Médéa : Ahmed Benslimane, l'artiste-peintre oublié

Il était un peintre authentique, l'un des précurseurs de la peinture algérienne, il avait tout l'avenir artistique devant lui mais le destin en avait décidé autrement. Il mourut alors qu'il venait d'avoir tout juste trente ans. Depuis, il sombra dans l'oubli le plus total, un oubli qui dure depuis plus d'un demi-siècle! Il, c'était Ahmed Benslimane, natif de la ville de Bou-Saâda, la cité du bonheur, une des plus importantes villes de la wilaya du Titteri, dont Médéa était le chef-lieu. Un artiste-peintre dont le demi-frère, M. Mohamed Bouziane, fonctionnaire des impôts à la retraite et habitant toujours à Médéa, nous dira : «Il perdit son père en 1925, alors qu'il n'avait que six ans. Il fréquentait encore l'école primaire quand il eut la chance de côtoyer, en tant que jeune guide, les grands peintres voyageurs comme Etienne Dinet (qui deviendra plus tard Nasreddine), Pierre Savorgnande Brazza... qui s'étaient arrêtés dans cette ville légendaire de Bou-Sâada, frappés qu'ils étaient par la beauté de ses paysages féeriques. Ce qui lui avait permis de se découvrir une âme de peintre et de s'investir dans ce créneau. Il allait consacrer tout le reste de son temps jusqu'à sa mort prématurée en 1951". Ainsi, à l'âge de vingt ans, il part à Alger où il s'inscrit à l'école des Beaux-Arts dont il deviendra l'un des plus brillants élèves et où il aura comme camarades et compagnons Omar Racim, Ali Khodja, Bachir Yellès, Mohamed Ghanem... Des artistes-peintres très doués qui monteront leur première exposition à Alger, en compagnie d'autres miniaturistes comme Mohamed Racim (le frère de Omar Racim), Mohamed Ferhat... Une exposition qui aura un énorme succès et qui sera suivie par d'autres, faisant ainsi de cette poignée d'artistes-peintres, entre 1945 et 1950, le véritable noyau des fondateurs de la peinture algérienne et dont Ahmed Benslimane était l'un des chefs de file. Et c'est au summum de son art que la mort l'emportera, le 20 décembre 1951, à la suite d'un tragique accident de la route, laissant derrière lui le souvenir d'un artiste-peintre qui a fait connaître et aimer l'Algérie à travers des oeuvres d'une grande sensibilité et d'une grande beauté.

Un très grand artiste de la peinture, doublé d'un nationaliste convaincu, militant au sein du parti du peuple algérien (PPA) aussi bien à Bou-Saâda, à Alger qu'à Oran où il faisait de fréquents et longs séjours. Ahmed Benslimane reste connu, aujourd'hui, des seuls amateurs d'art et des doyens des peintres algériens encore en vie. Ses oeuvres se trouvant chez sa famille, ses amis proches encore en vie et, de façon anonyme, dans les musées nationaux d'Oran (Ahmed Zabana), d'Alger (les Beaux-Arts) et de Bou-Saâda (Nasreddine Dinet). Elles restent malheureusement inconnues du grand public algérien que la peinture sur toiles ou à l'huile intéresse. Des oeuvres qui mettent en relief le caractère chaleureux et discret de cette peinture qui s'adresse directement aux coeurs, dans un réalisme tranquille et baignant dans une beauté calme et une sensibilité profonde. Des tableaux de paysages comme l'OASIS, le coucher de soleil exceptionnel dans le grand désert, le port d'Alger, la Casbah d'Alger, les portraits de femmes oranaises, algéroises, bou-saâdies... ou encore ceux d'un intérieur de restaurant à Oran, d'une vue sur la baie d'Oran, d'une fantasia, de l'homme algérois... auxquels s'ajoutent des tableaux de nature morte, la peinture florale plus précisément. Des oeuvres à voir absolument. Et la toute première exposition, qui vient de se tenir à Bou-Saâda, sa ville natale, est de bon augure pour une meilleure connaissance des oeuvres de cet artiste-peintre longtemps oublié.