Algérie - Revue de Presse


Plus corsé que le plébiscite présidentiel sorti des urnes du 8 avril 2004, il y a un unanimisme new-look qui plombe ce que des énergies algériennes ont construit face à la barbarie intégriste pour que la société, rompant avec les séquelles d?un féodalisme colossal, entre enfin dans l?âge politique. Un des effets les plus visibles et déterminants des discours de cet unanimisme est d?accréditer comme naturelle l?émergence d?une couche sociale, nouvelle nomenklatura par rapport à celle de la rente administrée antécédente, en lieu et place d?une classe moyenne. De celles-là qui, à travers le monde, ont construit les nations. Née d?un capitalisme sauvage et d?un soubassement de règles bureaucratiques, cette couche sociale aux ramifications tentaculaires est bâtie, comme dirait Carlos Fuentès du Mexique des années quarante, en « nouvelle caste dominante constituée d?affaires troubles sanctionnées par la loi ». Le trafic à grande échelle du foncier agricole présente des signes éloquents de cette évolution de l?Algérie. Cependant que « l?Etat s?est libéré » de ses devoirs de réglementation du secteur - dit l?un de nos grands capitaines d?industrie cité par la presse -, pour faire face au terrorisme islamiste qui a forcé à l?exode la population paysanne, des intérêts s?y sont indûment incrustés. In vivo, N. Mimouni de l?université de Blida a décrypté (El Watan, 23 janvier) le sens des formes physiques du phénomène sur le site même de la Mitidja, plaine fleuron de l?Algérie. Dans les hauts piquets et grillages frappant le regard et créant une nouvelle enclosure de vastes terres, l?auteur voit « une situation de stand-by : les acteurs se sont déjà positionnés et en fonction de leurs intérêts et de la politique de l?Etat, ils peuvent soit ruiner définitivement l?une des plus riches du pays, ou investir durablement dans sa renaissance ». Notre nouvelle nomenklatura semble pouvoir disposer aujourd?hui de deux déterminants atouts : une « presse exemplaire », prompte à porter aux nues sa bonne image dans la société ; et un appareil de justice tenté de briser tout « écart » de liberté de ton et de non-conformisme de regard sur les réalités du pays. Des décisions de son tribunal d?Alger, ce mardi, ont condamné à de démesurées peines les quotidiens El Watan et Le Soir d?Algérie. Il n?est pas encore trop tard d?écrire que même si nos journaux ne valent pas encore les bonnes oranges de Boufarik d?antan, il serait peut-être ruineux de les assécher déjà.
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