Algérie - Papier

Manque de matière première, importations massives et faiblesse du secteur public: L’industrie algérienne du papier en péril



Manque de matière première, importations massives et faiblesse du secteur public: L’industrie algérienne du papier en péril




L’industrie algérienne du papier et carton traverse une situation des plus critiques. C’est la conclusion à laquelle est parvenue une étude sectorielle réalisée par le cabinet d’audit et de conseil Grant Thornton, élaborée à la demande de la SGP Gephac.

L’étude, non encore rendue publique, dresse un état des lieux du secteur, filière par filière, en décortiquant l’ensemble des activités industrielles de la cellulose, des papiers et cartons, du conditionnement et de l’emballage en Algérie. Aucune de ces activités n’échappe à l’ambiance générale: des contraintes et des difficultés tellement invalidantes que la rentabilité et le fonctionnement du secteur sont aujourd’hui mis en péril. Mettant en cause, en premier lieu, le manque chronique de matière première, l’étude affirme que «les produits finis du secteur, fabriqués en Algérie, sont absolument insuffisants en volume pour satisfaire les besoins dont les perspectives de croissance sont à deux chiffres pour les cinq années à venir». Les entreprises publiques, qui «maîtrisent mal les importations de pâte, papiers et cartons à transformer», sont victimes de la «rigidité du code des marchés publics» et se plaignent des «lenteurs dans les procédures d’achat», alors que le marché mondial «fluctue, au jour le jour, en quantités, et donc en cotation».

Les conséquences sont également catastrophiques sur l’activité des transformateurs locaux privés qui déplorent, eux aussi, «un approvisionnement en matière première insuffisamment maîtrisé» les obligeant à recourir à l’importation de produits semi-finis. Il en est de même pour «les clients finaux des secteurs utilisateurs contraints d’importer des produits finis pour emballer leurs produits ou pour imprimer leurs revues», souligne encore la même étude.

Tout en rappelant que le pays ne dispose pas d’une production de pâte à base de fibres cellulosique vierges, les experts du cabinet d’audit affirment que «le gisement exploité, la collecte et le tri des vieux papiers sont estimés à 120.000 tonnes annuellement, mais en réalité leur manque de disponibilité conduit à arrêter certaines machines ou à travailler en forte sous-capacité». Et de noter qu’à ce titre, «l’implantation croissante de multinationales et d’entreprises privées constitue une menace ou une opportunité à saisir pour le secteur national». Un secteur dont la balance commerciale est aujourd’hui particulièrement déficitaire en ce sens qu’aucune exportation n’est réalisée sur la filière bois, pâte à papier, papier et transformation.

Production alfatière en chute

«Depuis l’arrêt des unités de production de pâte à papier, la substitution par les importations est devenue, de fait, la seule et unique source d’approvisionnement du secteur», précise-t-on dans l’étude. Le recours à l’importation ne cesse de prendre de l’ampleur et les chiffres révélés le montrent clairement: l’Algérie a importé, en 2010, 100% des fibres vierges sous forme de pâte marchande, nécessaires à sa consommation, soit 44.000 tonnes, alors qu’elle importait 77,8% de ses besoins en 2000, soit 18.000 tonnes. En valeur, ces importations, bien que nécessaires pour répondre à la demande croissante, ont coûté 687 millions de dollars en 2011, contre 531 millions de dollars en 2008.

Concernant la récolte d’alfa, une plante utilisée pour la fabrication de pâte à papier, l’étude indique que «la production alfatière continue de chuter de manière drastique d’année en année pour atteindre moins de 500 tonnes en 2011», alors qu’«en moyenne 30.000 tonnes étaient récoltées par an au début des années 1990». Conséquence inévitable: le pays est aujourd’hui classé au 39e rang des importateurs mondiaux de pâte avec zéro exportation. Globalement, selon la même étude, l’importation de papiers, en 2010, a été chiffrée à 80% de la consommation nationale, soit 640.000 tonnes, comparativement aux 86,2% chiffrés en 2000 pour 268.000 t de consommation.

L’Algérie est considérée ainsi comme le 33e importateur mondial de papier. Tout en affirmant que le pays est entièrement dépendant de ses importations de matières premières et «d’une façon d’autant plus cruciale qu’aucune entreprise publique ou privée n’est totalement intégrée», l’étude sectorielle montre que «l’attractivité de l’Algérie est actuellement très faible pour les producteurs mondiaux de cellulose, de pâte et de papier». S’agissant de la production, le secteur a réalisé, en 2010, un volume global de 128.000 tonnes pour tous types de produits. La consommation, quant à elle, dépasse de loin les quantités produites puisqu’elle est estimée à près de 640.000 tonnes, tous produits confondus.

Une mise à niveau nécessaire

Il faut dire, à ce propos, que cette situation on ne peut plus déplorable reflète celle dans laquelle l’entreprise algérienne du secteur évolue. Le cabinet d’audit a relevé, en effet, un certain nombre de faiblesses traduites, entre autres, par «la vétusté et la non-opérationnalité de certains équipements en place, notamment pour les entreprises Papcas et Soachlore, la sous-exploitation des capacités, l’entrave à la réactivité face aux marchés national et international, les difficultés à obtenir la mise à niveau ou la réparation de certains équipements et le départ à la retraite des compétences techniques présentes». En revanche, la force dont dispose le secteur se trouve dans les entreprises du secteur privé qui possèdent, selon l’étude, «des sites de transformation relativement modernes, des compétences locales et un niveau technologique performant dans la transformation de carton ondulé».

C’est la raison pour laquelle le cabinet d’étude suggère, pour la relance de l’industrie du papier, de renforcer particulièrement les entreprises publiques «car tout le secteur national repose sur elles». Il propose notamment d’ «optimiser les ressources matérielles, financières et humaines du groupe Tonic-Gipec, de diminuer les importations de la matière première en fibres pour diminuer la dépendance aux marchés internationaux, permettre ainsi aux unités du groupe de fonctionner à meilleur régime». Il est suggéré aussi d’«adopter et de maîtriser les technologies nouvelles» tout en procédant à la mise à niveau technologique des sites.


à savoir:


- Récupération des vieux papiers: une filière peu développée

La relance de la production de papier doit s’articuler principalement autour de la récupération de vieux papiers et non pas des importations, souligne l’étude du cabinet d’audit. Actuellement, la récupération est estimée à 100.000 tonnes/an, avec des objectifs à court terme de 200.000 t/an, selon les experts. La filière de récupération des vieux papiers se développe timidement et un potentiel énorme reste à être exploiter. Les vieux papiers sont considérés comme une ressource capitale pour le recyclage, puisqu’ils permettent un gain de productivité et, de ce fait, une option stratégique pour l’Algérie afin de lui permettre de réduire ses importations par rapport au reste du monde. Une meilleure réorganisation et structuration du réseau en amont est indispensable pour assurer une récupération et un approvisionnement constant pour les unités de recyclage, soulignent encore les experts.

- Papcas: une filiale de Gipec à l’arrêt

La fabrication de pâte à papier issue de fibres vierges est quasi-nulle en Algérie, selon l’étude du cabinet Grant Thornton. L’ex-Somic, aujourd’hui appelée Papcas, filiale de Gipec, est considérée comme une entreprise intégrée. Elle produisait, depuis 1976, la pâte de paille avec une production de 5.000 t/an et 18.000 t/an en 1986. Sa production s’est estompée en raison du manque de matière première, d’une part, et du phénomène de sécheresse, d’autre part. En substitut, le vieux papier est recyclé pour en faire de la pâte. Les experts rédacteurs de l’étude affirment cependant qu’à la suite de leur déplacement sur site, il a été constaté que la seule unité encore en fonctionnement est quasiment à l’arrêt en raison de la non-disponibilité de vieux papiers en quantité suffisante et de la vétusté de l’appareil de production.

- Carton ondulé: deux privés détiennent 54% du marché

Deux entreprises privées, Maghreb Emballage et Général Emballage, détiennent, à elles seules, environ 54% du marché du carton ondulé. Tonic, avec 16% de parts de marché, vient en troisième position avec une utilisation de 33% de sa capacité réelle. Les entreprises publiques, Papcas et Sacar, viennent en dernière position avec des parts très réduites ne dépassant pas les 4% du marché total national. Avec un potentiel nominal moyen de 100.000 tonnes, soit 24% des capacités nationales installées, le secteur public couvre à peine 20% des besoins du marché national. Sur les sept concurrents opérant dans la production de carton ondulé, très utilisé pour les emballages ordinaires, seule Général Emballage dispose de deux trains onduleurs.

- Répartition des entreprises: 45% dans la capitale

Selon l’étude du cabinet de conseil, le centre-nord du pays renferme la plus grande concentration d’entreprises morales du secteur, au nombre de 151, dont 7 publiques. La capitale, à elle seule, regroupe 45% d’entre elles. Une agglomération de ce type d’entreprises est également constatée sur l’axe Alger-Sétif. Les pôles historiques, en l’occurrence Oran et Constantine, cumulent entre 20 à 50 entreprises de cette catégorie. Il est à relever que 8 wilayas du pays n’ont aucune entreprise morale active dans le secteur.


Lyes Mechti

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