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Nadir Dendoune : Un journaliste pas comme les autres



Il est le premier Franco-Algérien à monter sur le toit du monde, l'Everest, dans la chaîne montagneuse de l'Himalaya. Il est journaliste, écrivain et documentariste. Il s'appelle Nadir Dendoune. Il a 46 ans et il est en Algérie pour la présentation de son film, Des figues en avril, qu'il a réalisé sur sa mère Messaouda. Ce dernier est programmé dans les Instituts français le 17 octobre à 18h à Alger, le 18 octobre à Constantine et le 9 décembre à Tlemcen.Né à Saint-Denis, dans la banlieue parisienne, Nadir Dendoune, 46 ans, journaliste et écrivain franco-algérien de parents originaires de Béjaïa, réalise jusque-là un parcours pas comme les autres. Il fait de l'aventure sa vocation et du défit son oxygène. Il est, surtout, connu pour ses positions devant qui, il ne recule aucunement.
Evoquer son nom, nous renvoie à la banlieue 93 qu'il défend à travers ses actions et ses écrits, à la cause palestinienne qu'il soutient avec corps et âme et les invisibles de France, comme il les appelle, le cas des Chibani ou de sa mère Messaouda, personnage principal d'un film documentaire que lui-même a réalisé «pour donner la parole à ceux qui ne l'ont pas en France», explique-t-il lors de notre rencontre à Alger.
En 1993, il quitte sa banlieue pour l'Australie où il effectue un périple de 3000 km à bicyclette. Séduit par ce pays, qui lui a même donné la nationalité, il revient une année plus tard et décide de s'installer pendant six ans où, durant lesquelles, il fait le tour du monde à vélo pour une compagne contre le Sida, parrainé par la Croix-Rouge australienne.
Durant ce long voyage, Nadir rencontre au Népal, entre la Chine et l'Inde, un entraîneur népalais de personnes souhaitant monter sur le toit du monde, l'Everest, ou la plus haute montagne du monde avec plus de 8800 m, située dans l'Himalaya. Les yeux ouverts, Nadir saute sur l'occasion et lui manifeste son souhait lui aussi de prendre le défi.
Pas du tout gagné d'avance, car pour ce faire, il faut être très bien préparé physiquement pour cette épreuve où beaucoup y laissent leur vie et être vraiment un professionnel des montagnes.
«La condition est que je devais avoir un CV riche. Cela veut dire que je devais faire, par exemple, plusieurs autres hautes montagnes comme le Kilimandjaro (montagne de 5891m d'altitude, composée de trois volcans au nord-est de la Tanzanie, ndlr) ou le Mont Blanc (plus haut sommet de l'Europe occidentale avec 4809 m d'altitude, ndlr)», se rappelle-t-il.
Défi
Nadir avait quelques années devant lui pour se préparer. Mais avant, de retour en France, il souhaite devenir journaliste. Sauf qu'il se rend compte qu'à 31 ans, il lui serait difficile de trouver une école française qui peut l'accepter. Il participe donc dans un concours en 2004 pour la bourse Julien Prunet qu'organise annuellement la prestigieuse école du journalisme, le CFJ.
Cette dernière est attribuée seulement à une seule personne qui ne répond pas à la condition d'âge, peut-être, mais dont le parcours est atypique. Parmi des centaines de candidats, c'est Nadir Dendoune qui a été retenu. Après ses études, il devient journaliste et entame une carrière professionnelle à la télévision française qu'il quitte en 2012.
Fonceur, son désir de monter sur l'Himalaya ne l'a jamais quitté. Il recontacte l'entraîneur népalais et lui fait croire qu'il s'était préparé pendant toutes ses années et qu'il était prêt à prendre le défi. «Je lui ai fait croire que je faisais chaque année une montagne différente alors que je n'ai rien fait du tout.
A la fin, il a été convaincu par mon CV, lui qui pensait que je m'étais préparé et il a accepté de me recevoir. Mais, lui et les autres coéquipiers avec qui je devais faire l'Himalaya, se sont vite rendu compte sur place que j'ai menti sur mon CV. Cela se voyait même sur des petites choses, comme sur mes habits ou ma manière de marcher en montagne», lance-t-il avec sourire. Les chemins ne finissent plus et ne cessent de montrer.
Deux mois de marche durant des journées interminables et des nuits lassantes sous sa tente seul pendant la nuit. Le moral y compte. Il faut se ressaisir et garder le cap de son esprit. Parfois, il manquait même d'oxygène sur ce plus haut sommet du monde. Nadir perd l'appétit et s'affaiblit.
Il se rend compte, que ce n'était pas une chose facile. «J'ai surpris mes coéquipiers en train de parler de mon incapacité à continuer. Ils étaient sûrs que j'allais lâcher l'affaire», se souvient-il. Nadir décide, ce jour-même, de tout faire pour réussir, quitte à lui coûter la vie.
«Cette conversation m'a rappelé le mépris qu'ont les bourgeois et les Parisiens à notre égard, nous les banlieusards et fils d'immigrés. Et puis, il y a aussi ce côté algérien qui est sorti en moi et j'ai juré de gagner le pari. De plus, cette aventure coûte tellement cher, que je savais que ce sera impossible pour moi de refaire ce voyage. J'ai décidé donc de foncer», confie-t-il.
Himalaya
A la surprise de tout le monde, Nadir Dendoune réussit à atteindre le toit du monde. Un fois sur le sommet de l'Himalaya, il s'était pris en photo avec une pancarte 93, de sa banlieue pour dire que même les banlieusards peuvent eux aussi réussir. Nadir est devenu, non seulement une star en banlieue mais aussi en France.
Sa photo a fait le tour de France. «C'était une très belle expérience», témoigne-t-il. D'ailleurs, il a écrit un livre qui raconte son voyage incroyable dans l'Himalaya intitulé, Un tocard sur le toit du monde, qui a été adapté en un film de cinéma en 2017. L'ascension est le film de Ludovic Bernard dont le rôle de Nadir a été joué par l'humoriste français d'originaire sénégalaise, Ahmed Sylla.
Nadir tient aussi une chronique hebdomadaire La Chronique du tocard pendant cinq ans où il raconte son quotidien dans le Courrier de l'Atlas. Il a fini par sortir son livre, Le rêve du pauvre, édité en 2017 par les éditions Lattès et en format poche part les éditions Pocket.
Au côté de ses deux livres, Nadir a sorti aussi Journal de guerre d'un pacifiste et Lettre ouverte à un fils d'immigré. Partagé entre sa passion de voyager et celle d'écrire, Nadir multiplie ses sorties improbables qui lui donnent, parfois, du feu au crayon. Il a, notamment, effectué plusieurs voyages en Palestine dont la cause fait partie de son quotidien.
Il y va, certes, pour le soutien et écrire sur le quotidien des Palestiniens mais aussi pour casser certains tabous. Lui, qui n'aime pas qu'on assimile judaïsme et sionisme, il écrit aussi beaucoup sur les juifs anticolonialistes. Son reportage, entre autres, sur les deux jeunes juifs israéliens qui ont refusé de servir l'armée israélienne, a fait le buzz et a été même repris dans plusieurs médias au monde.
Il lance aussi une large compagne pour la libération de son ami avocat franco-palestinien, Salah Hamouri, détenu dans les geôles du colon israélien et libéré récemment après avoir purgé sa peine. Il a été aussi à Tel-Aviv lors de l'offensive israélienne contre la bande de Ghaza dans le but de contrer la propagande israélienne. Il a été même kidnappé en Irak durant plusieurs semaines pendant la présence américaine avant qu'il ne soit libéré après un large mouvement de solidarité en sa faveur dans le monde, notamment en France.
Béjaïa
Les actions de Nadir Dendoune sont incalculables, mais ce sur quoi il est penché ces dernières années est l'histoire de ses parents pour qui, «je dois toute ma réussite», avoue-t-il. C'est sa manière à lui de parler de ces invisibles de la France et une façon de leur rendre hommage.
Son père, Mohand, ouvrier, arrivé vers les années 1950 en France, s'est installé d'abord dans un bidonville, puis dans un logement social en banlieue parisienne en 1968. Il a été rejoint plus tard par son épouse Messaouda, qui a élevé neuf enfants avec le SMIG de M. Dendoune.
La photo de ce dernier ajustant sa cravate, dont a beaucoup parlé Nadir, a fini par être dessinée sur la façade d'un bâtiment à Malakoff dans le sud de Paris. Puis, il réalise un film documentaire sur sa mère Messaouda, qui a fait le tour de beaucoup de salles de cinéma en France.
Messaouda qui dit dans le film n'avoir pas de place ni en France ni en Algérie qu'elle ne reconnait plus, est revenu en star, début septembre dernier, dans sa ville natale, Béjaïa. Son film a fait l'ouverture des Rencontres cinématographique de Béjaïa. Ce film de Nadir Dendoune, auquel beaucoup de fils d'immigrés se reconnaissent, a suscité beaucoup de réactions en France.
Car il n'est pas seulement destiné aux gens originaires du Maghreb ou d'Afrique, comme il le dit si bien son réalisateur Nadir, mais aussi pour tous ceux qui sentent délaissés et pour qui on ne donne jamais la parole pour s'exprimer.
Lors de sa présentation en septembre dernier à Paris, à la fête de l'Humanité, une jeune Française, présente lors de la diffusion avec sa mère, dit reconnaître la sienne dans le film, elle, qui vit une situation pareille, après son exode d'une ville de l'intérieur de France vers Paris.
Des figues en avril est programmé dans les Instituts français le 17 octobre à 18h à Alger, le 18 octobre à Constantine et le 9 décembre à Tlemcen. Une occasion de le voir et de rencontrer Nadir Dendoune pour plus d'histoires et d'aventures. Meziane Abane
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