Algérie

Nouvelles dispositions réglementaires pour le secteur de la pêche à Oran



«On a trop tiré sur la corde» La colère des gens de mer n’est toujours pas contenue malgré cette trêve de quelques jours, décidée mercredi dernier à Alger par les membres du comité de coordination des régions côtières, en leur qualité de représentants des chambres de wilaya de la pêche et de l’aquaculture, et la tutelle, pour éviter de déstabiliser le secteur. Un secteur longtemps mis en veilleuse et qui commence à sortir à peine sa tête de l’eau. Au port d’Oran, les gens de mer brisent encore une fois le silence en pointant du doigt l’administration de tutelle. «On a trop tiré sur la corde», s’écrie un marin pêcheur en train de raccommoder son filet de pêche. C’est un coup de massue qui a été asséné au secteur par les nouvelles dispositions de la loi concernant les modalités de pêche et la préservation des ressources, reprend un armateur qui soutient que «les textes de loi ont péché par précipitation». Mieux, dit-on, de nombreux textes sont rigides, comme on le laisse entendre dans les milieux marins. Certains avancent même que le système de brevet imposé au patron de pêche n’existe nulle part ailleurs. Il se trouve, confie un cadre de l’administration des pêches qui a préféré garder l’anonymat, que le nouveau système que développe le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques trouve sa source dans la convention internationale STCW/ fishing. Malheureusement, dit-il d’un air désabusé, aucun pays n’a ratifié cette loi mais l’Algérie s’en est inspirée. Cette loi n’est toujours pas entrée en vigueur car chaque pays, pour des raisons qui lui sont propres, adopte son propre système, précisera-t-il. «Nous pensons que les conditions ne sont pas réunies, du moins pour l’heure, pour son application, encore faut-il souligner que nous avons beaucoup à dire sur ce sujet! Demandez à un armateur d’engager un patron de pêche inexpérimenté ou de demander à un patron en activité de se recycler, vous serez...», reprend à son compte M. Abbaoui , représentant des armateurs d’Oran, visiblement déçu par certaines dispositions, notamment celles liées à la demande d’octroi et de renouvellement du dossier du permis et de l’autorisation de pêche, allant jusqu’à crier à la déstabilisation du secteur. «Certes, les lignes de base ont été modifiées en 2004 dans une logique de développement du secteur, néanmoins, il y a des compétences traditionnelles des gens de mer qui nécessitent d’être prises en compte, en tout cas pas de les pénaliser. C’est la réalité du terrain qui l’exige et on ne peut occulter le fait qu’ils possèdent tout un savoir-faire. Moi, personnellement, je ne pourrais jamais confier mon bateau à une personne qui sort de l’institut et qui n’a aucune expérience. Il y a d’abord le terrain, alors qu’à l’école on ne lui apprend que la théorie. La mer c’est vaste, c’est large et profond.» La plupart des gens de mer sont formés sur le tas Une nouvelle journée attend ce motoriste et ce patron de pêche en chômage technique depuis une semaine. Des gens qui se connaissaient bien avant de se rencontrer encore une fois à Oran pour une nouvelle aventure en mer. Une sorte de nouvelle vie pour avoir été recrutés hier par un armateur d’Oran. Un armateur, qui vient de perdre pratiquement l’essentiel de son équipage, après cet arrêt de travail de huit jours. Originaires de Ghazaouet et Béni-saf, ces deux professionnels, formés pendant plus de 25 ans sur le tas à bord de plusieurs chalutiers, avouent louer leurs services à un propriétaire, «moul achi» comme on dit. Ils pensaient parvenir un jour, par le biais de la pêche, à avoir leur propre bateau, malheureusement le soutien à l’investissement relativement modeste, d’environ 30% d’apport personnel, ne leur a pas permis de bénéficier du programme de relance. L’opération centralisée de cet appui n’a profité qu’à une infime partie des professionnels. Triste situation également pour ces jeunes de 23 ans, recrutés il y a quelques semaines par un armateur comme marins pêcheurs, sans qu’ils ne soient liés par un aucun contrat de travail. Des marins pêcheurs qui ont acquis toutefois une formation pratique en mer, à l’instar du propriétaire de ce palangrier qui a attendu un hypothétique crédit pour acquérir un moteur pour son petit bateau en panne technique depuis plus d’une année. Il faut dire que les gens de mer ne roulent pas sur l’or comme le pensent certains, notamment les petits métiers, même s’ils arrivent à garnir leurs filets de temps à autre. C’est aussi l’avis de cet autre armateur d’Oran qui estime que les mesures prises par le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques sont draconiennes, avant de nous livrer ses états d’âme. Ses rancœurs surtout. «Trouvez-vous normal qu’un patron de pêche soit sanctionné à cinq ans de prison avec sursis et 20.000 D.A d’amende à cause du journal de bord? C’est d’ailleurs ce qui s’est passé à Bouharoun, récemment. Le bonhomme, dois-je confier, ne veut plus sortir en mer car on lui a fait appliquer une loi que nous jugeons trop sévère.» «Avant, on payait 4.000 DA par an pour l’autorisation de pêche, aujourd’hui on nous demande de payer entre 60.000 et 120.000 DA. Certes, elles sont fonction du tonnage du bateau, mais il y a aussi les charges inhérentes au rôle, les cotisations de la CASNOS, ainsi que celles des impôts. Nous ne contestons pas le fait de disposer d’un journal de bord, du moins son contenu, néanmoins cette forme d’organisation nous paraît précipitée. Il faut attendre sans doute une nouvelle génération pour appliquer cette disposition. On ne peut pas changer, en un tour de main, des habitudes qui ont été héritées, il y a des décennies. Dans tous les cas, le poisson doit être pêché dans l’eau pas dans les bureaux», clame Abbaoui qui se demande pourquoi la formation (recyclage) au profit des patrons de pêche est payante. Au large comme sur terre ferme, il n’y a pas de secret «Tous les patrons de pêche et les motoristes doivent subir un recyclage à bord, mais leur faire payer en plus 35.000 D.A., dans un établissement public, il y a quelque chose qui ne tient pas la route, sans parler des 60.000 DA pour les prestations fournies. Si, du moins, la formation n’était pas centralisée, ajoute notre interlocuteur. Autrement dit, s’interroge-t-il, quel est l’armateur qui acceptera que son bateau reste amarré au port durant la formation du patron de pêche. Et d’ajouter: «On aimerait bien que les services concernés affectent un formateur au niveau de chaque port. Haja wa hwija. Mais aller à Bousmaïl, je crois que c’est pénalisant pour la profession». Autre disposition, la pêche au-delà des six miles: «Je suis d’avis que cela soit imposé aux nouvelles acquisitions mais pour la pêche au large, franchement je dirais que c’est à revoir.» Pour ce marin pêcheur, ces nouvelles mesures apparaissent comme un tsunami qui risque de balayer tout le monde, notamment les petits métiers. «Nous sommes favorables à l’interdiction de la pêche côtière de 15 à 20 brasses, mais au-delà des 6 miles, c’est fou. Les choses peuvent s’arranger avec un système de deux mois d’arrêt par an, tout en créant une caisse de soutien et de compensation pour les gens de mer, durant cette période qui caractérise la reproduction des ressources. Mais pour appliquer cette loi, il y a des contraintes et autres aléas pas toujours faciles à surmonter. En d’autres termes, il vaut mieux d’abord étudier un système avant de pouvoir l’appliquer. «Moi, personnellement, je conteste les tenants de la thèse qui soutiennent que le poisson meurt de vieillesse. En tous les cas, depuis que les Espagnols exploitent les ressources, en partenariat avec les Algériens, on n’a pas vu de poissons aussi vieux qu’ils le prétendent. Ceux qui font la crevette raclent le fond marin 24h sur 24, dans les eaux où nos chalutiers sont déjà présents comme à Bouzedjar et Béni-saf. Avant, nos bateaux labouraient le jour et il y avait un repos biologique naturel, maintenant ils raclent sans répit. Bradage écologique et économique de la richesse. La pêche est malheureusement interdite dans les quelques zones côtières qui restent. Les textes ne sont pas tombés du ciel Pourtant, au large il n’y a pas de secret pour les zones de pêches. Le généreux plateau de Béni-saf est surexploité. La plupart des armateurs que nous avons sollicités disent que ceux qui font les crevettes raclent sans mesure. Au-delà du couloir Cap Falcon-Cap Carbon, il n’y a plus de profondeur. Personne ne peut travailler ici en l’absence de fonds marins. Les chalutiers d’Oran ne peuvent pas travailler au-delà des six miles, de même que ceux d’Arzew et de Mostaganem. Pour autant, au niveau de l’administration des pêches d’Oran, on soutient que les textes en question ne sont pas tombés du ciel. « Ils ont été établis suite à des accords préalables pris aux niveaux local, régional et national. Le tout a été débattu avec l’ensemble des professionnels des Chambres de la pêche. Le contrat marin pêcheur est venu de là. Mieux, il sauvegarde les droits des marins qui doivent être déclarés à la sécurité sociale, explique le directeur de l’administration des pêches d’Oran qui reconnaît l’existence de défaillances de la part de certains armateurs en la matière. Toute cette panoplie de textes a pour but d’organiser le secteur, reconnaît le directeur de l’Environnement de la wilaya d’Oran qui précise que l’objectif le plus important est la préservation de la ressource. En tant que militant d’une pêche responsable et durable, il dira: «Pour les zones de pêches, il faut une autorisation pour réglementer la pêche maritime. Pour la première zone, il y a une carte halieutique qui impose aux pêcheurs de ne pas faire des prises en un seul point, pour éviter une surexploitation. Est-ce à dire que les pêcheurs algériens ne respectent pas la réglementation?. Une mauvaise réputation si l’on considère que la plupart des gens interrogés sont favorables pour défendre l’économie du littoral. Une politique qui a, au moins, le mérite d’être claire.
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