Algérie - Actualité littéraire

L’auteur de cet ouvrage est médecin anesthésiste-réanimateur. Nous avons souvent tendance à restreindre la personnalité des femmes et des hommes à ce qui est apparent, et principalement aux métiers qu’ils exercent. Ce qui est en soi assez réducteur et relève d’une vision étriquée. Ce n’est nullement un procès d’intention, mais juste le constat d’une vision trompeuse à laquelle je n’ai pas échappé. Et pas qu’une fois. Peut-être qu’avec le temps et les surprises que j’ai eues, j’essaie de voir ce qu’il y a au-delà des profils et qui nous semblent si évident. J’ai connu Mahmoud Aroua sur son stand au SILA, entouré de ses bébés, ses ouvrages littéraires, qu’il a mis au monde avec passion. J’ai pensé, de prime abord, que ses œuvres, tel «Sentiments sous anesthésie», traitaient de médecine, ce qui en soi ne pouvait présenter aucun intérêt pour l’ex-chef de chantier que je suis. Ce qui est faux et confirme encore une fois ce j’ai écrit plus haut. J’ai été séduit par son amabilité, son sourire plein d’humilité autant que ma curiosité a fait des tilts devant son essai sur une des personnalités les plus marquantes de son époque. Je cite Ibn Ruschd, Averroès pour l’Occident et le XIIe siècle auquel il a appartenu. Philosophe et juriste, Mahmoud Aroua, à travers son essai, nous parle de son confrère, le médecin. Je trouve qu’il n’y a pas mieux placé qu’un docteur pour nous présenter Ibn Ruschd le toubib. Je ne pense pas être le seul à méconnaître cet aspect de la personnalité de ce grand penseur. En quatrième de couverture, l’auteur nous présente Ibn Rushd comme suit : «Il exerce une influence bénéfique sur ses successeurs, non seulement les savants arabes et musulmans, mais aussi ceux de l’Europe médiévale chrétienne. Ses questionnements et les réflexions qu’il a soulevés ont ouvert des voies de recherche jusque-là ignorées». Recherche est le maître-mot dans cette belle présentation. La recherche était le leitmotiv de la vie d’Ibn Ruschd. Son corpus médical, «Kitab al kulliyat fi al-tib», le Coliget, et ses commentaires de Jalinus, de Galien, d’Ibn Sina, latinisé en Avicenne, d’Ibn Tofail, latinisé en Abubacer et tant d’autres, les initiés aux sciences médicales pourront mieux que le commun des mortels les comprendre. On peut, à notre niveau de profane en la matière, comprendre que ce philosophe est d’abord un homme de science. Une autre question effleure mon esprit. Pourquoi les noms de ces savants ont-ils été latinisés ? N’est-ce pas pour mieux se les approprier et nous vendre leurs travaux quelques siècles plus tard ? Simple déduction qui peut paraître simpliste. Si les ouvrages d’Ibn Ruschd ont fait l’objet d’un autodafé de la part de ses coreligionnaires, ses manuscrits scientifiques ont échappé aux flammes et ont profité à ceux qui ont décelé leur importance. Nous savons tous ce que ses réflexions et sa pensée lui ont valu. Ses manuscrits traduits ont été enseignés dans les grandes facultés de médecine de l’Europe, jusqu’au dix-septième siècle, à Bologne et à Paris notamment. Dans cet essai, le lecteur saisira la pertinence des commentaires d’Ibn Ruschd, non pas d’Aristote, mais en médecin, vis-à-vis de ses prédécesseurs et de ses contemporains par la distinction de ce qui relève du rationnel et de l’irrationnel. Afin de ne pas m’égarer dans un domaine que je ne maîtrise pas du tout, je me limite à quelques exemples qui nous permettront d’apprécier sa pertinence. Ibn Ruschd rejette certains énoncés d’Al-Urjuza d’Ibn Sina, telle l’influence des astres sur le cours de notre vie. Ibn Sina écrit : «Si les étoiles néfastes apparaissent, elles décrètent la mort pour les hommes. Si, au contraire, elles sont fastes, elles déterminent la santé absolue». Ce à quoi Ibn Ruschd répond : «Cela relève de l’expérience des astrologues en ce qu’ils prétendent, vu qu’ils considèrent parmi les astres ceux où prédominent les effets corrupteurs et qu’ils appellent néfastes, et ceux où prédominent les effets bienfaiteurs et qu’ils appellent fastes. Tout cela est contraire à ce qui a été démontré par les sciences naturelles et n’appartient pas à l’art médical mais à l’art de la prédiction par les astres». Un autre exemple plus terre à terre sur l’hygiène des voyageurs : Ibn Sina souligne: «Pour ceux qui voyagent sur terre et sur mer, éviter les voyages maritimes l’hiver et les voyages terrestres pendant les pluies». Ibn Ruschd répond : «Quand il (Ibn Sina) dit évite les voyages maritimes l’hiver, ce n’est pas de la médecine, mais l’art de la navigation». Sans aller dans le détail de sa réponse que j’ai écourtée, je pense que cette phrase résume l’objectivité de sa pensée. Averroès a apporté d’innombrables éclaircissements et des modifications sur des questions thérapeutiques contenues dans l’œuvre d’Ibn Sina qui n’en demeure pas moins un grand penseur et un grand scientifique de son époque. Gilbert Sinoué a commis une belle biographie de ce dernier. Quoique romancée, elle m’a paru instructive et très intéressante à lire. La philosophie, en mère de toutes les sciences, repose sur elles et permet à l’homme de mieux réfléchir à la création, la destinée et la prédestination. Ibn Ruschd a été philosophe, médecin, cadi et théologien. Il a également étudié l’astronomie, la physique et les mathématiques dans le but d’échapper à l’influence du rigorisme qui tue tout esprit critique. Un grand philosophe du XIXe siècle a dit que «les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde ; il s’agit maintenant de le transformer». Cela a commencé par l’abolition des droits divins qui font des monarques des élus de Dieu bénis par la papauté. Cette transformation a aussi commencé par le combat contre les inégalités et l’ordre établi par la féodalité. Mahmoud Aroua, anesthésiste-réanimateur, c'est-à-dire endormeur et ressusciteur en quelque sorte, est également un poète charmeur à ses heures. Il est l’auteur de «Fenêtre sur rêves». Voici quelques vers de ce magnifique recueil :

L’encens de tes rêves
Et je me laisse emporter
Comme une fumée en filigrane
En fier cavalier
Monte en moi
Et je deviens poète
Et m’enivre de toi
Amoureux des roubaiyatte

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