Algérie

Mahmoud Darwich



Un morceau de la Palestine historique nous quitte A l’évocation de son nom, Mahmoud Darwich, deux souvenirs intenses me reviennent. Le premier est lié à ce cercle d’étudiants palestiniens, qui, du fond d’une salle de l’université de Naplouse, offrent une représentation théâtrale. Le décor se limite à un arrière-plan semi éclairé et en avant plan un soldat de l’occupation interpellant un jeune homme portant sa fierté nationale à fleur de peau. Les premiers mots sont lancés:«Je suis Arabe/Le numéro de ma carte: cinquante mille/Nombre d’enfants: huit Et le neuvième... arrivera après l’été!/ Et te voilà furieux! Inscris!/ Je suis Arabe»/Et la première scène s’éteint sur ces exclamations: «Inscris!/ En tête du premier feuillet/ Que je n’ai pas de haine pour les hommes/ Que je n’assaille personne mais que/ Si j’ai faim/ Je mange la chair de mon Usurpateur/ Gare! Gare! Gare/À ma fureur!» Le deuxième souvenir est plus lié à l’homme, à sa gentillesse, à la finesse de son humour, à l’hospitalité qu’il m’accorda -avec cette flamme permanente du symbole de l’Algérie qui paya bien cher le prix de sa libération nationale. Nous étions chez des amis communs à Ramallah, dans une de ces petites maisons palestiniennes avec une cour/jardin où l’on pouvait, la fraîcheur du jour revenue, nous regrouper autour d’une table et échanger. A propos de tout. Mais surtout à propos de l’avenir. Pour lui, le mot PAIX ne signifiait pas n’importe quelle «paix». Il signifiait une liberté sans condition sur sa propre terre. Ce qui pouvait, parfois gêner les Politiques qui, eux, subissaient de manière plus directe la pression du rapport des forces internationales. Mahmoud était un enfant de la NAQDA. Il a passé son enfance en situation d’expulsé de son pays mais s’y accrochant dans une sorte d’insécurité endémique. La poésie le sauva. L’écriture fut son pain quotidien. Il a fait du journalisme, un des axes essentiels de sa contribution à la libération de son pays. Ce fut, tout de même, une arme décisive. Son aura s’étendit, toutefois, au-delà des frontières de sa terre natale. En tant que président de l’Union des Ecrivains Palestiniens, mais aussi en tant que membre de l’OLP. Il laisse une œuvre substantielle avec une bonne trentaine de titres-traduits dans une vingtaine de langues. Bien des chanteurs engagés, à l’instar de Marcel Khalifa ou Majda Er-roumi, ont mis en musique et interprété ses textes. Alors que Ramallah est assiégée -en 2002- une délégation du Parlement international des écrivains qu’accompagne Leïla Chahid, est reçue par Mahmoud Darwich. Il y a: Russell Banks (USA), Breyten Breytenbach (Afrique du Sud), Vincenzo Consolo (Italie), Bei Dao (poète chinois vivant en exil), Juan Goytisolo (Espagne), Christian Salmon (France), José Saramago (Portugal, prix Nobel de littérature en 1998), Wole Soyinka (Nigéria, prix Nobel de littérature en 1986). Non loin de lui, Arafat était rongé de toute part: la santé, les forces d’occupation, l’agitation politique locale. Avec Arafat, le cerveau de la Palestine historique s’est fossilisé; avec Mahmoud Darwich, c’est le cœur de cette même Palestine historique qui vient de cesser de battre. Abdou Elimam



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