Algérie

Mendiants professionnels La manche, l'autre façon de vivre




La rumeur a vite fait le tour des bouches avides de sensationnels,porteuses d'info de première main à distribuer au petit matin. Le scandale decette fin d'hiver doux est tout trouvé, ficelé, empaqueté et prêt à être livré.On s'offusque, on se découvre une âme de Zorro caché et on s'indigne à lavue de ces pauvres hères chassés, sans ménagement, par une cohorte d'agents auregard d'acier. On se surprend à remarquer ces mendiants d'un autre âge, toujourslà, quémandant la B.A de la journée, évacués manu militari par des uniformes aucoeur impitoyable. Et tout cela, parce qu'un Roi va visiter la ville. «Ça mefait mal de voir ces agissements, chasser des mendigots pour que Bouteflika etle président de l'Espagne ne les voient pas», s'indigne Rabie, vendeur à lacriée, visiblement pas très au courant de l'identité de l'hôte de l'Algérie.D'autres mots plus durs caractérisent cette impression de hogra qui veut que lechâabi, le prolo, paye toujours en premier et en dernier. «Ce n'est pas de leurfaute s'ils font la manche pour manger», renchérit Abdellah, étudiant en fin decursus, le regard fatigué et la dégaine nonchalante. Sa cigarette qui pendilleau coin des lèvres finit par lui donner un faux air des personnages de westernde Sergio Léone. «J'ai l'impression qu'on est le seul pays qui a honte de samisère alors que partout, où ton regard se pose, ce n'est que souffrance etpauvreté», philosophe Ahmed, la trentaine, enseignant de son état. Entre deuxgorgées d'un café douteux, il se laisse aller à analyser la situation«dramatique» du pays. «Ce n'est pas la première fois que ça arrive. Tu terappelles quand ils ont chassé les SDF des rues parce qu'il y avait unedélégation d'étrangers qui devait visiter le palais des expo et que çacoïncidait pile avec leur semaine de l'énergie, hein, dis !» conclut-il,apparemment satisfait de sa disserte. Ce que raconte Ahmed a aussi fait sontemps lorsque la prise en charge des Sans domicile Fixe avait débuté et que lesgens l'ont, allègrement, assimilé à une opération de nettoyage des rues.  L'information sur le «ramassage»des mendiants, le long du centre nerveux de la Cité , s'est propagée à lavitesse d'une méchante épidémie de grippe et les candidats à la manche ne sebousculent plus au portillon de la misère pour étaler leurs détresses etexhiber leurs malheurs sur les trottoirs de la République. Ce revirement dansles moeurs «cupides» de ces professionnels de la pauvreté renseigne, on ne peutmieux, sur la profondeur du mal qui ronge la société. Confronté à ces bruits etchuchotements de la ville, le docteur Abed Khouidmi, premier responsable duCroissant rouge local, a un fugace sourire forcé qui peut résumer, à lui seul,la situation. Revenant, en arrière, celui qui est aux premières lignes dans cegenre d'opération, semble gêné de s'expliquer sur des questions qui n'ont mêmepas lieu d'être posées.

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