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Médéa
L'école coranique Zoubiria, sise dans la vieille ville de Médéa, tombe petit à petit en ruine, faute d'un plan de préservation de cet établissement, autrefois haut lieu du savoir, qui a vu défiler de grands érudits ayant marqué de leur empreinte l'histoire contemporaine de Médéa.Symbole du savoir et de la discipline, l'école se distinguait par sa rigueur et la qualité de son encadrement. Un signe distinctif qui lui a valu une aura sans précédent, aussi bien durant la période coloniale que pendant les premières années de l'indépendance, avant que ce centre de rayonnement ne sombre dans l'oubli et ne commence à décliner lentement, mais inéluctablement jusqu'à devenir un tas de ruines. Selon la direction des affaires religieuses et des wakfs, dont dépend cette structure, une proposition d'inscription d'une opération de réhabilitation de l'école a été introduite auprès de la tutelle.L'école Zoubiria figure parmi les lieux de culte de valeurs historique et patrimoniale indéniables, qui ont été proposés pour bénéficier d'une opération de réhabilitation et de préservation, notamment pour les structures les plus menacées, a indiqué à l'APS le directeur des affaires religieuses, Hamza Laouaredj. Ce responsable reconnaît que ce lieu du savoir, qui avait pignon sur rue à Médéa pendant plusieurs décennies avant de sombrer dans l'oubli, a une «grande valeur patrimoniale» pour la région, estimant que sa prise en charge urgente s'impose au vu de l'état de vétusté de la bâtisse. Tout en signalant les «limites» de l'action de sa direction, il a affirmé que cette dernière ne pourrait intervenir sur ce site qu'une fois le projet de réhabilitation validé par la tutelle et les crédits de paiement indispensables au financement de l'opération affectés au secteur.Plan de préservation de l'ancien noyau urbain de MédéaLe plan de préservation de l'ancien noyau urbain de la vieille ville de Médéa, toujours en gestation, pourrait profiter à cette école, une fois cet outil validé par le ministère de la Culture. L'entrée en vigueur de ce plan de préservation permettra d'inclure, eu égard à la vocation de ce plan, des lieux et des sites représentant une valeur patrimoniale pour la ville, ou susceptible de contribuer à la promotion, touristique ou culturelle, de l'ancienne capitale du Titteri, signale la direction de la culture.Or, là aussi, les choses risquent de s'éterniser, en raison des restrictions budgétaires qui touchent plusieurs secteurs, dont ceux de la culture et des affaires religieuses, qui doivent, dans ce contexte particulier, essayer de trouver d'autres ressources financières à leurs projets. L'idée de création de cette école, qui ouvrit ses portes aux enfants des quartiers arabes de la ville de Médéa, vers 1947, est venue de deux amis, Abdelkader Benmelouh et M'hamed El Zoubir, des lettrés de condition sociale assez aisée à l'époque, qui conclurent de fonder une école coranique qui assurera un enseignement aux enfants de la ville exclus de l'école publique française ou ne pouvant accéder, pour une raison ou une autre, à l'enseignement.Benmelouh fait don à son ami d'une partie de l'une de ses résidences, que les deux amis projetaient de transformer en école. M'hamed ElZoubir, encouragé par le geste de son ami, décida d'acquérir par ses propres moyens l'autre partie de la bâtisse, qu'il équipera de bureaux et de mobilier scolaire, pour être fonctionnelle le plus tôt possible, raconte Abdelazziz Khellil Chorfi dans son ouvrage Ecole Zoubiria, premier phare de l'enseignement éducatif à Médéa, publié en 2016. L'école, qui fonctionnait selon un régime mixte, chose très rare à ce jour à Médéa, disposait de sept classes, quatre à l'étage et trois au rez-de-chaussée. L'avènement de cet établissement éducatif allait renforcer le réseau d'enseignement dans l'ancien noyau urbain de la ville de Médéa, où se concentraient l'essentiel des habitants de la ville, qui comptait deux importantes écoles coraniques, l'une à Sidi Sahraoui et l'autre à Sidi Slimane, baptisées des noms de deux des principaux saints patrons de la ville de Médéa.Des érudits et des réformateurs à l'origine de l'écoleZoubiria se dota, en 1947, d'un conseil d'administration, élu lors d'une assemblée tenue au cinéma Rex, aujourd'hui en ruine, composé de douze membres, parmi lesquels figuraient les érudits et réformateurs, les cheikhs Mustapha Fekhar, Fodhil Skander et Bendali Braham.Le conseil d'administration de l'école fera appel aux meilleurs professeurs et enseignants de l'époque, soucieux de la qualité de l'enseignement qui sera prodigué sur place, mais a également exprimé son souhait de se démarquer des établissements coraniques traditionnels.Des enseignants, tels El Hadj Hamdi Ahmed, le poète de la Wilaya IV historique durant la Révolution, El Mahdi Benhdjar, Mohamed Seghir Benhafri, Abdelkader Benmouloud, Mohamed Beldjebas et M'hamed Mazighi, ont assuré, durant les glorieuses années de l'école, l'éducation et la formation de centaines d'enfants, qui vont, à l'indépendance pallier le vide laissé par les colons dans les différents services administratifs ou techniques. Forte d'une notoriété méritée, l'école continua pendant de longues années à accueillir des élèves (filles et garçons) issus de tous les quartiers de la ville.Un problème de surcharge va emmener, dès 1958, les responsables de l'établissement à opter pour l'ouverture d'une annexe, qui permettra de réduire la tension grandissante sur l'école mère. Pour réunir l'argent nécessaire, il est fait appel au soutien du Front de libération nationale (FLN), dont les responsables vont réussir à réunir la somme indispensable pour l'acquisition d'un bien immobilier qui servira à l'aménagement de cette annexe. Celle-ci verra le jour quelques mois plus tard, et sera connue sous le nom école Zoubiria inférieure.D'ailleurs, c'est cette dernière qui résistera aux aléas du temps et à la main prédatrice de l'homme, contrairement à l'école mère, qui perdra graduellement ses élèves, en raison de l'avènement d'autres écoles, surtout d'enseignement public, et commencera alors le début d'une fin non annoncée, notamment pour ses fondateurs qui espéraient voir leur rêve durer encore longtemps. L'école Zoubiria risque, aujourd'hui, de s'effondrer à tout instant, vu l'état de dégradation avancée de la bâtisse. Si rien n'est entrepris dans le but de sauver ce pan de la mémoire locale, il ne subsistera de l'école que le nom et un vague souvenir d'une époque, où l'existence d'un tel établissement relevait du grand défi.


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