Algérie - A la une



Mémoire et avenir
Aujourd'hui, samedi 24 janvier 2015, la Cinémathèque algérienne boucle cinquante ans d'existence jour pour jour. Un demi-siècle pour cette institution culturelle qui demeure l'une des plus (sinon la plus) prestigieuses du pays. Quelle autre entité en effet peut se valoir dans notre pays d'une aura nationale et internationale aussi importante et étendue ' Quelles que soient les vicissitudes qu'elle a connues par la suite, jusqu'à atteindre le fond, la force de sa période pionnière puis de ses premières années reste inscrite dans les mémoires tant en Algérie qu'à l'étranger, tant auprès des cinéastes que des cinéphiles.La Cinémathèque d'Alger a longtemps fréquenté les cimes de la légende. Elle s'était attirée un immense capital de sympathie dans le monde. Comment un pays récemment indépendant avait-il pu monter une telle entreprise culturelle ' C'est ce que se demandaient de nombreux observateurs et hommes de culture dans le monde, ne cachant pas leur admiration.Il est certain qu'elle était parvenue, et dans des délais records, à se constituer un patrimoine filmique et à générer une activité d'un tel niveau que les spécialistes et professionnels la considéraient alors comme une des meilleures cinémathèques au monde, certains la classant même comme la deuxième après la Cinémathèque française, référence de premier plan.Des générations entières ont été marquées par la Cinémathèque. Pas seulement des cinéphiles «enragés» mais des promotions entières d'étudiants qui sont devenus et sont encore, pour certains, cadres ou universitaires. Elle a réellement contribué à diffuser une culture cinématographique de qualité dans la société puisqu'elle touchait aussi des catégories socioculturelles défavorisées.Le prix de l'entrée, longtemps fixé à 3 ou 5 DA, a permis à des légions d'étudiants, de jeunes, de chômeurs et d'employés de découvrir les chefs-d'?uvre du 7e art. Une autre raison, sans doute, était que la vie culturelle se limitait à quelques rares pôles qui condensaient toute l'attention. A Alger, par exemple, qui passe pour être avantagée culturellement, on ne comptait finalement que le Théâtre national algérien, la galerie Mohammed Racim et quelques autres espaces artistiques, sans omettre le réseau de salles commerciales alors encore valides.L'engouement pour la Cinémathèque s'explique aussi par la faiblesse de l'offre culturelle. Une faiblesse cependant quantitative, car du point de vue de la qualité des contenus et de leur réception par les publics, le niveau était très élevé. Dans ce contexte où, rappelons-le, il n'existait qu'une seule chaîne de télévision et où les actuelles technologies de communication faisaient encore partie de la science-fiction, un autre facteur a joué en faveur de la Cinémathèque : l'engouement extraordinaire des Algériens et Algériennes pour le cinéma.Ces divers éléments ont concouru sans doute au succès de l'aventure, sans doute unique au monde (ou du moins du Tiers-Monde), de la Cinémathèque algérienne. Toute aventure a des aventuriers et il en fut, peu nombreux mais remarquablement motivés, d'un niveau intellectuel et artistique élevé, ingénieux à monter des projets et des programmes et à surmonter les difficultés innombrables. Ne pouvant tous les citer ici, nous avons mis en lumière l'un des fondateurs essentiels de l'institution, Ahmed Hocine, qualifié souvent de «père de la Cinémathèque algérienne» (lire ci-dessous).Le noyau qu'il avait constitué autour de lui comprenait des Algériens, mais également quelques Français attachés à l'Algérie et, particulièrement, Jean Michel Arnold, qui avait fait ses armes à la Cinémathèque française, laquelle, dirigée par le grand Michel Langlois, avait apporté son soutien au projet par des aides diverses.Cette bienveillance reconnue a, toutefois, entraîné des confusions parfois entretenues et, particulièrement, l'affirmation selon laquelle la Cinémathèque de Paris avait quasiment créé celle d'Alger. Dans un article de référence, Ahmed Bedjaoui, qui fut aussi un des pionniers de la Cinémathèque, a démontré qu'il n'en était rien (Ahmed Hocine et la Cinémathèque algérienne, Saga en contrechamp, Arts & Lettres, El Watan, 26/04/14). Il fait remonter le projet à sa source, soit à la cellule cinéma du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) alors basé à Tunis.De là est née véritablement l'idée, partie au départ de celle d'un centre d'archives audiovisuelles, de récupérer les bobines entreposées à Tunis, véritable mémoire du combat anticolonial algérien.Et, de là, l'éventualité est devenue une réalité qui a dépassé toutes les prévisions. Les plus grands réalisateurs du monde venaient à la Cinémathèque d'Alger que certains considéraient presque comme un passage obligé. Ils venaient présenter leurs films les plus récents et les plus audacieux devant un public de connaisseurs pour des débats qui se prolongeaient jusqu'à 3h du matin.Un public de passionnés qui, pour la plupart, rentraient à pied tel ce cinéphile qui habitait Bouzaréah et ne regagnait son lit qu'aux aurores. Au sortir de ces débats historiques qui avaient des figures de proue, comme le poète et acteur Himoud Brahimi, dit Momo, ou encore Mouny Berrah, remarquable critique de cinéma, les cafés et brasseries du coin étaient encore ouvertes.Par la suite, avec le pays, la Cinémathèque a sombré dans la déliquescence puis le néant. En 2010, la restauration de la salle de la rue Larbi Ben M'hidi, puis celle de plusieurs de ses salles de répertoire à l'intérieur du pays (programme encore en cours), a fait rejaillir l'espoir. Pour cet anniversaire, l'actuel directeur, Lyes Semiane, entouré de spécialistes, a concocté un programme très intéressant qui s'étalera sur toute l'année et dont nous vous ferons part.Ce sera également l'occasion d'une réflexion active sur l'avenir de cette chère institution confrontée aujourd'hui à de nouveaux contextes urbains, sociaux et culturels, comme la concurrence des nouveaux supports (DVD, téléchargements, home-cinéma?). Le phénix pourrait renaître de ses cendres pour peu que l'on tienne compte des changements de la société







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