Algérie

Mohand Saddek Akrour élu à la tête de la commune de Barbacha (Béjaïa)



Le camarade président d?APC Et si la révolution socialiste renaissait de ses cendres en Algérie comme en Amérique latine ? Ne souriez surtout pas à cette utopie politique et gardez-vous de la balayer d?un revers de main méprisant, un Hugo Chavez local, en la personne de Mohand Saddek Akrour qui vient de faire éclore la première graine dans une commune perdue dans la Kabylie profonde. Précisément à Barbacha, un coin de montagne tellement perdu que vous aurez toutes les peines du monde à le situer sur une carte géographique, même avec l?aide précieuse de Google earth. Ceci dit, situer est une chose, rejoindre en est une autre. La seule route qui relie Amizour à Barbacha est dans un état plus que lamentable. C?est, nous dit-on, un chantier qui doit accoucher d?une route nationale qui va porter le no 75 dans quelques mois ou quelques années, si tout va bien. Après avoir martyrisé les suspensions de notre véhicule sur une bonne vingtaine de kilomètres sinueux, nous arrivons à Barbacha en plein marché hebdomadaire. Comme c?est souvent le cas dans les communes rurales, le marché à bestiaux et celui des fruits et légumes occupent l?essentiel de ce qui tient lieu de rue principale. Il y a bien un siège d?APC et un autre de daïra à Barbacha, c?est incontestable. Ces deux administrations existent bel et bien, contrairement à ce que laisse supposer l?état de développement de la région, mais comme dans tous ces bourgs oubliés qui parsèment l?arrière-pays de Béjaïa, elles ne servent, dans le meilleur des cas, qu?à se faire délivrer un extrait de naissance ou un permis de conduire. Pour le reste, l?espoir fait vivre. Depuis les dernières élections communales, il porte même un nom. Un nom qui fleure bon le terroir puisque il s?agit de Mohand Saddek Akrour, figure mythique du microcosme politique kabyle mais méconnue du grand public. Celui-ci vient de faire une entrée fracassante sur la scène politique officielle, en raflant six des neuf sièges de sa commune sous les couleurs du PST. Ce parti est le dernier vestige d?une extrême gauche algérienne devenue soluble dans les idéologies hybrides de ces dernières années. Autre détail qui vaut son pesant d?importance, à l?inverse de beaucoup de candidats qui sollicitent le suffrage universel, c?est la population qui l?a sollicité pour occuper le poste de maire. Et cette « plèbe » pour laquelle il n?a jamais cessé de se battre l?a tout bonnement plébiscité. « On te donne la mairie, tu en fais ce que tu veux », lui a-t-on dit. On lui a donc confié les clefs de la ville, comme on donnerait le bon dieu sans confession à quelqu?un en qui on a entière confiance. Ses trente ans de lutte aux côtés des pauvres et des opprimés, son engagement sans faille dans tous les combats des siens parlent pour lui. Avec éloquence. Dans la petite pièce qui a servi de QG de campagne, nous rencontrons quelques militants affairés autour d?un micro-ordinateur. Le local est désespérément nu. Seule une affiche manuscrite orne un mur. « Quand le chemin est difficile, la difficulté devient le chemin », est-il écrit. Signé Che Guevara. Benyahia Mohand Tayeb, jeune homme au visage ascétique et quatrième sur la liste élue commente la campagne : « Nous n?avons promis que la transparence », dit-il avec cette sobriété et cette tranquille assurance des paysans qui savent que l?effort ne garantit jamais la récolte. Il nous avertit que Mohand Saddek va bientôt arriver. Quelques minutes plus tard, le professeur d?économie à l?université de Béjaïa arrive, en effet, emmitouflé dans son burnous. La cheville ouvrière des mouvements de masse Dans le milieu de la faune politique algérienne, Mohand Saddek Akrour est une espèce que l?on croyait définitivement éteinte. Pour s?en convaincre, il suffit de jeter un coup d??il sur son parcours. Il est l?un des principaux animateurs du MCB, l?un des membres fondateurs du, mouvement culturel amazigh des Aurès MCA, l?un des principaux organisateurs des événements de mai 1981 qui ont secoué Béjaïa, membre fondateur du premier syndicat libre, le Satef, un acteur des événements de 2001, l?un des piliers du CNES et on en passe. Sa route a croisé celle de tous les acteurs politiques et sociaux importants d?hier et d?aujourd?hui. Avec une constance qui ne s?est jamais démentie, il a été le porteur d?eau de tous les mouvements politiques et sociaux qui ont secoué la Kabylie ces dernières années. Une cheville ouvrière dévolue aux tâches ingrates d?organisation, d?encadrement et de structuration et d?autant plus précieuse que l?on n?a rarement entendu se plaindre, de voir d?obscurs compagnons cueillir sur le devant de la scène médiatique le fruit de son travail de coulisses. Après avoir affûté ses premières armes au lycée El Hammadia de Béjaïa, Saddek Akrour a fait son entrée officielle en politique par la porte étroite de la prison, qu?il a connue assez tôt. Pour avoir contesté un maire imposé par le pouvoir et saccagé la kasma de la commune, il est arrêté avec une poignée de camarades en décembre 1979. Trois mois de prison plus tard, c?est un militant aguerri qui retrouve la liberté et un printemps berbère qui venait d?éclore dans un fracas assourdissant. Il entre dans la clandestinité et structure les villages. Tout en enseignant dans un CEM, il passe son bac en candidat libre et l?obtient en 1982, avant de rejoindre l?université de Tizi Ouzou. Etudiant enseignant, il prend une part active à tout ce qui agite l?université et la société. Il est de toutes les grèves, de toutes les marches et de toutes les contestations qui parsèment les années 1980 et 1990. En 1988, il s?implique dans les événements d?octobre. Avec d?autres militants, il rédige cette déclaration que son ami Matoub Lounès distribuait, quand il a été mitraillé à bout portant par les gendarmes sur la route de Aïn El Hammam. Au tout début des émeutes d?avril 2001, le 24 avril il rédige la première déclaration de ce qui allait devenir le mouvement des archs. L?appel, signé par le comité universitaire et par la société civile, exhorte à l?auto-organisation. Il est ensuite l?un des principaux rédacteurs de la plateforme d?El Kseur. Celle qui a été rédigée à l?amphi 5 de Targa Ouzemmour ; bien avant qu?elle ne soit expurgée de son contenu démocratique à El Kseur. « Il a contribué à transformer un mouvement d?émeutes en mouvement de lutte », dira son compagnon, Kamel Aïssat. Pendant la dernière campagne électorale, ses adversaires politiques ne lui ont pas fait de cadeau. Croyant détenir l?arme fatale qui allait le terrasser, ils ont d?abord exhumé une vieille photo où on le voit aux côtés du Premier ministre Sid Ahmed Ghozali à une table de négociations, où l?on reconnaît, entre autres, un Belaïd Abrika imberbe. Ayant fait chou blanc, ils récidivent en mettant publiquement l?accent sur son athéisme déclaré, en espérant attirer sur lui les fourches caudines des croyants. Il a fallu qu?il explique posément dans ses meetings qu?il n?y avait aucune clause de son programme politique qui ambitionnait de raser les mosquées. Sur le perron d?un commerce qui domine le marché, Saddek nous fait remarquer qu?un seul fellah ramène encore ses propres produits au souk. Tout vient des marchés de gros de la vallée. L?agriculture a été proprement assassinée. Il ne reste plus que quatre paires de b?ufs de labour et une dizaine d?ânes. Lui, a gardé le sien même s?il ne lui sert plus à grand-chose. Il pense pouvoir relancer les trois produits qui ont depuis toujours fait l?économie de la région : l?olive, la figue et la câpre.
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