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Marc Côte. Géographe «Etudiants, paysans et autorités croyaient à quelque chose»



Marc Côte. Géographe «Etudiants, paysans et autorités croyaient à quelque chose»
Ayant enseigné pendant 25 ans à l'université de Constantine, Marc Côte, professeur émérite en géographie, est un fin connaisseur de l'Algérie. C'est aussi un grand humaniste qui se rappelle avec nostalgie du temps des «villages socialistes». Rencontre.Qu'est-ce qui vous frappe le plus quand vous revenez en Algérie ' Les paysages qui se recomposent, le pays qui se transforme...l est certain qu'il y a de grands changements depuis quelques années dans tout le pays et en particulier à Constantine qui a fait l'objet d'une série de grands projets.A chaque fois, on entend les Constantinois déplorer le fait qu'ils ne reconnaissent plus leur ville. Il est vrai que si le centre de la ville ne change pas tellement, les périphéries se métamorphosent. Il y a une augmentation de la circulation qui gêne beaucoup la ville. Indiscutablement, les habitants vivent mal cette transformation.Mais les choses sont plus compliquées : il y a les grands travaux à l'exemple du grand pont, du tramway, des téléphériques qui ont amélioré les conditions de vie dans la ville. Mais sur l'ensemble de la ville, les gens vivent mal ce passage.Les nouvelles villes construites dans les périphéries ne représentent-elles des «bombes à retardement» 'On reproche à ces villes d'être des «villes-dortoirs», mais je dirais que c'est normal dans la mesure où elles sont récentes. Il ne peut en être autrement pendant une ou deux décennies. Progressivement, le temps jouant son rôle, elles s'urbaniseront et deviendront des villes normales.Les terres agricoles sont de plus en plus grignotées par les projets d'habitation. Quelle est la place de l'agriculture aujourd'hui dans notre pays 'Elle n'a malheureusement pas la place qu'elle devrait occuper. Il y a eu une série d'aléas depuis quatre ou cinq décennies. Il y a tout de même, ces dernières années, une certaine renaissance de l'agriculture, parce que les gens n'ont pas d'autres ressources et que les importations ont tué bien des activités.L'agriculture a repris quelque peu grâce à la volonté des habitants. Il y a eu aussi quelques décisions des autorités pour l'aider à revivre. La semaine dernière, j'étais dans la région de Guelma, les périmètres irrigués y sont très stricts, l'eau et les terres vont à l'agriculture.Vous avez travaillé sur ce qu'on appelait dans les années 1970 la Révolution agraire, que vous évoquiez avec des mots très positifs. Rétrospectivement, quel regard portez-vous sur cette expérience '(Rires). J'ai un regard positif, un regard sympathique sur «la Révolution agraire» parce que les étudiants, les paysans et les autorités croyaient à quelque chose. Tout le pays a été mis en mouvement.Oui, il y a eu des échecs très regrettables, mais aussi des réussites.Parmi les éléments positifs que je retiens, il y a notamment les villages socialistes. Il y a eu 400 villages socialistes qui ont été des lieux de vie, mais surtout des lieux d'équipement où les gens ont trouvé ce qui leur manquait auparavant et qui sont devenus des points d'ancrage à travers tout le pays.Cela a été très positif pour le monde rural qui souffrait d'être délaissé jusqu'alors.Il y a donc eu des réussites...J'ai visité, la semaine dernière, un groupe de six ou sept villages? Il y a des villages qui sont plutôt des réussites, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas vides contrairement à ce qu'on a dit.Certains se sont peu à peu développés, d'autres ont doublé leur superficie. Ils y ont ajouté des logements que les habitants ont plus ou moins accepté. On a veillé à éliminer tout bétail de ces villages. Mais il ne faut pas oublier que ce sont à la base des agriculteurs. Il y a, cependant, un point sur lequel ils disent être d'accord, c'est l'équipement, les écoles, les infrastructures, qu'ils ont volontiers accepté.Les paysans sont quand même passé du Souk El Fellah aux grands supermarchés et autres centres commerciaux. Comment, selon vous, ont-ils pu trouver leur place vu les transformations qu'a connues notre pays 'Oui, ils ont de la peine à trouver leur place, mais c'est surtout qu'ils ne parviennent pas réellement à la définir. Il y a toujours la petite paysannerie privée, et puis il y a tous les héritiers des terres autogérées dont le sort n'a pas vraiment été réglé. Ils font ce qu'ils peuvent, ils tiennent certaines productions agricoles, mais il est indéniable que ce n'est pas la meilleure situation pour eux et pour les terres et il faudra un jour trouver une solution pour toutes ces terres.L'eau sera-t-elle l'enjeu du futur en Algérie ' L'Etat a investi dans les usines de dessalement, mais cela sera-t-il suffisant 'Ce n'est jamais suffisant. Pendant longtemps l'Algérie a été en retard sur la gestion de l'eau. Il y avait un décalage entre le développement du secteur hydraulique et les autres domaines. Depuis 15 ans, il y a une série de barrages réalisés, de grands aménagements interconnectés à travers les régions, complétés par les stations de dessalement de l'eau de mer. Mais je ne pense pas que ça soit la bonne solution.Cela revient très cher, mais il le faut dans certains cas. Je pense par contre qu'il faut mettre l'accent sur le contrôle des barrages et des eaux souterraines pour trouver les solutions. Autrement, le problème continuera à se poser sur le long terme.


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