Algérie - Mosquée Agadir, Tlemcen


Minaret d’Agadir
Nous avons dit plus haut dans quelles conditions Idrîs I er édifia la mosquée d'Agadir, El-Jâmi El-Atik (la vieille mosquée), comme on l'appelle parfois. Son fils Idrîs II y retravailla, et la dota d'une chaire. Suivant le Qartas, un voyageur du XI e siècle de l'hégire aurait encore vu au sommet du minbar d'Agadir un morceau de bois où étaient gravés ces mots : « Construit par les ordres de l'imàm Idrîs-ben-Idris-ben- Abd Allah dans le mois de Moharrem 199-1 ». Quant au minaret, il fut, selon El-Tenesi, l'œuvre de Yarmorâsen. Il paraîtra extraordinaire que, pendant quatre siècles, cette mosquée cathédrale d'une ville importante fût demeurée sans minaret : au surplus le terme «banâ », construire, qu'emploie El-Tenesi-2, a une signification extrêmement lâche. Il peut s'appliquer à une réédification, aussi bien qu'à une fondation ; et peut-être que la base du minaret, faite de pierres de grand appareil empruntées à des constructions romaines, nous offre les derniers vestiges d'un minaret primitif, antérieur à Yarmorâsen, et partiellement reconstruit par lui.
La Jâmi El-Atîq suivit le sort d'Agadir. Elle cessa d'être fréquentée au fur et à mesure que le vieux quartier qui l'entourait était déserté. On y disait encore la prière du vendredi au XV e siècle, sous le règne d'Abou El-Abbâs Ahmed-3. Même le Bostân mentionne le savant Ali-ben-Yahya Es-Salaksini, qui mourut en 1564, comme ayant été imâm de la mosquée d'Agadir ; ce personnage y faisait en outre des cours très fréquentés-4. Mais, avec la domination turque, Agadir fut définitivement ruiné, et sa mosquée n'eut vraisemblablement plus de fidèles. Peut-être continua-t-on encore, au XVII e siècle, d'y réciter le Coran-5; c'est une pratique pieuse qui persiste dans les mosquées après qu'on n'y célèbre plus le culte-6. A l'entrée des troupes françaises à Tlemcen, la Jâmi El-Atiq ne présentait plus qu'un amas de décombres qu’on fit disparaître. Le minaret seul subsiste encore.
Ce minaret est situé dans un champ, à 15 mètres environ d'un chemin qui descend de la porte actuelle de l'Abattoir à la vieille route de Safsaf. D'après les renseignements que nous avons recueillis, il était, comme les minarets de la Grande Mosquée de Tlemcen, de Sidi Bou-Médiène et de Sîdi El-Halwi, situé au Nord de la mosquée. Sa base, jusqu'à une hauteur de 6 mètres, est formée de belles pierres, empruntées à des constructions ou à des tombeaux romains. Plusieurs portent des inscriptions latines-7. Au-dessus de ce soubassement s'érige une tour de brique dont les cotés sont ornés de faibles défoncements, garnis d'arcatures et de réseaux, et percés de fenêtres étroites éclairant l'escalier. Le décor varie peu sur les quatre faces. On rencontre d'abord, en partant du bas, un petit rectangle garni, soit d'une arcade festonnée portant sur deux pilastres de brique, soit de deux arcades lobées reposant sur une colonnette médiane monolithe et couronnée d'un chapiteau à crosses simplement épannelées. Des colonnettes semblables soutiennent les arcs lobés des grands réseaux supérieurs, composés de diagonales lobées sans ornements, ou à lambrequins et décorés régulièrement de fleurons en terre cuite incrustés d'émail vert. Une bande de briques forme ceinture et précède la galerie supérieure. Celle-ci est formée de cinq arcades lobées portant sur des colonnes sans chapiteaux. Des merlons à redans couronnent la plate-forme. L'édicule terminal porte un arc à feston, et un petit réseau. Des incrustations de plaques vertes et un cadre à décor étoile en complètent le revêtement.
Un escalier de cent vingt-trois marches, portant sur un noyau central, permet l'accès à la plate-forme. Les rampes en sont couvertes, dans les trois premières volées, par des dalles romaines et dans le reste de l'escalier, par des voûtes d'arêtes en brique.
Ce minaret, classique de plan et de composition, et de proportions très élégantes, était très probablement revêtu en entier d'un enduit à la chaux.

NOTES :
1- Cf. Roudh-el-Qartâs, p. 60.
2- Ed-dourr wal-Iqyân (manuscrit de la Médersa de Tlemcen, fol. 60.
3- Cf. Complément de l'Histoire des Benî-Zeiyan.
4- Bostân, notre manuscrit, p. 296-299; Ali-ben-Yahya était, à ce qu'indique le texte, à la fois moueddin et Imàm à la mosquée, ce qui semble indiquer, que ce sanctuaire n'avait plus aucune importance.
5- Cf. Habous de la mosquée de Chikh Senousi, ap. Revue africaine, septembre 1861, p. 332, 1. 13.
6- Il en est encore ainsi dans certaines mosquées ruinées de Bou-Médiène; comp. Doutté, ap. Journal asiatique, janvier 1902, p. 161 ; in fine.
7- Cf. p. 10, note 3. — Tlemcen, ancienne capitale, p. 133 et suiv : nous ne saurions, bien entendu, souscrire à l'amusante remarque de Barges, qui loue l'architecte musulman «d'avoir fait preuve d'intelligence en plaçant dans le mur des inscriptions latines, de manière à pouvoir être lues » (p. 163*. — Voir Cagnat et Saladin ap. Voyage en Tunisie. Tour du Monde 1885 11. p. 318, un exemple analogue.

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