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Mémoire
Un musée hors pouvoirs publics ' Un challenge difficile qu'a relevé Mohamed Fréha, ancien membre de l'ALN, initiateur du musée de la mémoire d'Oran, ouvert il y a près de deux ans.Depuis juillet 2013, la capitale de l'Ouest dispose d'un musée impressionnant appelé «Espace d'histoire et de mémoire de la ville d'Oran», consacré à la résistance urbaine durant la guerre de libération. Son fondateur et animateur, Mohamed Fréha, ancien maquisard connu sous le nom de Santah, s'est donné comme objectif d'amasser le maximum d'informations sur les hommes et femmes qui, entre 1954 et 1962, ont appartenu aux réseaux urbains du FLN.Se lançant dans un travail de fourmi, il a recueilli des documents et des informations qu'il a sauvés de l'oubli pour sauvegarder la mémoire d'une période cruciale de l'histoire de la ville. Déjà, en juillet 1962, alors qu'il revenait des maquis avec le grade d'officier de l'ALN, il avait sécurisé des archives des centres de la police française qui ont été pour lui une mine d'informations. Il a aussi récupéré la machine à écrire et la ronéo qui avaient servi à la confection du texte de l'appel du 1er Novembre 1954.Certaines armes rouillées ayant servi à l'époque sont exposées à l'entrée du musée. Ne se contentant pas d'archives, il a contacté personnellement des familles de martyrs et a sollicité d'anciens membres de la résistance pour lui fournir le matériau avec lequel il a construit le diagramme en forme de grappe des réseaux d'Oran avec les noms des intéressés, leurs dates d'adhésion au FLN, d'arrestation et d'assassinat pour ceux, très nombreux, qui ont laissé leur vie. Il a réuni plus de 2000 photos qu'il a agrandies sous forme de portraits, ornant les murs de ce local de 200 m2 trop exigu pour les contenir. Faute de place, les portraits sont décrochés régulièrement pour rejoindre les cartons afin de permettre à d'autres portraits d'être exposés à leur tour.DouleurLes visiteurs découvrent les visages des martyrs qui ont donné leur nom à des rues qu'ils empruntent tous les jours : Hamou Boutlélis, Adda Benaouda, Djebbour Maâmar, Sebaâ Lahouari, les s?urs Benslimane, Benahmed Lahouari? Très souvent présent sur le lieu, M. Fréha, accompagné de son collaborateur Mohamed Cherfaoui, ancien maquisard comme lui, est disponible pour donner des informations aux visiteurs sur ces visages d'adultes à peine sortis de l'adolescence.Intarissable, il rappelle les conditions dans lesquelles ces résistants ont été arrêtés et assassinés. Les uns dans des opérations militaires, d'autres dans les funestes locaux de torture, dit-il sur un ton grave. M. Fréha essaye de tirer de l'anonymat ces centaines de visages de martyrs qui ont donné leur nom à des rues sans que les Oranais ne connaissent leur histoire. Mon objectif est de rappeler qu'un martyr n'est pas qu'un nom de rue. C'est une vie qui s'est arrêtée, un destin qui a été brisé, un drame qui a endeuillé une famille? Un martyr, c'est une douleur, ajoute-t-il.M. Fréha s'est passionné pour ces morts à qui il veut donner une vie dans la mémoire. Un pays sans mémoire est un pays sans avenir, répète-t-il. Il faut que les jeunes sachent le prix qui a été payé pour libérer l'Algérie, ajoute-t-il. «J'avais seize ans lorsque j'ai réalisé ma première opération militaire aux halles centrales à Cité Petit. J'avais pourtant la vie devant moi, rêvant d'une carrière de footballeur professionnel. Mon frère Benyoucef, gardien de but du MCO, avait vingt-deux ans lorsqu'il est mort dans un accrochage du côté de Bousfer.Ce sont principalement des jeunes, âgés entre 18 et 30 ans, qui ont fourni le gros des troupes du FLN et de l'ALN. C'est vrai qu'ils ont bénéficié de l'expérience d'anciens militants du mouvement national des années 1940.» Ce qui ressort des informations réunies dans ce musée, c'est que les cellules avaient une durée de vie moyenne de trois à douze mois. La répression implacable des autorités militaires, les moyens humains et matériels dont elles disposaient, les techniques d'infiltration, le maillage de la population, etc. laissaient une étroite marge de man?uvre aux fidayine qui, après deux ou trois opérations, étaient «grillés» et arrêtés pour être torturés et assassinés.OASLa durée de vie moyenne d'une cellule active ne dépassant pas les six mois, elle est vite remplacée par une autre qui reprend le relais. Dès que les autorités militaires ont le sentiment d'avoir définitivement éradiqué le FLN, de nouvelles opérations leur rappellent que l'organisation est toujours intacte et qu'elle est capable de frapper encore.Peu de fidayine opèrent plus d'un an. Sur les photos, on lit : a rejoint le FLN en févier 1955, arrêté et tué en mai 1955 ; a rejoint le FLN en juillet 1959, mort sous la torture en septembre 1959, etc. M. Fréha cite plusieurs cas : celui-là est né à Lamur (Hamri) de parents pauvres venus de Palikao dans les années 1930 ; il a été arrêté dans un refuge de l'organisation sur dénonciation, et il est mort sous la torture. Celui-ci a grandi à M'dina J'dida d'une famille religieuse lettrée ; il a été assassiné et jeté à la mer dans un sac plastique?Celle-là est une brillante lycéenne ; de type européen, elle a mené plusieurs opérations dans les quartiers de pieds-noirs où elle passait inaperçue ; après le démantèlement de son réseau, elle a rejoint l'ALN du côté de Relizane où elle est tombée au champ d'honneur les armes à la main. Le musée fournit un matériau inestimable pour la recherche universitaire. Les informations qu'il renferme sont indicatives de la nature du système colonial, de l'état d'esprit et de la culture nationaliste des membres du fida, de la sociologie des quartiers populaires qui ont donné au FLN la logistique nécessaire pour mettre en échec la répression.En effet, les bastions du FLN, c'était principalement M'dina J'dida, Hamri, Barki, Planteurs. C'est dans ces quartiers populeux, irrigués par l'exode rural depuis la fin du XIXe siècle, que l'idéal nationaliste a pris forme et a trouvé des hommes et des femmes pour le porter. Oran, conclut M. Fréha, a été la seule ville d'Algérie où les Européens étaient majoritaires (200 000 pieds-noirs face à 100 000 autochtones). C'est ce qui explique que la ville a été le bastion le plus fort de l'OAS dont la population a beaucoup souffert.




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