Algérie

Morts au printemps



Treize morts au printemps... et trois disparus sur lesquelson ne garde pas grand espoir. Une fin de parcours triste à en pleurer pour uneéquipée de seize garçons de Tiaret, entre 25 et 40 ans.Pour les familles qui savent en général que les leurs sonten « partance », c'est le calvaire de l'attente de la confirmation fatidique. Pourquoipartent-ils alors qu'ils ont peu de chance d'arriver vers un port ? En ceprintemps déjà naufragé, on ne se hasarde plus à donner des réponses. L'explicationpar l'économie et les conditions sociales n'est pas fausse, mais elle resteinsatisfaisante. Tous les harraga recensés ne sontpas dans une misère noire. Mais cela ne rassure plus.A bien tendre l'oreille, on a la troublante sensation queles harraga qui passent à l'acte ne sont qu'uneinfime partie des harraga potentiels. Pourquoi ceuxqui partent n'entendent pas les arguments si raisonnables de ceux qui leurdisent qu'il y a infiniment plus de probabilité d'échouer que de réussir ? Pourquoiles récits de ceux, fort rares, qui ont « réussi » l'échappée ont-ils plusd'écho que les tristes fins des autres ? Pourquoi ces corps que la mer rejetten'ont pas d'effet dissuasif ?Ces questions sont peut-être trop rationnelles pour desjeunes qui ont le sentiment qu'ils gâchent leur vie à attendre... Le discours«raisonnable» est en tout cas inefficace. On a pratiquement tout essayé dans cedomaine. La «sensibilisation», comme on dit, est totalement sans effet et lescandidats à la harga sont à chaque fois plus nombreux.On aura tout essayé, et même l'intervention des religieux pour décréterreligieusement illicite la harga - en l'assimilant ausuicide - tombe complètement à plat.C'est qu'au fond, tout le monde sait que le harrag est moins un suicidaire que quelqu'un qui aspire àvivre mieux. Cela a été la motivation de milliers de cadres algériens qui, sansrecourir à la harga, sont partis ailleurs pourchercher une meilleure qualité de vie. L'assimilation de la hargaau suicide est tentante mais elle est trop facile. Tout comme est grotesquel'incrimination de l'étiolement du sentiment patriotique qu'on a pu entendrechez certains responsables. C'est que l'argumentaire du discours nationalisteou religieux n'a aucun rapport avec le «maranach m'lah», le «nous ne sommes pas bien» des jeunes d'Algérie.Il suffit de voir nos villes: elles suintent l'ennui. Neparlons pas des villages et des campagnes. On s'ennuie à mourir quand, àquarante ans et plus, on n'a pas l'espoir raisonnable d'avoir un logement et defonder un foyer. On s'ennuie à mourir quand on a vingt ans et qu'on n'a que lestade et TPS comme défouloir ou la mosquée comme dérivatif. Même ceux qui sontrelativement bien lotis s'ennuient dans ce pays où la mixité reste trèsproblématique. On s'ennuie tellement qu'on cherche à partir vers des ailleurs, alorsque l'on sait qu'on n'aura pas la belle vie. Mais on a le sentiment que la viey sera moins dure et moins triste. Maranach m'lah ! C'est encore ce message lourd et triste que nousfont entendre ces morts au printemps.



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