. Cet espace a sauvé le plus grand lot des archives de la Cinémathèque Algérienne. Mais l’absence de ressources humaines et la panne de la Climatisation depuis 2019 a retardé sa prise en charge de ses archives et son inventaire.

La première opération de sauvetage des archives a été entamée par le Centre Algérien de la Cinématographie (CAC) en 2009. Le CAC a bénéficié d’un espace au niveau de la Bibliothèque Nationale pour stocker la plus importante partie des archives de la cinémathèque. Des centaines de films algériens et étrangers ont été transférer des locaux de la Wilaya et du centre du Debussy en 2009. Selon le comptage qui a été réalisé en 2009, le nombre de titre transférer à la bibliothèque nationale est de :

Nombre de titre de films 4420 titres

Nombre de copie de films 5709 copies

Nombres de bobines : 28 030

Deuxième opération de transfert des films

Un nouveau transfert vers la BN en 2018, soit presque 10 ans plus tard. Mais de nombreuses bobines sont restées au niveau du local de la Wilaya et de Bab El Oued. Il fallait attendre 2018 et la venue d’un expert de l’INA Eric Dubois pour relancer une nouvelle opération de transfert de la wilaya d’Alger vers la Bibliothèque nationale. Cette opération a été réalisée par les équipes du CAC, un expert de l’INA et une société spécialisée dans les archives, Matahef. Cette opération a duré trois mois du 10 mars 2018 au 8 mai 2018 au niveau de la wilaya a donné les résultats suivants : 6129 bobines représentant 569 films, ont été recensées. Après une opération de vérification qui a duré trois mois on a recensé 3554 bobines étaient détériorées et 3175 bobines saines. Ces dernières ont été transférées à la BN, alors que la grande partie de bobines détériorées ont été transféré dans les locaux du CNCA aux Eucalyptus, dans le but d’être détruit plus tard.



Opération d’acquisition du matériel de numérisation et restauration retardée

Durant son passage l’ancien directeur du CAC entre 2012 et 2018 n’a pas tenté de trouver une solution pour sauver les archives malgré la dotation qui a été alloué au CAC, depuis 2009 par l’ex ministre Khalida Toumi. Le CAC a bénéficié de trois opérations dans le cadre de l’équipement pour la restauration et la Numérisation d’un montant de 160 000 000 DA. Malheureusement les directeurs qui se sont succédé n’ont rien fait pour exploiter cet argent pour restaurer les films et poursuivre sa véritable mission de cinémathèque. L’administration du CAC a été obligé de clôturer le compte en 2020, après 10 ans de non exploitation de cette dotation du ministère des finances. Une actualisation de cette dotation a été déposée le directeur de l’époque qui a été acceptée par le Premier Ministre de l’époque Abdelaziz Djerrad, dans le cadre de la politique de numérisation défendu par le Gouvernement. Entre 2019 et 2021, la nouvelle direction du CAC avait entamé une politique de numérisation encouragée par le ministère de la Culture en attendant l’achat du matériel de numérisation et sa restauration. C’est ainsi que le Centre Algérien de la Cinématographie a officiellement obtenu en décembre 2020 le budget pour l’acquisition du matériel de numérisation et de restauration des archives de la cinémathèque Algérienne. Ce budget s’élève à 140 000 000 DA. Une commission des marchés a été installée au ministère de la Culture, la première opération du lancement du cahier de charges a été entamée.

Les premières numérisations du cinéma algérien

En attendant l’acquisition du matériel de numérisation des films algériens qui sera composé de scanner de film 16 et 35 mm, l’Algérie à travers le ministère de la Culture a entamé une première opération de numérisation en 2016 à des laboratoires européens où sont stockés les négatifs algériens.

La première opération de numérisation des films algériens a commencé en 2016, avec le film « Tahya ya Didou » de Mohamed Zinet avec un laboratoire privé italien. Alors que 14 autres films algériens ont été restaurés et numérisés en 2016 avec un laboratoire français, parmi lesquels figurent les grands succès publics des années 1970 comme « Hassan terro » de Mohamed Lakhdar-Hamina, « Les Vacances de l’inspecteur » Tahar de Moussa Haddad et « Omar Gatlato » de Merzak Allouache.

La numérisation des films anciens du CAC par la télévision algérienne

Par ailleurs, dans le cadre de la coopération entre le CAC et l’ENTV (Télévision publique), la cinémathèque Algérienne a pu numériser plusieurs films en 35mm.

« La nuit a peut du soleil » de Mustapha Badie (35 mm)1964

« Caméra arabe » de Ferid Boughedir (16mm)1977

« L’inspecteur mène l’enquête » premier film de Moussa Haddad (16mm)1968

« Nouba des femmes du mon Chenoua » de Assia Djebbar (16mm)

« Femmes d’Alger » de Kamel Dehane (16mm)

« Assia Djebbar Entre ! » de Kamel Dehane (16mm)

« Terre de berberie » reportage 35mm (négatif) année 1961 durée 26mn

« Alger et ses contrastes » reportage 35mm année 1948 durée 26mn

« Le Destin » film LM de Youcef Chahine, copie 35mm 1997

« Gamila » film LM de Youcef Chahine, copie 35mm 1958

« Haram » film LM de Henri Brakat Copie 35mm 1965

Ces films numérisés ont été envoyés à une entreprise privée pour la restauration et l’édition en Bluray.

La numérisation urgente des archives du cinéma algérien

Malgré les différentes actions de numérisation du cinéma algérien, elles demeurent encore insuffisantes et vaines en raison de l’importante et la valeure des archives algériennes stockés. Ces archives sont considérées comme un trésor non encore sauvegardé. Notamment en ce qui concerne les films de la révolution et le fond image de la colonisation. Il faut préciser aussi qu’un nombre important de reportages et de bobines n’ont pas été encore répertoriés et certaines copies peuvent exister seulement en Algérie dans les trésors enfouies de la cinémathèque algérienne.


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