Algérie - Tourisme Divers

Noureddine Moussa. Ministre du Tourisme « L’Algérie accuse un grand retard par rapport à ses voisins »


La saison estivale 2006 tire à sa fin, qu’est-ce qui, à votre sens, la différencie positivement des saisons passées ?

La saison estivale constitue effectivement un moment fort pour notre secteur en ce sens qu’elle permet de faire une évaluation statistique, mais aussi et surtout, technique. Nous refusons de considérer la saison estivale comme une activité routinière circonscrite entre juin et septembre, mais comme une activité centrale au cœur de nos préoccupations pour les raisons suivantes. La première est que le développement du tourisme des nationaux passe inévitablement par l’amélioration qualitative et quantitative du tourisme balnéaire en période estivale compte tenu de la forte demande des nationaux pour ce type de produit. La seconde raison est que le tourisme balnéaire est un puissant vecteur pour le développement du tourisme affinitaire en direction des Algériens résidant à l’étranger. Troisièmement, la maîtrise de la gestion de la saison estivale peut être considérée comme étant un apprentissage efficient dans l’objectif de la promotion de notre tourisme à l’international. Enfin et à l’instar de ce qui se pratique dans le monde, la saison estivale est une affaire économique de grande importance dont les retombées en termes d’emplois et de dynamisation des activités économiques et commerciales ne sont à l’évidence pas du tout négligeables. Tous les paramètres que je viens d’évoquer militent à mon sens en faveur d’un traitement économique de l’activité touristique avec à la clé une plus grande mobilisation des collectivités locales, des opérateurs touristiques et bien entendu de la société civile.

L’insalubrité et la gestion anarchique qui caractérisent bon nombre de nos plages apportent la preuve s’il en fallait une que certaines autorités locales ne se sentent pas du tout concernées par le développement que vous souhaitez impulser au tourisme...

Permettez-moi de contredire ce que vous venez d’avancer en termes de propreté des plages. Je pense que toute action doit être évaluée par rapport à son évolution dans le temps. Nous avons pour ce qui nous concerne tenu à placer la saison estivale 2006 sous le signe de la qualité parce que nous voulons réhabiliter le consommateur dans ses droits, l’objectif étant de fixer le plus grand nombre de concitoyens en quête de repos estival dans les pôles et régions balnéaires algériens. Nous avons décidé de promouvoir la qualité parce que nous avons bien conscience que le touriste est aujourd’hui beaucoup plus attiré par la qualité des services que par les prix bas. Nous avons de ce fait institué à la veille de cette saison estivale un cahier des charges imposable aux professionnels du tourisme.

Justement, estimez-vous que le tourisme algérien est réellement entre les mains de professionnels ?

Il faut aller graduellement vers la professionnalisation des différents opérateurs du tourisme, et de ce point de vue il faut reconnaître que les premiers résultats sont encourageants. Les informations en provenance de mes services, tout comme celles que rapportent les journaux dans leur ensemble, corroborent cette tendance à l’amélioration de la qualité de l’environnement d’accueil et des prestations offertes aux touristes. Les chiffres que je vous communique confirment on ne peut mieux cette tendance à l’amélioration conséquente à la professionnalisation des opérateurs de tourisme et aux efforts indéniables de l’Etat et des collectivités locales. L’année passée, il y avait seulement 291 plages ouvertes à la baignade alors que pour cette saison 2006, ce sont un peu plus de 300 plages propres qui ont été livrées aux estivants. C’est dire que contrairement à ce qui a été rapporté çà et là, un gros effort d’amélioration de la qualité des plages a été incontestablement accompli. Les analyses au quotidien des prélèvements d’eau de mer n’ont à ce jour fait cas d’aucune pollution et nous sommes convaincus qu’avec la mise en service des stations d’épuration implantées à divers endroits de la capitale et de la côte algérienne, la qualité de l’eau sera encore meilleure. Ceci dit, nous avons bien conscience que beaucoup de travail reste à faire pour que nos sites balnéaires atteignent un niveau d’hygiène et d’organisation optimal. L’institution d’un cahier des charges contractualisant les relations entre le concessionnaire et le concédant (la commune) va, nous en sommes convaincus, introduire progressivement la professionnalisation au niveau de l’activité de gestion des plages. Ces contrats, dont la durée peut aller jusqu’à 5 ans, donneront aux concessionnaires l’opportunité d’investir dans tout ce qui peut contribuer à l’amélioration du cadre général et à la diversification des prestations à offrir aux touristes, y compris les activités sportives de plage qu’un récent décret vient de réglementer pour le grand bien des estivants en quête de tranquillité que pour les amateurs de ce genre de sports qui peuvent les pratiquer de manière ordonnée.

Le développement du tourisme balnéaire algérien est largement tributaire de la réalisation de la RN 24 qui doit désenclaver l’ensemble des plages allant d’Alger à Jijel ; or le projet vieux de plusieurs décennies n’est pas près de voir le jour.

Il y a un début d’exécution puisque le tronçon allant d’Alger à Corso est en cours de réalisation. Cette route contribuera à désenclaver l’ensemble des plages qu’elle est appelée à desservir. Mais il n’y a pas que cette route qui peut contribuer à dynamiser le tourisme. La réalisation du port de plaisance de Aïn Benian (la Madrague) constitue par exemple un progrès indéniable en ce sens qu’il attire un grand nombre d’estivants et de promeneurs notamment le soir. La plage artificielle que nous comptons mettre en service dès la saison prochaine derrière la jetée de Aïn Benian donnera, nous en sommes convaincus, un attrait supplémentaire à ce site. La plage artificielle que nous avons créée au niveau de la plage El Kettani a fait le bonheur de milliers d’enfants de la localité et cela nous encourage à multiplier chaque fois que possible cet exemple.

Les avancées multiformes réalisées par votre secteur sont indéniables, mais cela n’a pas pour autant empêché des dizaines de milliers d’Algériens à prendre option pour des destinations touristiques étrangères (notamment la Tunisie).

Je me réjouis que des Algériens aient les moyens de passer leurs vacances là où ils veulent. Nous travaillons quant à nous à leur offrir les conditions nécessaires pour qu’ils soient de plus en plus nombreux à choisir de passer leurs vacances chez eux. Si de nombreux Algériens passent leurs vacances à l’étranger c’est parce qu’ils en ont les moyens et c’est tant mieux. Mais cela ne veut nullement dire que les Français, les Espagnols ou les Tunisiens qui vivent dans des grands pays touristiques ne passent pas leurs vacances ailleurs que chez eux. La magie du tourisme est de permettre le déplacement des gens, la brassage des cultures et la connaissance de l’autre.

Le secteur du tourisme brille par l’importance du nombre d’investissements en projets qui tardent malheureusement à se concrétiser.

L’essor du tourisme algérien est effectivement tributaire de la réalisation de nombreux projets d’investissements appelés à doter le pays en infrastructures à la mesure de ses ambitions. L’Algérie ne dispose actuellement que de 81 000 lits dont environ 80% ne sont pas conformes aux normes, alors que nos voisins tunisiens totalisent 230 000 lits de standard international. L’Algérie a donc un important gap à rattraper pour être au niveau du pays voisin. Il faudrait donc déployer de gros efforts tant en matière de réalisation d’investissements nouveaux que de mise à niveau des infrastructures existantes. Ce n’est évidemment pas une mince affaire quand on connaît les lourdeurs qui continuent à prévaloir notamment en matière de foncier. Les statistiques en notre possession incitent toutefois à l’optimisme. Plus de 300 projets totalisant environ 30 000 lits sont en effet en cours de réalisation à travers l’ensemble de la côte algérienne. Il y a par ailleurs 254 projets (environ 20 000 lits) à l’arrêt essentiellement pour des problèmes de financement. Une convention que nous venons de signer avec le CPA devrait tirer bon nombre de projets de cette impasse. Les demandes d’investissements déposées par des promoteurs nationaux sont de l’ordre de 800 et nous sommes en train de faire un travail de proximité dans le but évident de sélectionner les plus sérieux. Une commission intersectorielle élargie à diverses compétences (sociologues, aménagistes, etc.) a été constituée à l’effet de ne pas se tromper sur le choix de projets qui sont appelés à modeler l’industrie touristique algérienne. Une quarantaine de projets libérés par cette commission peuvent d’ores et déjà s’engager dans les procédures de réalisation.

Les promoteurs étrangers sont par contre moins nombreux...

C’est faux. Les intentions d’investir émanant d’étrangers sont également fort nombreuses. L’engouement pour ce créneau est certain, mais parmi ces investisseurs, deux groupes se distinguent tout particulièrement. Il y a le groupe saoudien Sedar qui s’est lancé dans la réalisation de deux villages touristiques à Zéralda (20 000 lits) et Zemmouri (5000 lits). Il y a également le groupe émirati Immar qui a pris option pour la ZET Colonel Abbès qui dépasse 80 ha. Nous sommes actuellement en train de travailler sur le contenu et la configuration de ce projet. Il faudrait ajouter à ces investisseurs étrangers de renom, le groupe Accor en partenariat avec le groupe de Djillali Mehri, qui s’est engagé à réaliser à travers le pays 25 hôtels de 3600 lits de divers standings. Deux projets sont déjà en chantier à Constantine, d’autres seront prochainement entamés à Alger, Oran et Tlemcen, les problèmes du foncier étant enfin réglés. Je citerai également le programme de construction d’hôtels d’affaires de la Trust situés à Bab Ezzouar. Il y a évidemment d’autres projets en phase de lancement que nous annoncerons en temps opportun. Il y a, nous en sommes convaincus, beaucoup d’espoir pour que le tourisme algérien puisse se développer de manière harmonieuse et non dans la précipitation.




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