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Mission de l'UFL au nord du Mali La lumière revient à Tombouctou et à Gao



Mission de l'UFL au nord du Mali La lumière revient à Tombouctou et à Gao
Après plus de neuf mois de siège, Tombouctou et Gao sont libérées. Dans le Nord, la vie reprend doucement sur les ruines et les traumatismes laissés par les "forces du mal". La mission d'information de l'Unité de fusion et de liaison s'y est rendue au moment où l'armée qui s'est redéployée fait face à de vives critiques quant à son comportement sur le terrain, notamment vis-à-vis de la population civile. Des exactions, des exécutions extrajudiciaires que Bamako et les responsables militaires démentent. La mission de l'UFL a eu à rencontrer l'ensemble des acteurs civils et militaires mais aussi population et mouvements associatifs, notables et religieux, dans la capitale malienne et dans les villes du Nord. Constat : deux défis majeurs les attendent, la reconstruction qui fait l'objet d'un vaste programme et les élections présidentielles du 28 juillet qui rétabliront la légitimité institutionnelle.
Tombouctou, ville mythique et millénaire, n'est, en ce mois de mai 2013, qu'une plaie, une blessure. Ville fantôme sous une chape de peur. Elle porte encore en ses recoins, ses rues et ses façades les stigmates de neuf mois de siège des fous de Dieu. "Les forces du mal", selon le peu d'habitants qui sont restés et ont subi "l'ordre" d'Ansar Eddine. Ils parlent volontiers d'occupation. "Nous étions dans une prison à ciel ouvert", dit l'imam Abderrahmane Ben Essayouti qui traduit aussi pour deux autres imams réunis près de l'école de la zaouïa. C'est un miracle qu'on ait survécu, dit-il, après avoir décrit la situation que Tombouctou a endurée.
La majorité de la population a fui. Exode massif qui a laissé vide la ville. Et elle manque de tout. Rareté des produits alimentaires, commerces fermés et lenteur dans la distribution des aides humanitaires. Et les services sociaux sont presque inexistants. L'administration vient à peine de se réinstaller. Le gouverneur a repris son "siège", investi par les terroristes qui l'ont transformé en commissariat islamique. Un ancien militaire raconte son drame avec "ces forces du mal" qui ont saccagé sa maison, détruit ses souvenirs et l'ont jeté à la rue. Dans une chemise, il garde comme un trophée les photos des terroristes retranchés dans le gouvernorat et abattus par les forces françaises. Il les montre, "récite" leurs CV. En face, le monument de l'indépendance est à terre, détruit par les terroristes qui se sont attaqués à tout ce qui ne cadre pas avec leurs pratiques.
Les rues, les ruelles des quartiers sont vides, sombres à inspirer la crainte. Crainte qui s'accentue le soir où l'électricité n'est disponible que pendant cinq heures. Idem pour l'eau, car les générateurs et les pompes ont été saccagés. Mais la vie reprend. Doucement. Quelques familles déplacées sont d'ailleurs revenues. Les ONG sont présentes pour combler les déficits. Notamment la distribution des denrées alimentaires. Il y a cependant des insuffisances, selon les habitants.
"Les ONG ne prennent qu'entre 25 et 30% de la population alors que tout le monde est dans le besoin", nous dit-on.
Cette situation dramatique n'a rien altéré de l'hospitalité de la population habituée au flux de touristes dont Tombouctou était, il y a peu de temps, comme un lieu de pèlerinage et de ressourcement. Cheikh Alpha Daha Kounta, membre du bureau exécutif de la Ligue des ulémas, imams et prêcheurs du sahel, et de la tarika Kadiria, originaire de Tombouctou, même affecté par l'état de sa ville, a trouvé les ressources pour "alléger" le poids de la mission et entamer sa mission d'information sur la ligue et ses objectifs.
Il y a cependant des signes encourageants. Le retour de l'administration qui met les bouchées doubles pour rétablir les services administratifs. Le gouverneur, le colonel-major Mamadou Mangare, qui a repris ses quartiers dans un état de ruines, a repris le travail dans des conditions minimales et reste optimiste. Avec l'instauration de la sécurité et la reprise du travail de l'administration, les familles vont revenir, selon lui. Si de nombreuses familles ne sont pas encore revenues, c'est en raison de la scolarité de leurs enfants. Entouré de son staff, il s'attelle à rétablir l'ordre même si la tâche semble le déborder, tant tout reste à refaire dans la ville. Priorité donc à la reconstruction.
Au plan sécuritaire, la situation est maîtrisée. Après les frappes, la ville est passée sous contrôle avec des barrages de l'armée malienne, les forces de la Misma et les forces françaises. La mission de la Misma est offensive, a indiqué le colonel Jills Bationo, commandant du bataillon burkinabé chargé de la sécurisation de l'aéroport de Tombouctou. Une seule fois, au mois de février, les terroristes ont essayé de prendre l'aéroport, mais ils ont été repoussés. "Ils (les terroristes) refusent le contact, l'affrontement", a indiqué l'officier burkinabé. Le bataillon vient, selon son premier chef, en soutien à l'armée malienne et opère avec deux patrouilles dans la ville et ses environs. Une réunion régulière se tient tous les jours alors qu'un point de la situation hebdomadaire se tient avec l'armée malienne et les forces françaises. La seule difficulté, a-t-il reconnu, est dans l'approvisionnement des troupes. Des séances de travail sont également organisées avec les habitants de la ville afin de les sensibiliser contre le terrorisme et pour jouer un rôle dans la sécurisation de leur ville en dénonçant toute présence étrangère ou suspecte. Les ulémas et imams sont également mis à contribution dans cette 'uvre. Le Mali a toujours été un pays de paix, cette guerre nous a été imposée, a affirmé l'imam Al-Aqib de la mosquée de Sankore.
Ces derniers ont déjà entamé le travail avec une campagne de sensibilisation via les cassettes audio, les médias et le travail de proximité à l'endroit surtout des jeunes. Ils déplorent, par ailleurs, que les terroristes se soient attaqués au patrimoine de la ville, les mausolées qu'ils ont détruits. C'est un patrimoine universel, le préjudice n'est pas seulement pour le Mali mais pour le monde, a déclaré l'imam. Ils ont également plaidé pour la réconciliation entre les Maliens. Ils ont appelé au dialogue et à la concertation. "C'est à travers la concertation qu'on peut se parler", disent-ils, entendant par là, "laver leur linge en famille".
La grande plaie qui choque le regard est certainement les mausolées vandalisés et détruits par les "fous de Dieu".
Situés tout autour de la grande mosquée de Tombouctou, à de rares exceptions, tous les mausolées sont passés au pic et à la houe. Même les cimetières ne sont pas épargnés. Tout est réduit en tas de gravats. Les seuls "vestiges" rescapés sont situés à des endroits invisibles à partir des grandes artères de la ville. Les notables et les religieux en parlent avec une douleur dans les mots. Mais l'espoir pointe à l'horizon avec les promesses de l'Unesco de les remettre en état. Des architectes locaux sont déjà à pied d''uvre. L'institution culturelle internationale devrait dépêcher ses spécialistes sur les lieux pour faire une évaluation.
L'urgence cependant, estime le colonel Keba Sangare qui a repris le camp militaire de la ville, est dans le rétablissement de la sécurité, des services sociaux et l'organisation des élections présidentielles du 28 juillet afin d'asseoir des institutions légitimes. Même urgence pour l'administration locale, le gouvernorat qui a la charge de l'organisation du scrutin. Même préoccupation quant au rétablissement des services sociaux de base, l'eau, la santé, l'éducation et surtout les banques qui ont été pillées par les terroristes et qui demeurent encore fermées. Après de longues nuits aussi caniculaires que les jours, s'annonce la route de Gao. Chemin tortueux avec une chaussée inégale qu'il faut non pas parcourir mais affronter. Sur la route, des délégations escortées, des convois militaires, des autobus, un flux ordinaire sur un parcours bien sécurisé. À l'orée de la ville, un check-point vous oblige, à la tombée de la nuit, à rester sur place jusqu'au lendemain. Il existe encore des poches de terroristes actives.
Dès l'abord, la ville sent une atmosphère tendue. Et pour cause ! Les terroristes ont déjà opéré. Un attentat dans le marché et une tentative d'attentat kamikaze contre des militaires. Heureusement qu'ils avaient réagi à temps pour éliminer le kamikaze en moto et la voiture bourrée d'explosifs a été neutralisée. Il y a également des mines artisanales enterrées par endroits. Depuis, la vigilance est de mise. Et pour parer à la menace, administration, services de sécurité et population travaillent en collaboration.
La ville a été occupée par le Mujao qui n'a absolument rien à voir, selon le gouverneur, avec la religion. "Ils ne savent même pas prier ou ne prient pas du tout", ont indiqué Abdelaye Touré, Ismaïl Touré et Osmane Salah Maiga, membres du Haut-Conseil islamique. Ils ont révélé que ces terroristes n'étaient pas venus pour la connaissance, mais qu'ils avaient d'autres intentions. Ont-ils d'ailleurs sollicité les imams pour résoudre certains cas. Quand les imams ont refusé de collaborer, ils se sont mis à Internet pour consulter "les châtiments". Ils ont commis de graves dépassements et une rare violence sur la population et ses biens. Ils ont frappé, violé, pillé, saccagé, vandalisé et mis à sac les infrastructures. "Ils ont ramené la ville cinquante ans en arrière", a indiqué le gouverneur. Et de se demander si les "enfants qui ont fait cela sont sains".
Malgré cela, la situation s'améliore avec la réouverture des écoles, le retour des médecins et des personnels administratifs. Il reconnaît cependant que la pauvreté est à l'origine de la dégradation de la situation et qu'elle a créé un climat propice pour les djihadistes. Tant qu'il y a l'injustice, il y aura la rébellion, ont estimé les imams qui mettent l'accent sur la répartition inégale des richesses du pays. Selon le gouverneur, il faut un programme de développement durable qui constitue une partie de la solution pour les régions du Nord. En plus du défi sécuritaire qui incombe en premier lieu aux forces militaires, l'autorité locale, gouverneur, préfets et sous-préfets font face à d'énormes difficultés étant donné que les terroristes ont ruiné la région. Tout est à refaire, à reconstruire pour assurer le retour des déplacés et des réfugiés et, bien entendu, organiser la présidentielle dans de bonnes conditions.
Le geste le plus fort reste cependant celui de l'ambassade d'Algérie à Bamako qui a décidé de remettre, symboliquement, le drapeau au consulat de Gao. Geste très significatif de l'évolution de la situation dans cette ville martyrisée par les hordes du Mujao.
Même débarrassée de ces forces du mal dont "on ignore les véritables intentions", selon un religieux de Gao ' il ne s'agit pas de guerre de religion, précise le gouverneur ', la menace est persistante. Il y a encore des mines et probablement quelques poches de terroristes qui seraient tentés de commettre des attentats. Au poste de commandement du contingent malien, Badenko Abdulaye, chef d'état-major opérationnel, qui a réinvesti le camp de la ville, est plutôt rassurant. Son unité opère des patrouilles et va au-delà des limites de la ville afin de débusquer les éventuels groupuscules terroristes. Pour le commandant de la Misma, il s'agit d'un défi, d'un challenge à Gao mais que la question de Kidal relève du politique.
Tout le monde s'accorde cependant sur la nécessité de l'implication de la population pour éradiquer les zones résiduelles. La population participe avec l'information et cela représente 80% du travail, l'armée c'est 20%, rappelle le commandant de la Misma.
Timidement, Tombouctou et Gao se relèvent et reprennent l'activité doucement, lentement tel le temps qui s'écoule alors que le mercure atteint des cimes avant l'hivernage.
D. B.
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