Algérie - Revue de Presse

Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, à L’Expression «La police a fait montre de sauvagerie»



Publié le 30.03.2024 dans le Quotidien l’Expression
Témoin et l'un des architectes des manifestations du 17 octobre 1961, Mohamed Ghafir nous a accordé un entretien sur les manifestations du 17 octobre 1961. Nous en reproduisons une partie...
L'Expression:Un couvre-feu à partir de 20 heures, jusqu'à 5 heures du matin a été imposé aux Algériens par le préfet Papon, à partir du 5 octobre 1961. Comment s'est organisée la riposte au sein de la Fédération de France du FLN?

Mohamed Ghafir: D'abord, nous avons été informés de la date du début du couvre-feu par voie de communiqué. Le ton était plus ferme et la plage horaire annoncée par la préfecture avait pour objectif d'étouffer les activités des militants. D'entrée, on sentait clairement que la préfecture de Paris avait la ferme intention de faire respecter strictement la mesure de Papon. Il devenait, dès le 5 octobre, impossible de circuler en métropole. Les arrestations étaient systématiques et bien plus nombreuses que lors du premier couvre-feu en 1958. Les réunions devenaient très difficiles à organiser. Beaucoup de militants voulaient briser cette interdiction de circuler. Au niveau de la direction de la 7e wilaya, nous ne voulions pas improviser. Nous avons transmis des rapports au Gouvernement provisoire les informant de la situation. Nous avons reçu la directive en date du 12 octobre. Selon le document, l'action devait être populaire et divisée en trois phases. La première devait débuter le 17 octobre avec appel aux Algériens d'investir les grands boulevards de la capitale française à partir de 20 heures. La deuxième phase devait débuter le lendemain, c'est-à-dire, le 18 octobre, à travers une grève générale dans toute la France. La troisième phase du plan du GPRA consistait en une manifestation de toutes les femmes algériennes devant les commissariats et les casernes de la gendarmerie.

Sur le plan organisationnel, comment a été gérée cette manifestation par la Fédération de France du FLN?

Des instructions fermes ont été données pour éviter tout acte violent. Les armes, les couteaux et même les bâtons ont été proscrits par l'organisation. Les manifestants ne devaient en aucun cas répondre aux provocations. Nous nous attendions à des arrestations massives. Aussi, les cadres de la Fédération ont été tenus à l'écart pour éviter tout affaiblissement de l'organisation. L'objectif était de faire une démonstration de force pacifique de la détermination des Algériens. On tentait de renouveler la grève des 8 Jours de 1957. On était très loin de penser que les policiers allaient faire montre d'une sauvagerie, aujourd'hui encore, innommable.

Comment avez-vous vécu l'après - 17 octobre 1961?

Le couvre-feu a été levé le 19 octobre, mais les policiers sévissaient toujours contre les Algériens plusieurs jours après. La terreur n'était donc pas retombée. Mais je retiens que tous les martyrs du 17 octobre 1961 ont contribué à hâter l'indépendance du pays. Et pour cause, le 28 du même mois, le président De Gaulle avait appelé à la reprise des négociations. Moins de 5 mois plus tard, le 19 mars 1962, le cessez-le-feu a été signé entre la France et le GPRA.' à chaque pays son histoire et à chaque peuple sa mémoire. Il reste établi que la Déclaration d'Alger, paraphée par les deux chefs d'État en août 2022, a balisé le champ pour une prise en charge intelligente et courageuse des problématiques liées à la mémoire. Objectif annoncé: appréhender l'avenir commun avec sérénité. Depuis, un travail important a été accompli jusque-là par la commission conjointe d'historiens algériens et français. Dans un autre registre, celui de la coopération, des perspectives prometteuses ont été tracées par les gouvernements et les patrons des deux pays. Et c'est dans ce contexte qu'arrive la résolution de l'Assemblée française sur les crimes du 7 octobre qui marque incontestablement une grande avancée.

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