Algérie - A la une

«Novem»
Follement. En un seul mois : le Premier serait un premier novembre. Mais commence le 14. Parce que l'histoire algérienne a été coupée en deux : le FLN et ce qui le précède. L'histoire et l'attente. Du coup, le calendrier commence par une nuit du doute : le 1er novembre est réellement un 16 novembre. Mais le FLN avait décidé qu'avant lui, il n'y avait pas d'histoire, ni rien, ni vous, ni personne. Ensuite, en courant le 05. Octobre. Mais qui a été avalé par novembre pour donner un long août traînant et en pantacourt. Du coup, on passe du 1er novembre au 1er novembre. Un calendrier fou, ni lunaire, ni solaire, mais crépusculaire. Cela n'avance pas mais en même temps, c'est du temps. Cela coule dans un sens mais remonte le courant. Inexplicable. Sauf que le même mois de novembre, mois annuel, durée de plusieurs ans mais dans le pan d'un mois, il y a la suite : le 5 juillet. C'est en même temps le 1er novembre mais le zéro novembre. Du temps qui n'est pas le temps. En un mois : vous êtes né, vous avez combattu, vous êtes mort, on vous a trahi mais vous avez trahi jusqu'à être libéré puis fatigué, puis usé, puis trompé. Mais en même temps, c'est vous et contre vous. Le 05 juillet est la date de naissance de tous, en même temps, dans la même mêlée. Le chroniqueur a toujours appelé ce moment le «jugement premier». Dans le jugement dernier, on réveille les morts, dans le jugement premier, on tue les vivants. Tous à la tombe. Le cimetière est un cri de ralliement. Puis novembre s'allonge mais par terre. Un mois qui dure une année qui dure tout le temps : le même mois unique de son année unique dont il compose l'unicité d'un 1er novembre, d'un 5 juillet, d'un été 62, d'un 05 octobre, d'un juin 65, d'un décembre 78 ou d'un avril 2014. Un mois, un peuple.En rond. Un calendrier est créé souvent sur la base des récoltes, des Dieux, des menstrues, des conquêtes ou des exils. Le nôtre a la durée sombre d'un mois clos sur lui-même, bâti sur une balle et une balle perdue. Le calendrier est le périmètre de l'homme dans le champ de l'éternité. Notre temps est un mort qui a tout le temps. D'où le cercle vicieux, l'anneau, le cycle. Passons.Novembre, selon Internet, vient du romain «Novem». Traduire : neuf. Le contraire de tout ce que vous avez vécu. Novembre était neuf au 1er novembre. Il est aujourd'hui vieux, assis, avec une voix morte, l'arme rouillée. On est passé du scorpion comme signe au sagittaire sur une chaise roulante. Etrange. Tout cela pour dire l'étrange calendrier algérien. Bâti sur le souvenir du martyr et l'éternité close de l'hommage. Une année composée d'un mois unique, d'un jour sans fin.Etrange intuition : le temps est l'ennemi de novembre.


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